Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la réponse de votre gouvernement à l'explosion de violence qu'ont connue des villes ou des quartiers de notre pays a été l'instauration de l'état d'urgence, dont l'effet principal est...
M. Josselin de Rohan. De fixer le cap !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...d'adresser un signal désastreux aux populations discriminées et de libérer une parole xénophobe.
M. Dominique Braye. Pas du tout !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toute honte bue, nombre de vos amis mettent les violences sur le dos de la polygamie, du rap, des mariages mixtes, des étrangers, en situation régulière ou non, qui seraient responsables du désarroi populaire !
(Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Bizet. Nous avons bien raison de le penser !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Se trouvent ainsi légitimés le rétablissement de la double peine, les « charters » et le tri des étudiants. Rappelant de mauvais souvenirs, vous désignez des boucs émissaires, stigmatisez de manière inquiétante les banlieues et pratiquez une véritable ethnicisation de la crise sociale, qui met en péril le socle de notre démocratie.
M. Christian Cointat. Vos propos sont scandaleux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plutôt que de ramener la sérénité, vous agitez la peur. Vous prétendez apporter des réponses sociales, toujours les mêmes, à savoir les zones franches, en réalité un cadeau fait au patronat, auquel vous ajoutez le travail des enfants. Si vous voulez que l'égalité des chances soit la grande cause nationale de 2006, monsieur le Premier ministre, de grâce, cessez de faire la guerre aux pauvres !
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Quelle caricature !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Messieurs, si vous continuez à m'interrompre, je demanderai à M. le président du Sénat d'allonger mon temps de parole !
Monsieur le Premier ministre, seules des circonstances exceptionnelles, mettant en péril la République, peuvent justifier l'état d'urgence, au sens de la loi, tristement connotée, de 1955.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Dominique Braye. Ce que vous dites est honteux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or le 16 novembre dernier, lorsque votre majorité a voté son application, nul n'a pu la justifier, et je m'honore d'avoir défendu l'inconstitutionnalité de cette mesure.
Depuis lors, ni les parlementaires ni les citoyens n'ont eu droit à la moindre information sur ce qui, dans les quartiers et les villes, justifierait, selon vous, le maintien de l'état d'exception.
(Exclamations continues sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pouvez-vous, aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, nous livrer des éléments d'information fiables et nous annoncer la seule mesure justifiée par la réalité de la situation et réclamée par de nombreuses organisations oeuvrant pour les droits et les libertés : la levée de l'état d'urgence !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Madame Borvo Cohen-Seat, je dois avouer que je ne m'attendais pas à une telle avalanche de contrevérités. Mais, madame la sénatrice, tout ce qui est excessif n'est-il pas insignifiant ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà qui est extraordinaire !
M. Henri Cuq, ministre délégué. Je répondrai toutefois, naturellement, à votre question.
Aujourd'hui, le calme est revenu dans nos banlieues (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame), et il n'y a plus aucun couvre-feu préfectoral en vigueur sur l'ensemble de notre territoire.
Mme Hélène Luc. Pourquoi alors avoir prorogé l'état d'urgence ?
M. Henri Cuq, ministre délégué. Pour autant, madame, nous devons rester vigilants, notamment à l'approche des fêtes de fin d'année.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Être vigilant, ce n'est pas décréter l'état d'urgence !
Mme Marie-France Beaufils. Des voitures brûlent tous les ans !
M. Henri Cuq, ministre délégué. C'est pourquoi nous avons demandé au Parlement de proroger, pour une durée de trois mois, les dispositions de la loi de 1955.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Levez l'état d'urgence, si la situation ne le requiert plus !
M. Henri Cuq, ministre délégué. Quel est le sens de cette décision ? Il s'agit d'une mesure de protection et de précaution, qui permet aux préfets, en accord avec les maires, j'insiste sur ce point, de disposer des instruments nécessaires au rétablissement de l'ordre, si les circonstances l'exigent.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Dominique Braye. La gauche rejette l'ordre !
M. Henri Cuq, ministre délégué. Cette mesure a été utilisée avec beaucoup de discernement, au cas par cas, en fonction de la gravité de la situation. Naturellement, madame la sénatrice, dès que les circonstances le permettront, il sera mis fin, par décret, à l'application de la loi de 1955.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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