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Marie-France Beaufils
Question orale sans débat N° 508 au Ministère de la recherche


Difficultés de l'école d'ingénieurs du Val de Loire

Question soumise le 20 mai 2004

Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'évolution de la situation de l'école d'ingénieurs du Val de Loire (EIVL) rattachée à l'université François-Rabelais de Tours. En effet, cette école rencontre des difficultés scientifiques, pédagogiques et de fonctionnement attestées par plusieurs rapports dont celui remis au ministère par la commission du titre d'ingénieur en décembre 2002. Ce rapport sévère limitait à une seule année la reconduction de l'habilitation à délivrer le titre et constatait l'insuffisance des moyens affectés et les difficultés de son directeur à assurer le fonctionnement démocratique statutaire de l'école. Plusieurs expertises de l'université de Tours et du réseau des Instituts nationaux des sciences appliquées (INSA) ont confirmé ces faiblesses. Aucun des dysfonctionnements graves n'a été sanctionné. Un nouveau rapport, non diffusé, ce qui est alarmant, transmis par M. Gautherin au directeur des enseignements supérieurs, se prononce pour une transformation de l'EIVL en école externe, soutenu en cela par son directeur et quelques élus locaux. Ceci ne peut que présager une rupture des liens avec l'université de Tours, ce qui ne saurait être acceptable. Cela engendrerait un affaiblissement du potentiel « recherche-enseignement-transfert » en sciences appliquées. La solution de l'isolement de cette école n'est pas la voie dans laquelle devrait s'engager cet établissement. Elle devrait bien au contraire resserrer ses liens avec l'université de Tours, participer au développement du pôle de Blois pour créer les synergies nécessaires (par exemple sur Blois avec l'IUT et l'IUP) afin de sortir des difficultés actuelles. C'est l'avis unanime du conseil d'administration de l'université de Tours qui, le 17 novembre dernier, souhaitait inscrire cette école dans une priorité stratégique de « campus technologique universitaire ». Les pressions qui existent pour détacher cet établissement de l'université relèvent d'une conception des sites universitaires totalement contraire à un réel souci d'aménagement du territoire dans le cadre d'orientations nationales en matière d'enseignement supérieur. Elle propose que soit engagée une table ronde régionale la plus large possible et que le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) soit saisi. En dernier ressort, elle lui demande de bien vouloir se prononcer clairement contre le projet de transformer l'EIVL en école externe. Ceci ne pourrait que conduire à la perte de cet établissement, à des difficultés sérieuses pour les personnels attachés aux valeurs universitaires, en l'isolant et en l'enfonçant plus encore dans ses difficultés.

Réponse émise le 2 juin 2004

Mme Marie-France Beaufils. Je tiens à attirer l'attention de M. Fillon sur l'évolution de la situation de l'école d'ingénieurs du Val de Loire, rattachée à l'université François-Rabelais de Tours.

En effet, cette école rencontre des difficultés scientifiques, pédagogiques et fonctionnelles qu'attestent plusieurs rapports, notamment celui qui a été remis au ministère de l'éducation nationale au mois de décembre 2002 par la commission du titre d'ingénieur. Les auteurs de ce rapport sévère limitaient à une seule année la reconduction de l'habilitation à délivrer le titre - contre six années habituellement, voire trois années à titre exceptionnel - et constataient l'insuffisance des moyens affectés, ainsi que les difficultés du directeur de l'école à assurer le fonctionnement démocratique et statutaire de son établissement.

Plusieurs expertises de l'université de Tours et du réseau des instituts nationaux des sciences appliquées, les INSA, ont confirmé ces faiblesses. Aucun des dysfonctionnements graves n'a été sanctionné.

Les auteurs d'un nouveau rapport, non diffusé - ce qui est alarmant - transmis par M. Gautherin au directeur des enseignements supérieurs, se prononcent pour une transformation de l'école d'ingénieur du Val de Loire en école externe, soutenus en cela par son directeur et par quelques élus locaux.

Cela ne peut présager qu'une rupture des liens avec l'université de Tours, ce qui ne saurait être acceptable, et un affaiblissement du potentiel « recherche-enseignement-transfert » en sciences appliquées.

La voie de l'isolement n'est pas celle que devrait emprunter cette école pour sortir de ses difficultés actuelles. Bien au contraire, elle devrait resserrer ses liens avec l'université de Tours, participer au développement du pôle de Blois pour créer les synergies nécessaires - par exemple, à Blois, avec l'institut universitaire de technologie, l'IUT, et l'institut universitaire professionnalisé, l'IUP.

C'est l'avis unanime des membres du conseil d'administration de l'université de Tours qui, le 17 novembre dernier, ont souhaité inscrire cette école dans une perspective stratégique prioritaire de « campus technologique universitaire ».

Les pressions qui s'exercent pour détacher cet établissement de l'université traduisent une conception des sites universitaires totalement incompatible avec le souci d'aménagement du territoire, dans le cadre d'orientations nationales en matière d'enseignement supérieur.

Je propose donc à M. Fillon la tenue d'une table ronde régionale qui soit la plus large possible, afin de bien évaluer l'activité de cette école, et de saisir le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. M. le ministre a en effet déclaré, lors de la conférence des présidents d'université le 22 avril 2004, que, en matière d'enseignement supérieur comme en matière de recherche, l'impératif de qualité doit prévaloir. Pour cela, il faut disposer d'un système d'évaluation qui soit le plus efficace possible : la table ronde pourrait en être un élément.

En dernier ressort, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir vous prononcer clairement contre le projet de transformer l'école d'ingénieur du Val de Loire en une école externe. Sortir cette école du cadre universitaire pourrait en effet conduire cet établissement à sa perte et favoriser l'émergence de difficultés sérieuses pour son personnel, attaché aux valeurs universitaires, en l'isolant et en l' « enfonçant » plus encore dans les difficultés.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Madame le sénateur, l'école d'ingénieur du Val de Loire a été créée par un décret du 8 mars 1993. C'est une école interne à l'université de Tours, au sens de l'article L. 713-9 du code de l'éducation.

Vous soulignez dans votre question, madame Beaufils, qu'un certain nombre de responsables blésois souhaitent depuis plusieurs années l'autonomie de l'école et son intégration à un réseau du type de celui des INSA.

Une telle orientation n'est pas réaliste, à l'heure actuelle, car l'école n'a ni les moyens ni les compétences pédagogiques et scientifiques nécessaires.

Lors de sa dernière évaluation, au mois de décembre 2002, la commission du titre d'ingénieur a en effet constaté un manque de clarté dans les objectifs pédagogiques. C'est pourquoi, logiquement, des réflexions ont été menées afin de trouver une solution satisfaisante pour l'école, dans le cadre actuel du paysage des formations technologiques de l'académie d'Orléans-Tours : école polytechnique de l'université d'Orléans, école polytechnique de l'université de Tours et école nationale supérieure d'ingénieurs de Bourges.

Dans cette perspective, il s'est agi de réfléchir à la construction d'un dispositif fédérateur associant sur le plan fonctionnel l'ensemble des formations d'ingénieurs à l'échelon régional ainsi que les universités de Tours et d'Orléans, ce qui paraît particulièrement adapté à notre besoin de visibilité pour l'ensemble du système national d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation. L'institution d'un réseau intrarégional permettrait, justement, de ne pas isoler l'école d'ingénieur du Val de Loire.

Quoi qu'il en soit, un groupe de travail au sein de la direction de l'enseignement supérieur a remis un rapport de mission. Ce groupe de travail recommande, en fonction des négociations avec les acteurs principaux, l'évolution de l'école vers un dispositif fondé sur l'article 43 de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur ainsi qu'un double rattachement aux universités de Tours et d'Orléans, ce qui, dans beaucoup d'autres cas, a déjà constitué une solution satisfaisante.

Cette solution, madame le sénateur, pourrait être rapidement mise en oeuvre, sous réserve qu'une étude approfondie sur modalités de son application soit menée avec les universités concernées.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, vous venez d'évoquer l'article 43 de la loi du 26 janvier 1984. On se dirige donc vers une autonomie de cette école, ce qui contredit les propos tenus par M. Fillon lors de la conférence des présidents d'université le 22 avril 2004. Il a en effet affirmé à cette occasion qu'il était déraisonnable de disperser le potentiel de nos forces scientifiques et que, au contraire, il était nécessaire d'en structurer la puissance.

Faire en sorte que cette école reste une composante de l'université m'avait semblé un facteur important et décisif pour assurer sa pérennité. Ma suggestion d'organiser une table ronde a pour objet d'avoir une vision plus large de l'ensemble des intervenants au sein de l'école et de l'université de Tours. Il ne me semble pas préoccupant que l'université d'Orléans y soit associée, mais externaliser l'activité de l'école et la rendre complètement autonome serait, selon moi, une erreur.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j'insiste particulièrement pour qu'une table ronde la plus large possible soit organisée.

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