Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Comme ma collègue Raymonde Le Texier, j'ai bien remarqué lundi soir, sur le parvis des Droits de l'homme, que le Président de la République, dans le discours qui a été lu par Mme Vautrin, n'a manqué ni de souligner le travail des associations de lutte contre l'exclusion, qui se battent chaque jour pour un minimum de respect de la dignité humaine, ni de défendre l'action de votre gouvernement dans ce domaine. Le même jour, les députés de votre majorité redoublaient d'efforts pour réduire largement l'impôt de solidarité sur la fortune.
Monsieur le Premier ministre, les associations qui interviennent sur le terrain, que ce soit pour la nourriture, l'hébergement, les soins, etc. assurent de plus en plus des missions de service public, dans des domaines où l'Etat, sous votre responsabilité, se désengage.
Comment comprendre alors que les subventions accordées aux associations de lutte contre l'exclusion ne soient finalement pas honorées au cours de l'exécution du budget, victimes d'abord de gels budgétaires puis d'annulations ? Servent-elles d'affichage d'abord, de variable d'ajustement ensuite ?
Comment expliquer par ailleurs - c'est une autre contradiction - que vous rendiez quasiment impossible le recours aux soins pour les plus pauvres, c'est-à-dire les sans domicile fixe et les sans-papier, qui jusqu'à présent pouvaient bénéficier de l'aide médicale d'Etat, l'AME ?
Les décrets relatifs à l'AME que vous avez fait publier cet été, en écartant une partie des plus pauvres de l'accès aux soins, non seulement distendent les liens de solidarité et entérinent l'exclusion, mais constituent un danger pour la santé publique de tous nos concitoyens, alors que cela représente une dépense dérisoire au regard de l'ensemble des dépenses de santé.
Monsieur le Premier ministre, pour que votre action soit en accord avec les objectifs sociaux que vous ne manquez jamais de rappeler, je vous demande d'honorer les dotations aux associations votées par le Parlement, en les reportant sur 2006 et en garantissant l'exécution du prochain budget. Je vous demande également de rétablir le droit à l'aide médicale d'Etat dans les conditions antérieures aux décrets du mois de juillet 2005.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Madame la sénatrice, dans un domaine aussi sensible et aussi important que celui de la misère et de la pauvreté, où nous sommes tous portés par la même ambition, il faut éviter deux écueils. D'une part, il nous faut nous méfier de l'idéologie.
(Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Eh voilà !
M. René-Pierre Signé. Surtout de la vôtre !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. D'autre part - tous les amateurs de sport le savent -, il est plus facile de marquer des buts quand on est placé en haut des gradins (M. Jacques Mahéas s'exclame) que lorsque l'on se trouve sur le terrain !
M. Ladislas Poniatowski. C'est une bonne image !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Vous avez eu l'occasion pendant cinq ans d'éprouver cette difficulté et nous avons pu tirer le bilan de l'action que vous avez menée dans ce domaine. (M. René-Pierre Signé proteste.) Il nous appartient de faire mieux ; c'est ce à quoi nous nous employons.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne se voit pas pour l'instant !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Lutter contre la misère, contre l'exclusion ou contre la discrimination, agir en faveur de la justice sociale, telle est l'ambition de mon gouvernement.
Pour cela, nous avons fait le choix simple de privilégier l'emploi et la croissance sociale.
M. René-Pierre Signé. Il était temps !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Pour moi, en effet, le chômage représente la véritable précarité.
M. Roland Muzeau. Vous radiez les chômeurs !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Avoir un travail, c'est reprendre pied dans la société, rompre avec l'isolement, retrouver sa dignité.
Le Gouvernement agit pour le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés.
M. René-Pierre Signé. Jean-Pierre Raffarin n'a rien fait ?
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Ainsi, nous dégagerons 500 millions d'euros pour augmenter la prime pour l'emploi en 2006 et 500 millions d'euros supplémentaires en 2007.
Nous verserons également une prime de mille euros aux titulaires de minima sociaux afin de les inciter à reprendre une activité. Tous les titulaires de l'allocation spécifique de solidarité seront reçus d'ici à la fin de l'année par les services de l'ANPE. Par ailleurs, MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier ont accepté - je les en remercie - une mission essentielle concernant la refondation du contrat d'insertion pour les RMIstes.
M. Guy Fischer. On a du souci à se faire !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Avec le plan de cohésion sociale, le Gouvernement met en oeuvre un dispositif ambitieux pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion.
Prenons la question essentielle du logement. En 2005, 12 000 places en hébergement d'urgence sont en chantier ; nous avons réalisé un effort sans précédent. S'agissant du logement social, ce sont 80 000 places qui sont en chantier en 2005 et 100 000 le seront en 2006. C'est deux fois plus que ce que vous aviez vous-mêmes fait.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. René-Pierre Signé. Et Jean-Pierre Raffarin ?
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Enfin, je veux que nous nous battions pied à pied face aux difficultés concrètes que rencontrent les Français.
Prenons l'exemple du service bancaire universel. Thierry Breton et Catherine Vautrin ont tenu hier une première réunion avec les représentants des banques et des associations. Mon objectif est que tous nos compatriotes puissent bénéficier d'un compte bancaire et des moyens de paiement indispensables dans notre société.
J'ai également décidé d'interdire les coupures d'électricité et d'énergie pendant la période hivernale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les salariés d'EDF qui ont maintenu l'électricité se trouvent mis en examen !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Un texte en ce sens sera présenté au Parlement dans les prochaines semaines.
M. Guy Fischer. Il faut supprimer les sanctions !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Enfin, s'agissant de l'accès de tous aux soins, madame la sénatrice, il faut être précis et juste. La réforme de l'aide médicale d'Etat était indispensable pour préserver ce droit. En politique aussi, le principe de responsabilité existe. Nous n'avons porté aucune atteinte aux droits des malades.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et René-Pierre Signé. Si !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Les soins urgents, les soins pour les mineurs, les soins pour les femmes enceintes...
Mme Eliane Assassi. Quand on est enceinte, on n'est pas malade !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ...les soins pour les personnes atteintes de maladies infectieuses sont totalement pris en charge, sans aucune condition de résidence.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Mahéas. On vous les enverra !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Vous le voyez, madame la sénatrice, la lutte contre la pauvreté est le devoir de tous. C'est bien sûr celui de l'Etat - vous avez raison -, c'est aussi celui des collectivités locales, des entreprises et des associations, lesquelles accomplissent un travail remarquable sur le terrain.
Les crédits de lutte contre l'exclusion seront donc préservés de toute régulation budgétaire. J'en prends l'engagement ici même devant vous. Il faut de la responsabilité, de la générosité et de l'action. Voilà ce dont nous avons besoin ! Voilà ce que fera le Gouvernement !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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