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Hélène Luc
Question orale sans débat N° 842 au Ministère du tourisme


Sécurité des transports aériens

Question soumise le 20 octobre 2005

Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sur l'insuffisance des législations et réglementations nationale et internationale en matière de sécurité du transport aérien de voyageurs qui a été à nouveau mise en lumière par la succession de catastrophes aériennes qui se sont produites cet été. Il devient urgent et nécessaire d'en tirer toutes les conséquences dans le contexte d'accélération de la déréglementation du transport aérien européen et international. La sécurité est un problème majeur qui dépasse la simple problématique des compagnies charters et concerne non seulement les compagnies dites à « bas coût » mais aussi les lignes aériennes régulières. Tout le transport aérien est concerné par l'exacerbation de la concurrence qui amène les transporteurs à réduire leurs coûts de gestion pour baisser leurs tarifs. La recherche effrénée des tarifs les plus bas s'accompagne obligatoirement de mesures drastiques de réduction des coûts au premier rang desquels figurent ceux qui sont liés à la sécurité. Les dangers générés par la déréglementation du transport aérien sont aggravés par le développement de la sous-traitance qui, en utilisant des salariés moins bien payés, moins qualifiés et aux garanties sociales inférieures, a des répercussions directes sur la sécurité des vols. Les mesures annoncées par le Gouvernement pour faire face à cette situation (publication des listes des compagnies interdites, compléments d'information sur la validité des autorisations des compagnies, contrôles inopinés et plus fréquents sur les aéronefs, obligation pour les tours opérateurs d'informer les passagers sur les compagnies qu'ils emprunteront) lui paraissent insuffisantes. Elle lui demande, en conséquence, de les compléter par : la création de bases de données regroupant toutes les informations nécessaires sur les compagnies et les appareils ; la création d'un site Internet sur lequel les salariés du transport aérien pourraient alerter de tout problème de sécurité sans être inquiétés par leur employeur ; l'augmentation des pouvoirs et des moyens dont disposent actuellement les agents chargés des contrôles préalables à l'attribution des droits de trafic et des contrôles en escale réalisés sur le sol français ; un strict encadrement de la sous-traitance sur les opérations de maintenance des appareils.

Réponse émise le 18 janvier 2006

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à dire que l'absence de M. Perben me déçoit. J'aurais souhaité, en effet, qu'il se libère pour répondre en personne à une question d'une telle importance, d'autant que celle-ci lui a été adressée depuis longtemps déjà. C'est, de surcroît, la deuxième fois qu'il n'est pas présent pour répondre à l'une de mes questions.

Chacun s'en souvient avec émotion, la série noire des catastrophes aériennes qui ont endeuillé l'été 2005 et notamment coûté la vie à 152 compatriotes de Martinique nous a laissés sous le choc et a tragiquement mis en lumière l'inadaptation et l'insuffisance des législations et des réglementations nationales et internationales en matière de sécurité du transport aérien de voyageurs.

Il devient urgent et indispensable d'en tirer toutes les conséquences dans le contexte d'accélération de la déréglementation du transport aérien. La sécurité est un problème majeur qui dépasse la simple problématique des compagnies charters et concerne non seulement les compagnies dites « à bas coût », mais aussi les lignes aériennes régulières.

Tout le transport aérien subit les conséquences de l'exacerbation de la concurrence, qui amène les transporteurs à réduire leurs coûts de gestion pour baisser leurs tarifs. La recherche effrénée des tarifs les plus bas s'accompagne obligatoirement de mesures drastiques de réduction des coûts, au premier rang desquels figurent ceux qui sont liés à la sécurité et à l'emploi.

Notre pays n'échappe malheureusement pas à cette règle impitoyable. J'en veux pour preuve la politique de réduction des effectifs menée au nom de la compétitivité et de la productivité par notre compagnie nationale Air France. C'est précisément dans le secteur sensible de l'entretien et de la révision des appareils qu'Air France Industries envisage de supprimer 2 000 emplois d'ici à cinq ans.

C'est d'autant moins admissible qu'Air France-KLM affiche aujourd'hui, comme on peut le lire dans un journal du soir, une forme olympique sur le plan financier avec une progression du cours en bourse de 40 % depuis le 1er janvier 2005 et un bénéfice net de 829 millions d'euros, en hausse de 17 %, ce qui a conduit le président d'Air France-KLM à dire que l'exercice en cours, qui s'achèvera le 31 mars 2006, devrait constituer la meilleure année en termes de marge. Pour le deuxième mois consécutif, la compagnie aérienne a enregistré une croissance supérieure à 10 % en passager kilomètre transporté au mois de décembre et une hausse de 6,6 % d'avril à décembre. Le même journal ajoute que ces chiffres sont d'autant plus appréciables qu'ils mettent en avant la forte compétitivité de la société par rapport à la concurrence.

Cette situation de course au profit risque encore d'empirer avec la récente signature de l'accord transatlantique « ciel ouvert ».

Les dangers générés par la déréglementation du transport aérien sont aggravés par le développement de la sous-traitance, qui, parce qu'elle utilise des salariés moins bien payés, moins qualifiés et aux garanties sociales inférieures, a des répercussions directes sur la sécurité des vols.

Il est donc impératif de renforcer les mesures de sécurité existantes pour faire face à la croissance du transport aérien et à l'augmentation du nombre de compagnies charters et « à bas coût ».

Les mesures qu'avait annoncées M. Perben à la suite des différentes catastrophes de l'été dernier étaient nombreuses : projet de labellisation des compagnies, publication d'une liste de toutes les compagnies interdites, compléments d'information sur la validité des autorisations des compagnies, contrôles inopinés et plus fréquents sur les aéronefs, ou bien encore obligation pour les tour-opérateurs d'informer les passagers sur les compagnies qu'ils emprunteront.

À ma connaissance, ces mesures, qui me paraissent de toute façon insuffisantes, ne sont pas encore réellement mises en oeuvre. Quel calendrier se fixe le Gouvernement pour qu'elles soient appliquées ?

Sans attendre l'aboutissement des négociations relatives à un renforcement de la sécurité aérienne sur le plan européen ou sur le plan international au niveau de l'Organisation de l'aviation civile internationale, nous devrions prendre rapidement nous-mêmes, en France, quelques dispositions pour exercer un meilleur contrôle des compagnies desservant notre territoire. Dans cette optique, je ferai, sans être exhaustive, trois propositions.

À l'instar de ce qui existe dans la marine marchande, il conviendrait d'abord de créer une banque de données, une sorte de « carte d'identité » des aéronefs, rassemblant tous les éléments ayant trait à la sécurité et permettant de vérifier la traçabilité des appareils ainsi que leur conformité aux normes internationales.

Il s'agirait ensuite de modifier radicalement les procédures des contrôles effectués par les agents de la direction générale de l'aviation civile, contrôles qui sont trop courts et qui se bornent à une vérification de documents administratifs et au contrôle visuel de quelques éléments des avions, et de faire procéder à des contrôles techniques plus approfondis en augmentant le nombre des points de contrôle sur un avion, le nombre de contrôleurs et la fréquence de leurs opérations.

Enfin, il faudrait rendre plus stricte la réglementation concernant la sous-traitance sur les opérations de maintenance des appareils.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il l'intention de mettre en oeuvre de telles mesures et quel rôle entend-il jouer sur le plan international, non seulement pour réglementer les normes de sécurité mais aussi pour en assurer l'application ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Madame la sénatrice, comme vous, le Gouvernement a été très choqué par la série d'accidents aériens survenus cet été, accidents qui ont malheureusement coûté la vie à un grand nombre de nos compatriotes, et il partage la douleur des familles des victimes.

Il a réagi en prenant immédiatement des mesures de renforcement des contrôles et d'amélioration de l'information des passagers.

C'est ainsi que, sans attendre, il a décidé d'augmenter de plus de 20 % le nombre de contrôles en escale, alors qu'en 2004 la France a effectué plus du tiers de tous les contrôles réalisés dans l'Union européenne.

Pour informer au mieux les passagers, il a tenu à anticiper la publication d'une liste des compagnies interdites dans l'Union européenne en publiant la liste des compagnies autorisées et des compagnies interdites d'accès sur notre territoire.

Il a aussi décidé d'anticiper les dispositions réglementaires de l'Union européenne et de mettre en place sans attendre l'obligation, pour les agences de voyage, les vendeurs de billets ou les compagnies aériennes, d'informer le passager sur l'identité du transporteur, un décret précisant ces dispositions devant prochainement entrer en vigueur.

Le Gouvernement tient en outre à ce que les mesures prises au niveau national s'appliquent sans réserve sur le plan communautaire et international. Dans cet esprit, la France a transmis en novembre dernier à la Commission européenne un mémorandum sur la sécurité aérienne dans lequel elle propose un renforcement et une harmonisation des contrôles des compagnies aériennes et des États exerçant leur tutelle sur ces compagnies afin d'assurer strictement le respect de la réglementation existante.

Les propositions que vous formulez, madame la sénatrice, sont donc, pour l'essentiel, déjà prises en compte, notamment celles qui concernent la définition des modalités de notification des incidents par les équipages, les exploitants d'aéronefs et les contrôleurs aériens.

La réglementation en vigueur jusqu'à présent vient par ailleurs d'être renforcée avec la transposition de la directive 2003/42/CE du 13 juin 2003 dans le cadre de la loi relative à la sécurité et au développement des transports, qui vient d'être promulguée.

Quant aux opérations de maintenance, elles sont strictement encadrées et ne peuvent être effectuées que par des ateliers agréés répondant aux normes communautaires, y compris ceux qui sont situés hors de l'Union européenne. Les éventuels sous-traitants sont eux-mêmes placés sous la responsabilité et la surveillance de ces ateliers agréés, selon des règles communautaires précises.

Telle est, madame la sénatrice, la réponse que M. Perben m'a chargé de vous transmettre.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre délégué aux relations avec le Parlement, je tiens à redire devant vous que je regrette l'absence, pour la deuxième fois, de M. le ministre des transports pour répondre à l'une de mes questions ; je souhaiterais que vous veilliez à ce que les ministres à qui nos questions s'adressent soient eux-mêmes présents.

Monsieur Bertrand, vous ne serez pas étonné que votre réponse ne me satisfasse pas entièrement. En effet, je vous ai fait trois propositions concrètes et précises de nature à améliorer rapidement la sécurité et les contrôles des appareils et je regrette que vous ne les ayez pas vraiment prises en considération.

Je sais que la sécurité des vols exploités en transport public, à destination ou en provenance du territoire français, est une préoccupation du Gouvernement. Je sais aussi que la plupart des mesures relèvent d'actions qui doivent être prises à l'échelon international et que le Gouvernement a préparé un mémorandum destiné aux instances européennes qui devrait enrichir les positions européennes dans le débat international, mais encore faut-il que ce débat ait réellement lieu !

Vous voyez que je suis de près la question, mais je crois qu'il faut aller plus vite et plus loin et je regrette que, dans l'attente de décisions internationales, vous ne preniez pas plus rapidement des mesures chez nous.

J'aurais également souhaité avoir plus de précisions sur le renforcement du programme d'inspection des avions sur les aéroports et sur les moyens qui leur seront affectés.

Hier, les agences de voyage annonçaient qu'entre mai et juin se préparaient de très nombreux déplacements à l'étranger et pour des destinations lointaines. Il ne faut pas que le voyage prévu soit le dernier, comme cela a été le cas pour de trop nombreux voyageurs, et laisse des familles orphelines d'êtres chers.

La France a le mérite d'avoir l'une des aviations les plus modernes, les plus sûres, les plus novatrices, avec bientôt l'A 380, tout cela grâce au fait qu'elle a été conçue comme un service public. Malheureusement, malgré la lutte des salariés et de notre groupe, nous n'avons pas réussi à empêcher la privatisation. C'est dommage pour la France !

Il reste que nous avons le devoir, pour les passagers, pour les personnels, pour les riverains, de prendre des mesures encore plus draconiennes dans un ciel toujours plus encombré.

La France se doit d'abord d'arrêter, pour sa propre compagnie aérienne, des mesures maximales, en liaison avec les personnels ainsi qu'avec les associations de riverains.

J'insiste sur ce dernier point, qui a été abordé lors des assises que le conseil général a tenues tout récemment à Orly avec le président d'Aéroports de Paris ainsi qu'avec le préfet de la région d'Île-de-France, car le travail qui s'effectuait à une époque avec les associations de riverains est beaucoup moins soutenu depuis un certain temps.

Monsieur le ministre, je le répète, la France doit jouer un rôle de premier plan pour assurer et pour organiser le contrôle sur le plan international. À cette fin, il serait bon que le ministre des transports prenne l'initiative d'organiser un débat au Parlement sur la sécurité aérienne.

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