M. Gérard Delfau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, c'est à vous personnellement que je m'adresse, et pas seulement au ministre en charge du secteur agricole. Vous connaissez la profession de vigneron, sa noblesse, son impact considérable sur notre société.
M. René-Pierre Signé. C'est vrai !
M. Gérard Delfau. Or la viticulture du Languedoc-Roussillon risque de disparaître en une génération si nous manquons de courage dans la crise qu'elle traverse.
Sous nos yeux, dans l'indifférence générale, de plus en plus de vignerons lâchent prise, brisés par la mévente continue d'un vin, dont ils sont fiers, pourtant, d'avoir amélioré la qualité.
Ils ont subi en peu de temps une baisse de 30 % de leurs revenus. Quelle profession accepterait une telle amputation de ressources ?
Des caves coopératives sont au bord de la cessation de paiement, d'autres, déjà fermées, se vendent au prix fort de l'immobilier, sans que les municipalités aient les moyens de racheter ce patrimoine.
Les stocks de vin sont au plus haut, alors qu'une récolte abondante se prépare.
Les prix de vente sont sans cesse tirés à la baisse par un négoce et une grande distribution qui se savent en position de force. Les modalités de retiraison et les délais de paiement imposés par les circuits de commercialisation seraient jugés inacceptables dans toutes les autres branches. Les causes structurelles de cette crise sont connues, je n'y reviens pas.
Les mesures conjoncturelles que vous avez prises et que vous allez sans doute exposer de nouveau, monsieur le ministre, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Même la distillation obligatoire, arrachée trop tard à Bruxelles, démarre lentement, en raison de la faible attractivité de son montant par rapport aux prix des vins d'appellation d'origine contrôlée, les AOC. Le supplément de crédits publics destinés à l'exportation, 7 millions d'euros, est dérisoire. Quant à l'arrachage définitif auquel vous entrouvrez la porte, il risque d'aboutir à une nouvelle poussée d'urbanisation mal contrôlée, sans apporter de remède de fond.
Depuis deux ans, des cortèges pacifiques ont défilé dans les grandes villes du Languedoc-Roussillon.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Delfau !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est important !
M. Gérard Delfau. Je termine, monsieur le président.
Des actions individuelles violentes ont été commises, traduisant la désespérance. Il est temps, monsieur le ministre, de reprendre la situation en main, de réunir l'ensemble des acteurs de la filière et, avec l'aide des élus, de chercher des solutions d'avenir.
Que pensez-vous faire, monsieur le ministre, sur ce dossier brûlant avant les vendanges, cette échéance à la fois très belle et redoutable ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. - M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Delfau, le cri d'inquiétude que vous venez de lancer devant la Haute Assemblée est justifié. Quelles que soient les difficultés que connaissent les différents vignobles, elles ne sont en rien comparables à celles qui frappent actuellement le Languedoc-Roussillon. C'est d'ailleurs une affaire récurrente car, dans le passé, cette région a déjà connu des difficultés et a déjà lancé de tels cris d'alarme.
Comme vous le savez, je me suis rendu à plusieurs reprises dans chacun des départements de votre région et nous avons déjà réagi.
Nous avons pris des mesures de soutien conjoncturelles, pour un montant supérieur à 100 millions d'euros ; 45 % de ces sommes destinées aux caves coopératives et aux viticulteurs ont été effectivement affectées sur le terrain.
Par ailleurs, nous avons obtenu de la Commission européenne, voilà déjà plusieurs mois, un taux historique de distillation : 3,35 % pour les AOC, et ce pour 1,5 million d'hectolitres, et 2,48 % pour les vins de table. Cette possibilité étant ouverte jusqu'au 31 juillet, j'invite celles et ceux qui souhaitent en bénéficier à présenter leur dossier le plus rapidement possible. Certes, ce n'est pas une solution extraordinaire, mais cela permet de réagir.
Si nous voulons que notre vignoble se développe, monsieur Delfau, il faut exporter.
J'ai été très surpris l'autre jour par la qualité de la présentation des vignobles du Languedoc-Roussillon à Vinexpo. J'ai bien senti la volonté des viticulteurs de se battre et d'exporter ; leurs stands étaient parmi les plus beaux.
Nous avons affecté 7 millions d'euros de crédits à l'exportation. M. le Premier ministre a souhaité que j'aie à mes côtés un « Monsieur Exportations viticoles » qui commence à travailler. Je recevrai de nouveau dans quelques semaines l'ensemble des représentants de la viticulture de votre région. Nous travaillerons ensemble à l'élaboration de mesures structurelles supplémentaires et nous ferons le point.
La crise de la région Languedoc-Roussillon sera traitée, monsieur Delfau. Le gouvernement de Dominique de Villepin en prend l'engagement. Nous avons entendu votre message, nous continuerons à travailler avec vous sur ce dossier.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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