M. Christian Cambon souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur les incidences, pour les communes riveraines de l'aéroport d'Orly, des travaux prévus sur la piste nord pour l'accueil des Boeing 777 et des Airbus A 380. Il lui demande les mesures que le Gouvernement compte prendre pour ne pas remettre en cause les conditions d'exploitation de la plate-forme aéroportuaire et garantir le respect de ses engagements à l'occasion des travaux envisagés pour l'accueil des très gros porteurs.
M. Christian Cambon. Ma question s'adressait à M. le ministre des transports, mais je remercie M. le ministre de la culture d'assurer l'intérim de M. Perben.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. J'ai une vocation interministérielle !
(Sourires.)
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, la compagnie Air France vient de commander sept Boeing 777 pour remplacer les antiques Boeing 747 qui assurent la desserte des départements d'outre-mer, c'est une bonne chose. Ces nouveaux gros porteurs seront mis en service entre mai 2006 et juin 2007.
Malheureusement, le poids de ces nouveaux biréacteurs n'est pas compatible avec les infrastructures actuelles de l'aéroport d'Orly, et ce changement de flotte nécessitera donc des travaux très lourds pour rénover les pistes.
La première phase de travaux, qui concerne la piste nord, interviendra entre la mi-avril et la mi-juin 2006. Le trafic sera alors reporté sur la piste sud, qui restera seule en activité, assurant l'équivalent de 800 mouvements par jour pendant plus d'un an et demi.
Les habitants des plus proches communes de la nouvelle trajectoire sont particulièrement inquiets de ce report de trafic. Ils craignent, en effet, la remise en cause du couvre-feu et un trafic intensifié pendant la journée.
A partir du second semestre 2006, en attendant la deuxième tranche de travaux visant au renforcement de la piste sud, les gros porteurs Boeing 777 décolleront de la piste nord en configuration face à l'est. Mes propos sont quelque peu techniques, mais les riverains savent malheureusement de quoi il s'agit. Ces avions survoleront alors des territoires non inclus dans le plan de gêne sonore.
Ainsi, à titre d'exemple, la ville d'Orly, les quartiers sud de Thiais et de Sucy-en-Brie, et les quartiers nord de Villeneuve-le-Roi, de Limeil-Brévannes ou de Boissy-Saint-Léger, moins touchés par le mode d'exploitation actuel, seront alors soumis à des nuisances sonores qu'ils ne subissaient pas auparavant, avec près d'une dizaine de départs quotidiens de gros porteurs.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour ne pas remettre en cause les conditions d'exploitation de la plate-forme aéroportuaire d'Orly et garantir le respect des engagements du Gouvernement à l'occasion des travaux envisagés pour l'accueil des très gros porteurs ?
Cette inquiétude des riverains de l'aéroport d'Orly est d'autant plus grande que l'on annonce aujourd'hui la diminution des ressources affectées à l'aide aux travaux d'insonorisation.
En effet, depuis l'entrée en vigueur du nouveau plan de gêne sonore d'Orly, incluant six communes, le nombre d'ayants droit à cette aide est passé de 33 000 à plus de 43 000, soit près de 11 000 riverains supplémentaires par rapport à 1995.
Les ressources destinées à l'aide à l'insonorisation, désormais financée grâce à la taxe sur les nuisances sonores aériennes, la TNSA, doivent donc évoluer en conséquence. Dans le cadre du plan national d'action de lutte contre le bruit présenté en octobre 2003, le Gouvernement avait annoncé que les ressources disponibles passeraient de 17 millions d'euros en 2003 à 55 millions d'euros en 2004. Or, en 2004, les dix aéroports nationaux n'ont obtenu que 30 millions d'euros, dont 10 millions d'euros affectés à Orly, l'un des aéroports les plus touchés, avec Roissy, bien évidemment.
Selon certaines indications, monsieur le ministre, le produit de la taxe pour 2005 serait sensiblement identique à celui de 2004, soit 30 millions d'euros.
Cette stabilité des ressources cache en réalité une réduction très nette des crédits pour Orly. En effet, à partir de cette année, la règle de calcul a changé. Désormais, les ressources perçues au titre de la TNSA et affectées au financement des aides aux riverains seront réparties en fonction du nombre de décollages sur l'aéroport concerné. Celles qui sont attendues pour Roissy seront donc bien évidemment plus importantes que celles d'Orly. Par conséquent, à enveloppe constante, les sommes disponibles pour Orly se trouveraient réduites de moitié et s'élèveraient à environ 5 millions d'euros alors même que le nombre des riverains bénéficiaires a très sensiblement augmenté.
Pour confirmer ces prévisions plutôt alarmantes, il a été annoncé en commission consultative d'aide aux riverains, le 27 septembre dernier, qu'Aéroports de Paris n'avait récolté pour les six premiers mois de l'année 2005 que 1,3 million d'euros pour Orly contre 10 millions en 2004. Vous comprendrez dès lors l'inquiétude des riverains. Nous sommes loin des sommes promises, qui traduisaient déjà une baisse significative pour les riverains d'Orly !
Face à l'inquiétude des populations concernées, les conseils municipaux se mobilisent. Celui de Villeneuve-le-Roi, ville touchée au premier chef, a voté le 29 septembre dernier un voeu demandant à l'Etat de prendre des mesures pour garantir l'aide à l'insonorisation des riverains d'Orly. Les élus demandent que cette aide soit au moins égale à celle de 2004, augmentée en proportion du nombre de nouveaux logements éligibles au nouveau plan de gêne sonore. Ils souhaitent également que le mode de répartition des ressources financières issues de la TNSA soit modifié en fondant cette répartition sur le nombre d'habitants ayant droit à l'aide à l'insonorisation et non plus seulement sur le nombre de décollages sur l'aéroport concerné.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de l'estimation des recettes attendues de la taxe sur les nuisances sonores aériennes pour l'année 2005 et des mesures que vous comptez prendre pour augmenter les montants perçus de manière à permettre aux riverains concernés de bénéficier d'une aide à l'insonorisation, et ce dans un délai raisonnable ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, M. Dominique Perben étant retenu, il m'a demandé de vous apporter les réponses suivantes.
Au fond, vous posez deux questions : celle du calendrier des travaux et celle du financement des mesures pour permettre la protection des riverains.
En effet, la flotte d'avions gros porteurs qui fréquente l'aéroport d'Orly connaîtra prochainement un important renouvellement : à partir de l'été 2006, les Boeing 747 d'Air France assurant les liaisons vers les départements et territoires d'outre-mer seront tous remplacés par des Boeing 777 dans leur version lourde 300 ER, et les autres Boeing 747-200 et 747-300 seront remplacés par des Boeing 747-400, plus lourds d'une vingtaine de tonnes.
Les chaussées actuelles des pistes d'Orly n'ont pas la résistance nécessaire pour accueillir ces nouveaux avions. Par conséquent, la rénovation et le renforcement de ces chaussées doivent être entrepris dès le printemps 2006, ce qui ne fera qu'anticiper de deux ou trois ans les travaux qui auraient, de toute façon, dus être programmés.
Les travaux prévus consistent à rénover la piste 4 ainsi que les voies de circulation qui permettent d'accéder à ses deux extrémités et les trois postes de stationnement pour les avions gros porteurs du hall 3 du terminal ouest.
La durée de ces travaux est bien inférieure à un an et demi puisqu'elle est de l'ordre de deux mois : ils auront lieu entre début avril et fin mai 2006.
Pendant ces travaux, les mouvements seront reportés en très grande majorité sur la piste 3 orientée est-ouest, qui peut accueillir l'ensemble des mouvements quotidiens. Aucune remise en cause du couvre-feu nocturne n'est prévue : il est très important que les populations concernées le sachent.
Quant au financement du dispositif d'aide à l'insonorisation des riverains d'Orly, il est effectivement assuré depuis 2004 par le produit de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, la fameuse TNSA, comme sur les neuf autres grands aéroports français. Cette taxe est affectée à l'exploitant de l'aérodrome sur lequel le décollage a lieu. La taxe perçue pour chaque décollage dépend de la classification acoustique de l'aéronef concerné, qui s'effectue par groupes. C'est sur ce point précis qu'il y aura des évolutions.
Dès son arrivée au ministère des transports, M. Dominique Perben a demandé une évaluation de ce dispositif. Les résultats de cette évaluation, qui viennent de lui être remis, montrent clairement que le montant des recettes de la TNSA sera inférieur à celui qui était attendu.
M. Dominique Perben a donc souhaité que, sur la base de l'analyse des causes de ce déficit, le dispositif de la TNSA soit revu pour atteindre les objectifs de protection de l'environnement attendus par les riverains.
Ainsi, la rédaction des projets de textes réglementaires est déjà engagée ; elle porte notamment sur la modification de la composition des groupes de classification acoustique des aéronefs et l'augmentation des coefficients de modulation de jour de la plupart des groupes.
Ces nouvelles dispositions permettront une revalorisation tout à fait significative du produit de la taxe, conforme aux objectifs de lutte contre les nuisances sonores et de protection des riverains.
Nous essayons donc de faire face à nos obligations de rénovation des pistes et d'utilisation du matériel aéronautique plus performant sans pour autant pénaliser les populations concernées. Les ajustements budgétaires auront lieu en fonction de la révision de ces dispositifs et le Gouvernement tirera les conclusions de l'observation concrète des résultats.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je suis particulièrement satisfait des deux engagements que vous avez pris : d'une part, la non-remise en cause du couvre-feu rassurera les nombreux riverains de l'aéroport d'Orly qui supportent sa gêne sonore, d'autre part, l'ouverture d'une révision des critères d'application de la TNSA donnera satisfaction aux plus de 400 riverains qui attendent depuis des années le règlement des indemnités, ce qui leur permettra d'engager des travaux.
Les indications que vous venez de nous donner et que nous transmettrons seront de nature à éviter la judiciarisation d'un grand nombre de conflits. J'espère que vos engagements seront tenus et que l'Etat respectera sa parole.
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