M. Yannick Bodin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le ministre, l'université française va mal ; j'en veux pour preuve les récentes grèves qui ont eu lieu à la faculté des sciences de Rouen et l'on peut s'attendre à une situation encore plus tendue dans les semaines à venir.
Dans un classement mondial récent, et qui fait référence, la première université française n'apparaît qu'au quarante-sixième rang. L'OCDE, elle, place la France au dix-neuvième rang sur vingt-six.
M. Raymond Courrière. Eh oui !
M. René-Pierre Signé. C'est la catastrophe !
M. Yannick Bodin. L'Etat français investit en moyenne 6 800 euros par étudiant, quand les autres pays d'Europe investissent, eux, 9 000 euros.
Monsieur le ministre, vous venez d'annoncer que 110 millions d'euros allaient être consacrés à la rénovation des bâtiments universitaires. Permettez-moi de vous dire que ce n'est là qu'un pansement.
M. Jacques Mahéas. Une misère !
M. Yannick Bodin. Cette somme reste bien en deçà des besoins réels : 110 millions d'euros pour l'ensemble du territoire français, c'est vraiment dérisoire !
A titre comparatif, je vous indique que la région d'Ile-de-France consacre 171 millions d'euros à la rénovation de ses lycées cette année !
Par ailleurs, nous sommes inquiets quant aux engagements non tenus du plan « Université du troisième millénaire », U3M, et au résultat des contrats de plan Etat-région. Ce ne sont pas les quelques crédits débloqués pour la recherche et la création de 3 000 postes dans le projet de budget pour 2006 qui pourront améliorer qualitativement la situation !
L'université, monsieur le ministre, est ouverte à tous les étudiants Mais voilà : tous les étudiants n'ont pas les moyens de poursuivre leurs études !
La précarité sociale des jeunes est une réalité. Deux étudiants sur trois doivent travailler pour financer leurs études et plus de 10 000 d'entre eux vivent au dessous du seuil de pauvreté. De plus, le logement est devenu rare et cher, donc inaccessible pour eux.
Un syndicat a ainsi montré que les dépenses des étudiants ont augmenté de 20 % alors que les aides de l'Etat dont ils bénéficient n'ont crû que de 5 %. Plus de 60 % des universités sont même amenées à imposer à leurs étudiants des frais obligatoires complémentaires.
M. le président. Monsieur Bodin, posez votre question !
M. Yannick Bodin. En résumé, les universités font payer aux étudiants le manque de moyens qui devraient être accordés par l'Etat ! Comment s'étonner, dans ces conditions, que les objectifs de réussite en licence ne soient pas atteints ?
L'échec en premier cycle s'élève à 40 % : il est impossible d'assurer la réussite de 60 % d'une classe d'âge en licence dans des conditions matérielles et sociales aussi dégradées !
(Marques d'impatience sur les travées de l'UMP.)
Plusieurs sénateurs de l'UMP. La question !
M. Yannick Bodin. Dans l'immédiat, monsieur le ministre, votre projet de budget pour 2006, fait de renoncements et de reculs, n'inspire que des inquiétudes.
M. le président. Monsieur Bodin, vous pénalisez l'intervenant suivant !
Un sénateur socialiste. Il n'est pas le seul !
M. le président. Je vous demande de conclure rapidement. Sinon, je serais obligé de vous interrompre !
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, je poserai ma question dès que l'on me laissera la parole !
(Protestations sur les travées de l'UMP.)
Plusieurs sénateurs de l'UMP. La question !
M. Dominique Braye. La question qui fâche !
M. Yannick Bodin. De toute façon, mon intervention ne sera pas plus longue que la réponse d'un ministre !
Ma question est la suivante.
(Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Enfin !
M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, quelles initiatives proposez-vous pour redonner à l'université française son niveau européen et mondial, et quel plan de rattrapage êtes-vous prêt à mettre en oeuvre pour offrir un enseignement supérieur de qualité à tous les étudiants, quel que soit leur milieu social ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le sénateur, nous sommes tous attachés à l'enseignement supérieur et à la réussite des étudiants.
Pour ma part, j'aurais apprécié que les gouvernements que vous avez soutenus dans le passé
(protestations sur les travées du groupe socialiste) ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne va pas recommencer ! Cela suffit !
M. François Goulard, ministre délégué. ... en aient fait autant pour l'université française que nous, actuellement !
Monsieur le sénateur, l'Etat consacre aujourd'hui plus de 20 milliards d'euros à l'enseignement supérieur et à la recherche. Les dotations aux universités progressent de 3 % dans le projet de budget pour 2006.
M. René-Pierre Signé. Plaisanterie !
M. François Goulard, ministre délégué. En outre, et c'est une première, nous créons 3 000 emplois pour la recherche.
M. Jacques Mahéas. Vous y avez été obligés !
M. François Goulard, ministre délégué. Sur ces 3 000 emplois, 1 900 sont réservés à l'université puisque ce sont des postes d'enseignants-chercheurs.
Au travers de ce grand plan pour la recherche française, inédit de par son ampleur même, nous soutenons également l'université et l'enseignement supérieur.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui concerne les étudiants, l'Etat consacre, vous le savez, 4,5 milliards d'euros à la vie étudiante. Le plan en cours, que nous exécutons année après année, prévoit la construction de 50 000 logements neufs, soit 5 000 logements par an.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les municipalités qui construisent les logements !
M. François Goulard, ministre délégué. Nous avons décidé par ailleurs de rénover 70 000 logements sur dix ans, à raison de 7 000 logements par an. Un tel effort n'a jamais été accompli !
Mme Paulette Brisepierre. Exactement !
M. François Goulard, ministre délégué. Je n'aurai pas la cruauté de vous demander, mesdames, messieurs les sénateurs, combien de terrains ont été libérés aujourd'hui par la Ville de Paris pour construire les logements étudiants dont nous avons, en effet, tant besoin !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est honteux d'entendre cela !
M. Didier Boulaud. Et à Neuilly, chez Sarkozy ?
M. François Goulard, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique du Gouvernement en matière d'enseignement supérieur ne laisse aucun sujet de côté.
Nous souhaitons tirer l'ensemble de l'enseignement supérieur vers le haut grâce à une politique de recherche ambitieuse.
Les campus que M. le Premier ministre a décidé de créer doivent permettre à nos universités et à nos centres de recherche les plus performants de se doter de pôles d'excellence, afin qu'ils puissent rivaliser avec les meilleurs campus du monde. C'est un objectif tout à fait accessible pour la France.
Plusieurs sénateurs socialistes. La réponse !
M. François Goulard, ministre délégué. Nous voulons également nous attaquer au problème récurrent, et que vous n'avez pas réglé, de l'échec lors du premier cycle universitaire.
Il est nécessaire d'améliorer l'orientation et le soutien des étudiants de premier cycle. Tel est l'objectif prioritaire des contrats quadriennaux que nous signons avec les universités.
En effet, nous n'oublions pas que la qualité de l'enseignement supérieur traduit le dynamisme de la France et représente pour l'ensemble des étudiants des perspectives d'emploi. C'est notre priorité !
(Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Paroles ! Paroles !
M. François Goulard, ministre délégué. L'enseignement supérieur doit déboucher sur des diplômes, car les diplômes, ce sont les emplois de demain !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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