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Gérard Delfau
Question orale sans débat N° 489 au Secrétariat d'État au budget


Prêt à taux zéro

Question soumise le 4 mai 2004

M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les nouvelles conditions du prêt à taux zéro édictées par une circulaire qui le rend si difficile d'accès que la plupart des établissements financiers ont d'ores et déjà cessé de le proposer à leur clientèle et qui pourrait avoir comme conséquence à l'avenir qu'il ne soit plus du tout pratiqué par la profession. Il lui demande quelles mesures d'urgence il compte prendre afin de redonner vie à cette disposition tant attendue pour dynamiser l'accès à la propriété de toutes les catégories sociales et en particulier des plus modestes.

Réponse émise le 19 mai 2004

M. Gérard Delfau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur les graves conséquences de la réforme des modalités d'octroi du prêt à taux zéro, le PTZ, et du prêt à l'accession sociale, le PAS, intervenue le 1er janvier 2004.

Jusque- là, l'appréciation des droits du demandeur à un PTZ ou à un PAS reposait, pour l'organisme prêteur, sur l'avis d'imposition émis par les services de l'Etat pour la période de référence n-2, soit deux ans auparavant.

C'était simple pour les deux parties. La vérification de l'organisme responsable, le fonds de garantie à l'accession sociale, le FGAS, s'appuyait sur un document incontestable. Il était facile, pour les pouvoirs publics, de sanctionner l'emprunteur en cas de fraude ou l'établissement financier en cas de négligence.

Le nouveau décret a pour objectif louable, sans doute, de diminuer le délai n-2 pour approcher au plus près la réalité des revenus de l'emprunteur au moment où il sollicite le prêt. Mais, pour cela, il met en place un dispositif ingérable dont la conséquence sera l'asphyxie progressive de l'intervention de l'Etat en matière d'accession à la propriété au bénéfice des petits et moyens revenus.

Est-ce raisonnable alors que la France se débat à nouveau dans une crise aiguë du logement ? Je m'explique en vous priant par avance d'excuser la technicité du propos.

À partir du 1er mars 2004, date effective de la mise en oeuvre de la réforme, les revenus retenus en référence dépendent du net imposable de l'année 2003. Or l'officialisation des revenus de 2003 ne sera effective qu'en fin d'année, à la fin du mois d'août au plus tôt. Il en résulte des complications administratives pour tenter de légitimer ces revenus avec tous les risques d'erreur afférents qu'énonce la circulaire ministérielle.

Après cinq mois de mise en place, seuls les établissements spécialisés - le Crédit foncier et le Crédit immobilier, à ce que je sais - au prix de lourds sacrifices de gestion, essaient de répondre aux nouvelles exigences d'une réglementation inutilement compliquée. La plupart des autres établissements bancaires ont jeté l'éponge et préfère déconseiller ce financement aux bénéficiaires potentiels.

Pourquoi avoir choisi de prendre en compte comme critère d'octroi de ces aides des revenus qui ne peuvent être justifiés avec exactitude qu'en fin d'année et mettre en place un marathon administratif impossible, alors que la prise en compte des avis d'imposition officiels à n-2 était si simple ?

Qui plus est, les établissements financiers n'ont pas la légitimité des caisses d'allocations familiales, par exemple, pour réclamer à leurs clients, en cours d'année, des justificatifs de revenus, une fois les prêts octroyés.

Dans l'état actuel des choses, et je l'ai vérifié moi-même, les établissements prêteurs devront rouvrir les dossiers en fin d'année pour y insérer les avis d'imposition 2003, quand les emprunteurs qui s'y sont engagés auront bien voulu les transmettre, et poursuivre ceux-ci s'ils ont omis de les envoyer ou, pire, si les sommes y figurant ne correspondent pas à celles qui avaient été retenues pour l'octroi des prêts.

La responsabilité de l'établissement prêteur est entière. Il tente d'ailleurs de la partager avec l'emprunteur, il suffit de voir les décharges multiples qui doivent être signées par les emprunteurs. Pour l'année 2004, monsieur le secrétaire d'Etat, la situation créée est kafkaïenne.

Cette aide au logement devrait être simple, ou redevenir simple, et établie au bénéfice des classes moyennes pour leur faciliter l'accession à la propriété ; or elle se transforme en couperet si une erreur intervient.

Ce faisant, l'Etat se déresponsabilise en maintenant une aide tout en la rendant très compliquée et délicate d'exploitation, en traumatisant les emprunteurs et les prêteurs quant au risque éventuel d'une mauvaise interprétation de la réglementation et d'une utilisation erronée de l'aide, en engendrant une baisse de l'offre et donc de la demande à un moment où le marché de l'immobilier explose et où les jeunes sont de plus en plus démunis devant leur besoin en logement.

Il sera facile ensuite d'accuser les acteurs, établissements prêteurs et emprunteurs, d'un désintérêt pour ce type de financement et d'une tendance à le faire totalement disparaître ; mais telle n'est pas, me semble-t-il, l'idée du Gouvernement.

Permettre l'accession à la propriété pour tous est une des tâches majeures pour tout gouvernement. Nous avions un outil à peu près équitable, à peu près satisfaisant. Pourquoi le rendre inutilisable ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, je vous ai trouvé bien pessimiste. Dès lors je vais essayer de vous faire une réponse, au nom de Nicolas Sarkozy, qui soit plus optimiste.

Le Gouvernement a réformé le prêt à taux zéro pour le cibler davantage, et cela ne peut pas vous choquer, sur les ménages les plus modestes en essayant également de le rendre plus efficace. Tel est l'objectif de la réforme.

Il s'agissait dans cette réforme qui, à mes yeux, est cohérente, de revoir les modalités de remboursement du prêt à taux zéro, pour améliorer les conditions offertes aux accédants des tranches de revenus les plus modestes. En contrepartie, la durée de différé des tranches de revenus éligibles les plus élevées a été réduite. Il en ressort, à mes yeux, un meilleur ciblage sur l'objectif social du prêt à taux zéro qui, je le rappelle, fait appel à des fonds budgétaires.

Ensuite, les conditions d'éligibilité ont été rapprochées au plus près de la réalité vécue par les ménages concernés.

En effet, la période de référence des revenus a été rapprochée du moment de l'offre du prêt. Auparavant, la référence était le revenu de l'année n-2 : certains ménages bénéficiaient donc d'un effet d'aubaine puisque leurs revenus avaient pu fortement progresser dans l'intervalle. Au contraire, les ménages dont les revenus avaient baissé étaient pénalisés.

Cette situation n'était pas juste. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé que la référence de droit commun serait, et cela me paraît assez évident, l'année n-1.

Nous avons fait preuve de pragmatisme dans la mise en oeuvre de cette nouvelle référence, qui a donné lieu, après concertation, à des aménagements.

Je vais vous en citer un : lors des deux premiers mois de l'année, la référence reste l'exercice n-2 pour la raison très simple que les ménages n'ont pas encore déclaré leur revenu de n-1.

Contrairement à ce que vous indiquez, monsieur le sénateur, le Gouvernement considère que cette réforme s'est appliquée sans heurt : 32 000 prêts à taux zéro, ce qui n'est pas rien, ont été mis en place sur les quatre premiers mois de l'année, soit pratiquement le même chiffre que l'an dernier à la même époque, puisqu'il était de 32 475.

L'utilisation de la référence n-1, pour la première fois depuis le début du mois de mars, n'a donné lieu à aucune rupture de rythme, selon les indications des établissements de crédit. Ces derniers nous rappellent tous leur attachement à ce produit qui permet l'accession à la propriété dans des conditions d'endettement acceptables pour les ménages les plus modestes.

Par conséquent, monsieur le sénateur, même si je peux les comprendre, les craintes dont vous avez fait part me paraissent infondées. Je vous le dis clairement, le Gouvernement n'envisage pas de revenir sur cette réforme, qui bénéficie aux accédants à la propriété les plus modestes, dans un souci de justice. Naturellement, comme vous le faites en posant cette question et en remplissant votre devoir de contrôle du Gouvernement, nous resterons vigilants sur l'application de ce dispositif. Nous pourrions donc le modifier si des difficultés d'application se révélaient sur le terrain.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le secrétaire d'Etat, volontairement, je n'avais pas parlé du ciblage des publics. Mais puisque vous m'y invitez, je vous dirai que ce que vous appelez « meilleur ciblage » signifie « désengagement financier de l'Etat ». En effet, il s'agit de la restriction de l'obtention des prêts à taux zéro et de l'éviction d'une partie des classes moyennes, c'est-à-dire, si mes renseignements sont exacts, les couples de salariés à partir de 14 000 francs de revenus mensuels. On ne peut donc pas dire que cela concerne des Français richissimes !

Pour en revenir à ma question, je comprends bien que vous ayez voulu éviter tout effet d'aubaine. J'avais moi-même dit que je comprenais l'idée du décalage. Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous n'avez pas répondu sur ce point, je continue d'affirmer qu'un tel décalage crée une situation kafkaïenne, avec trois périodes de références, pour un établissement financier sur l'année 2004. Vous me répondrez qu'il s'agit de l'année de transition.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Oui !

M. Gérard Delfau. En retour, je vous dirai que, si la mise en place du prêt à taux zéro a suivi le même rythme pour les quatre premiers mois, cela ne signifie rien en soi. En effet, comme vous le savez puisque ce sont vos services qui l'ont décidé, pour les trois premiers mois de l'année, les conditions d'octroi du prêt étaient fondées sur la référence ancienne.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Cela ne change pas grand-chose !

M. Gérard Delfau. En fait, nous sommes actuellement au début du nouveau processus. Vous affirmez qu'il n'y aura pas de détérioration dans la mise en place de prêts. Ce ne sont pas du tout les informations dont je dispose.

Nous jugerons donc le moment venu, et je souhaite, pour les Français, que les craintes que j'exprime ne soient pas justifiées.

Au demeurant, monsieur le secrétaire d'Etat comprenant votre démarche, je souhaite mettre l'accent sur une difficulté : l'avis d'imposition que vous réclamez est officialisé à la fin du mois d'août. Pour résoudre ce problème, il existe une solution simple : à partir de 2005, il suffirait de définir comme référence pour la nouvelle procédure le 1er septembre n-1. Ainsi, vous aurez gagné quatre mois et il n'y aura ni effet d'aubaine ni risque d'erreur.

En conclusion, à la fin de votre propos, vous avez fait une ouverture en vous disant prêt à réexaminer les modalités si cela s'avérait nécessaire. Telle est la suggestion que je vous fais. D'ici peu de temps, au vu des statistiques, je vous propose de nous retrouver et que vous puissiez étudier de nouveau ma demande.

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