Mme Marie-Thérèse Hermange. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
En France, les conditions de vie de nos enfants sont dans l'ensemble plutôt bonnes par rapport à celles que connaissent des millions d'enfants dans le monde. Pourtant, les sujets d'inquiétude existent puisque des drames liés à la maltraitance touchent chaque jour nos enfants, allant jusqu'à la vente de nourrissons, comme l'a révélé une actualité récente, voire jusqu'au meurtre.
Une étude récente réalisée par l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, vient de révéler que, sur 774 000 naissances dénombrées chaque année, près de 4 000 enfants ne souffleront jamais leur première bougie parce qu'ils seront emportés par une mort violente.
L'ODAS, l'Observatoire national de l'action sociale, a publié hier un rapport selon lequel le nombre d'enfants en danger a progressé en une seule année de 7 %, passant de 89 000 à 95 000. Selon cet institut, notre société semble de plus en plus déstabilisée dans les règles élémentaires du vivre ensemble.
Oui, la maltraitance recouvre des réalités diverses provoquées par des conditions de précarité intellectuelle, matérielle, mais aussi et surtout par l'immaturité parentale ; trop d'enfants en deviennent victimes.
Toutes ces situations ont un dénominateur commun : l'absence d'amour et d'affection que, légitimement, tout enfant est en droit d'attendre de ses parents, comme de la société.
Certes, notre pays dispose d'un système complexe, trop complexe même, pour prendre en charge ces situations douloureuses et assumer sa responsabilité en termes de protection. Au cours des années, ce système a été amélioré, en particulier grâce aux lois de 1989 et de 2004.
Toutefois, au regard de cette réalité et à l'approche du 20 novembre, la Journée mondiale de l'enfance, alors que vous avez été interpellé, monsieur le ministre, par des professionnels de l'enfance pour lancer un grand débat sur cette question, pouvez-vous nous dire si vous allez y répondre positivement ? Allez-vous faire de la protection de l'enfance une grande cause nationale et renouveler notre dispositif législatif et réglementaire ?
Si tel était le cas, le Gouvernement traduirait en actes un principe essentiel, celui de l'intérêt supérieur de l'enfant, témoignant ainsi que toute nation marche sur les pieds fragiles de ses petits enfants.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question ; je reconnais là votre longue et grande expérience des problèmes liés à la protection de l'enfance.
Oui, vous avez raison, un débat national est nécessaire sur cette question. Comme vous, comme nous tous ici, je suis profondément choqué et indigné chaque fois que l'actualité révèle des violences subies par des enfants, qu'elles soient d'ordre physique, psychique ou sexuel, et je le suis plus encore, comme nous tous, lorsque les auteurs de ces violences sont les propres parents des victimes.
Cela dit, notre système de protection de l'enfance repose sur des fondements justes dans la mesure où l'intérêt de l'enfant est une priorité de l'action sociale à l'enfance. Je tiens d'ailleurs à rendre ici hommage à tous les professionnels de l'action sociale à l'enfance, qui font dans notre pays un travail formidable. Toutefois, il est vrai que des failles existent ; l'actualité parfois horrible, où le crime le dispute à l'horreur, nous le révèle régulièrement. Nous devons réagir face à ces situations : il faut à l'évidence resserrer les mailles du filet de la protection de l'enfance.
Cette action doit s'articuler autour de cinq axes.
Premièrement, la prévention doit intervenir dès la maternité et être placée sous la responsabilité de la protection maternelle et infantile.
Deuxièmement, il faut former tous les professionnels qui sont au contact des enfants pour détecter les cas de violence qui ne sont pas toujours visibles.
Troisièmement, il faut coordonner tous les services, que ce soient ceux de l'Etat ou ceux des départements. Cette coordination doit se faire sous l'autorité du président du conseil général.
Quatrièmement, il faut veiller à la qualité des signalements. Si le secret professionnel est une nécessité, les informations doivent pouvoir être partagées entre les professionnels afin de permettre une bonne transmission des connaissances et favoriser la réactivité.
Cinquièmement, il faut diversifier nos réponses aux cas difficiles. Nous nous limitons trop souvent au choix entre deux solutions : soit le maintien de l'enfant dans la famille, quitte à ce qu'il soit exposé à de réels dangers, soit son accueil dans un autre lieu, dans une autre famille ou dans un établissement, solutions qui ont pour conséquence de rompre le lien familial. Il faudrait pouvoir développer des formules intermédiaires. C'est ainsi que nous éviterons les drames. C'est la raison pour laquelle, madame la sénatrice, je crois nécessaire un grand débat national.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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