Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur l'obligation faite aux hôtesses de l'air de la compagnie Air France en mission en Iran de porter un foulard et un vêtement ample dès leur sortie d'avion. La direction d'Air France justifie cette décision par la « tolérance et le respect des cultures et des coutumes » et des « valeurs fondamentales ». Cette obligation est, hélas !, effectivement imposée à toutes les femmes en République islamique d'Iran : c'est une des règles établies par la Charia. En l'occurrence, il est donc inacceptable de parler de « tolérance » ou de « valeurs fondamentales ». Des femmes mènent en Iran le combat contre l'obscurantisme. Que des citoyennes françaises refusent de porter le symbole de la soumission est légitime. Les hôtesses qui défendent ainsi leur dignité doivent voir leur attitude respectée. La décision d'Air France paraît, par ailleurs, en contradiction avec l'esprit du décret du 11 juillet 1991. Le syndicat UGICT-CGT a proposé de mettre en oeuvre, sur les lignes France - Iran, le principe du volontariat. Ce dernier a été appliqué à diverses reprises, par exemple lors de la guerre du Golfe. Sur les vols vers La Mecque, le personnel navigant est exclusivement masculin. Une telle solution préserverait les intérêts de la compagnie, respecterait la dignité de ses hôtesses et corrigerait la rupture d'égalité entre les femmes et les hommes créée par les sanctions. Elle lui demande les dispositions qu'il envisage de prendre pour que la direction de la compagnie revienne sur sa décision.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le calendrier est bien fait : je suis heureuse de poser cette question ce 8 mars, Journée internationale des femmes. C'est une journée non pas de commémoration, mais de lutte des femmes partout dans le monde, y compris en France.
La compagnie Air France impose aux hôtesses de l'air en mission en Iran le port du foulard et d'un vêtement ample à la sortie de l'avion.
La direction de la compagnie justifie cette contrainte et les sanctions pour non-respect de la règle de la manière suivante : « La tolérance et le respect des cultures et des coutumes de ces pays sont pour nous, depuis tous temps, des valeurs fondamentales et nous nous attachons à ce que la pratique du métier de personnel navigant s'inscrive dans ce cadre contextuel et contractuel. Comme tous les visiteurs étrangers, nos équipages sont tenus de respecter les lois du pays où ils se trouvent. »
Je ne conteste pas la nécessité de respecter les lois des autres pays. Je sais aussi que l'obligation de dissimuler leurs cheveux et leur corps est, hélas ! imposée à toutes les femmes en République islamique d'Iran et que celles qui luttent contre cette réalité de l'obscurantisme le font au péril de leur vie.
De quoi s'agit-il ? De la charia et de ses terribles régressions pour les femmes iraniennes ! Comment qualifier ces contraintes de « coutumes » ? Comment évoquer la « tolérance » ou les « valeurs fondamentales » ?
Les règles de la charia, c'est précisément l'intolérance, un recul dangereux des valeurs fondamentales que les peuples du monde se sont données.
En ce 8 mars, il serait juste et opportun de soutenir les citoyennes françaises qui refusent de porter le symbole de la soumission, de soutenir les hôtesses de l'air qui défendent ainsi leur dignité et, au-delà, celle de toutes les femmes.
J'ajoute que, cette année, notre pays célèbre le centenaire de la laïcité et réaffirme celle-ci comme l'une des valeurs de la République. La compagnie Air France s'honorerait de porter ces valeurs partout dans le monde.
A l'évidence, un autre aspect est très préoccupant : les hôtesses de l'air sont non pas des touristes, mais des salariées. Et la compagnie n'offre aux hôtesses refusant de porter le voile qu'une seule alternative : subir une retenue sur salaire ou être affectées sur des moyens courriers. Comment exiger un tel sacrifice de femmes, souvent jeunes et - ce que vous ne savez peut-être pas - mal rémunérées ? Comment leur demander de mettre ainsi en cause leur carrière ?
Il faut sortir de cette alternative ! C'est possible en mettant en oeuvre le principe du volontariat sur les lignes France-Iran. Ce principe a déjà été appliqué, par exemple lors de la guerre du Golfe. De même, sur les vols vers La Mecque, le personnel navigant est exclusivement masculin.
Une telle solution, proposée par le syndicat des cadres et techniciens de la confédération générale du travail, préserverait les intérêts de la compagnie et respecterait la dignité des hôtesses.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Madame la sénatrice, vous posez une question qui ne peut manquer de nous toucher tous, car il s'agit de réalités qui sont particulièrement difficiles à vivre pour les femmes concernées.
Je trouve, comme vous, que le texte d'Air France que vous avez cité est pour le moins maladroit, et j'ai bien l'intention de le faire observer au président de cette compagnie. Cela étant, il n'est pas exact de dire qu'Air France impose un certain nombre de règles à ses collaboratrices. Afin de tenir compte des réalités locales, Air France demande à son personnel féminin, lorsqu'il effectue un transit entre l'aéroport et l'hôtel, de se couvrir les cheveux avec un foulard et de porter des vêtements « amples » pour circuler en ville.
L'Etat iranien est un Etat souverain : il adopte les lois qu'il veut ! Celles-ci ne seraient évidemment pas de mise dans une démocratie comme la nôtre, mais elles sont une réalité en Iran. La législation iranienne ne fait aucune différence entre les ressortissantes iraniennes et les étrangères ; elle ne fait pas de différence non plus selon que l'on se trouve dans un cadre professionnel ou dans un cadre touristique.
La desserte de Téhéran par Air France, qui est souhaitable à d'autres points de vue, ne peut avoir lieu qu'à ce prix. Les autres compagnies européennes, qui desservent l'Iran depuis plus longtemps que nous, car elles n'ont pas interrompu leur liaison avec ce pays - Air France n'a repris ses vols vers Téhéran que depuis quelques mois -, respectent ces obligations locales, que je me garde bien de confondre avec des coutumes.
La direction d'Air France informe ses collaborateurs qu'ils sont soumis à des contraintes particulières quand ils sont affectés sur les vols desservant l'Iran. Et l'entreprise offre aux agents qui n'accepteraient pas ces règles locales - c'est leur droit le plus strict - des possibilités d'affectation non pas sur des moyens courriers, comme vous l'avez dit, madame la sénatrice, mais sur d'autres zones géographiques.
Le dispositif adopté par Air France me paraît convenable et protecteur des droits des salariés. Mais, je le répète, j'ai été, comme vous, madame la sénatrice, défavorablement impressionné, pour ne pas dire plus, par la rédaction adoptée par la compagnie.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir dit que la justification avancée par la compagnie Air France n'était pas des plus habiles. Cela étant, il me paraît nécessaire de poser sérieusement la question du volontariat. En effet, à l'heure actuelle, les collaboratrices d'Air France qui refusent ces contraintes sont sanctionnées financièrement.
J'ajoute, afin de compléter votre information, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'obligation et la sanction qui touchent les personnels que nous évoquons sont contraires à l'esprit du décret de 11 juillet 1991 : « Tout membre d'équipage doit s'abstenir d'exercer ses fonctions dès lors qu'il ressent une déficience quelconque de nature à lui faire croire qu'il ne remplira pas les conditions d'aptitude nécessaires à l'exercice de ses fonctions ».
Je veux également vous rappeler les mesures figurant dans le code du travail : toute disposition qui n'est pas intégrée dans le règlement intérieur doit faire l'objet d'une procédure de négociation préalable pour être éventuellement imposée. En l'occurrence, cette disposition relative aux salariés doit s'appliquer, puisqu'il ne s'agit pas de touristes qui sont libres de se rendre en Iran et de porter ou non le voile.
La moindre des choses serait que les salariées d'Air France aient une possibilité de choix. Il importe, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous évoquiez avec la compagnie le cas de celles qui n'acceptent pas les contraintes que nous évoquons, afin qu'elles soient affectées sur d'autres lignes et qu'elles ne subissent aucune sanction, financière ou autres.
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