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Gisèle Gautier
Question orale sans débat N° 846 au Ministère de l'agriculture


Situation des producteurs de pommes face aux importations

Question soumise le 27 octobre 2005

Mme Gisèle Gautier interpelle M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les importations de pommes en provenance des pays tiers. Elle rappelle que la campagne de commercialisation 2004/2005 a été catastrophique pour les producteurs de pommes du Val-de-Loire, notamment dans certaines variétés bicolores de fin de saison représentant 20 % du verger. A ce jour, il est probable que les importations atteignent 1 000 000 de tonnes. Aussi, alors que la pression de l'offre de la nouvelle récolte 2005 augmente, le marché est complètement engorgé par des stocks importants de pommes d'hémisphère sud, bradés à très bas prix (entre 3,80 et 8,80 le carton de 18 kg) et des stocks d'ancienne récolte d'hémisphère nord. Cette année, le démarrage de la campagne de commercialisation de la récolte européenne 2005 a pris deux mois de retard. Le marché est complètement engorgé et la situation des producteurs est catastrophique. Les producteurs demandent donc : - l'instauration d'une mesure annuelle permettant de n'ouvrir le marché européen aux pommes d'importation qu'à compter du 1er juin 2006 ; - que la préférence communautaire s'impose conformément au traité de Rome ; - la révision à la baisse, dès 2006, des plafonds d'importation afin qu'une telle situation ne puisse se reproduire. Le marché européen doit en effet être dégagé à l'arrivée de la récolte européenne début août ; - l'obligation faite aux importateurs de pommes d'avoir vendu la totalité des fruits importés avant l'arrivée de la récolte européenne, c'est-à-dire avant début août 2006 ; - l'instruction immédiate d'une enquête concernant la suspicion d'une pratique de dumping. Elle lui demande quelles mesures concrètes il compte prendre pour sauver la production arboricole ?

Réponse émise le 10 novembre 2005

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la campagne de commercialisation menée en 2004 et 2005 a été catastrophique pour les producteurs de pommes du Val de Loire, notamment pour certaines variétés bicolores de fin de saison, qui représentent 20% du verger.

Le comité de bassin du Val de Loire, associé à la section nationale pomme et à la fédération nationale des producteurs de fruits, a, dès le mois de juillet, alerté les autorités françaises et communautaires sur les déficiences des déclarations douanières relatives à l'importation dans l'Union européenne de pommes en provenance de pays tiers.

Au 30 juin 2005, le site des douanes de l'Union européenne recensait 276 000 tonnes de pommes importées, alors que plusieurs autres sources faisaient état d'environ 700 000 tonnes, soit déjà une différence importante. Or, à ce jour, il est probable que ces importations atteignent, malheureusement, un million de tonnes de pommes.

Les mécanismes de sauvegarde prévus par les règlements communautaires sont, de ce fait, inapplicables, car leur déclenchement dépend d'informations erronées.

Cette déficience s'est traduite de deux manières.

Tout d'abord, les importations de pommes en provenance de l'hémisphère sud, mal mesurées, se sont accumulées en Europe sans être pour autant écoulées sur le marché.

Ensuite, les opérateurs européens, trompés par de fausses informations, ne se sont pas précipités pour achever leur campagne de commercialisation des pommes de l'hémisphère nord.

Aussi, alors que la pression exercée par l'offre de la nouvelle récolte, celle de 2005, s'accroît, le marché se trouve complètement engorgé par des stocks importants de pommes de l'hémisphère sud, bradées à très bas prix, et par des stocks issus de l'ancienne récolte de l'hémisphère nord.

Aujourd'hui, des pommes chinoises, néo-zélandaises, ou chiliennes, notamment, sont proposées à la vente dans l'Union européenne à des prix qui oscillent entre 3 euros et 8 euros, non pas pour un kilogramme de pommes, notez-le bien, mais pour un carton de 18 kilogrammes !

Ces prix ne couvrent même pas les coûts de transport ! Il s'agit donc de toute évidence d'un dumping, contre lequel il convient d'agir au plus vite.

Voilà pourquoi le lancement de la campagne de commercialisation de la récolte européenne de 2005 a pris deux mois de retard. Le marché est complètement engorgé et la situation des producteurs devient catastrophique.

Les importations en provenance de l'hémisphère sud arrivent traditionnellement courant mars. Cela laisse cinq mois pour commercialiser la récolte européenne, ce qui est matériellement impossible.

Il est absolument impératif que la production européenne puisse récupérer au moins les deux mois de commercialisation perdus au début de la saison en raison de la défaillance du système régissant les échanges de l'Union européenne avec les pays tiers.

Les producteurs formulent cinq demandes.

Premièrement, l'instauration d'une mesure annuelle permettant de n'ouvrir le marché européen aux pommes d'importation qu'à compter du 1er juin 2006.

Deuxièmement, la mise en oeuvre de la préférence communautaire, conformément au Traité de Rome, ce qui me paraît la moindre des choses.

Troisièmement, la révision à la baisse, dès 2006, des plafonds d'importation, afin qu'une telle situation ne puisse se reproduire. Le marché européen doit, en effet, se trouver dégagé au moment de l'arrivée de la récolte européenne, début août.

Quatrièmement, l'obligation faite aux importateurs de pommes de vendre la totalité de leurs fruits avant l'arrivée de la récolte européenne, c'est-à-dire avant le début du mois d'août 2006.

Enfin, cinquièmement, l'instruction immédiate d'une enquête concernant une éventuelle pratique de dumping.

Ces demandes, qui me semblent légitimes et de bon sens, doivent être satisfaites de toute urgence, puisque les contrats d'importation pour 2006 seront conclus dans les semaines à venir. Il en va de la survie de l'arboriculture européenne.

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes comptez- vous prendre pour sauver la production arboricole ? Quelles réponses concises apportez-vous aux cinq demandes que je viens de présenter ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la sénatrice, vous avez raison d'évoquer ces difficultés, qui, hélas, sont patentes.

Ces dernières années, en particulier en 2005, le secteur arboricole a connu des difficultés pour commercialiser ses produits. J'aurai l'occasion de recevoir prochainement des arboriculteurs du Val de Loire, une région proche, madame le sénateur, de votre département de Loire-Atlantique.

La filière pomme éprouve des difficultés à écouler ses produits, en raison notamment du niveau élevé des importations en provenance des pays de l'hémisphère sud et des anticipations insuffisantes du marché, liées à une défaillance de comptabilisation des volumes importés à l'échelle communautaire.

Alertés au mois de juillet sur cette situation, mes services ont immédiatement saisi la Commission de l'Union européenne pour que toute la lumière soit faite sur le niveau réel des importations. La Commission a effectivement reconnu, mais un peu tard, des erreurs de comptabilisation.

Une enquête a été diligentée, à l'issue de laquelle la Commission a annoncé, lors du comité de gestion fruits et légumes du 18 octobre, que le dispositif serait réformé pour avoir une fiabilité optimale. Soyez assurée, madame la sénatrice, que je veillerai au suivi des mesures envisagées par la Commission, afin que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent pas.

S'agissant de l'engagement d'une procédure anti-dumping, il faut rappeler qu'une telle décision ne peut être prise que par les acteurs de la filière. Toutefois, s'ils s'engagent dans cette voie, ils peuvent être assurés de l'appui technique du ministère de l'agriculture et de la pêche.

Mes services ont, par ailleurs, évalué l'opportunité et la faisabilité d'une modification des conditions de déclenchement de la clause de sauvegarde spéciale prévue au bénéfice de ce produit au titre des dispositions de l'article 5 de l'accord sur l'agriculture du GATT. En ce qui concerne cette clause, les périodicités en vigueur sont adaptées à notre calendrier de production et de commercialisation. Les volumes de déclenchement sont calculés annuellement, dans le plus strict respect des procédures établies par l'article 5 et sans la moindre marge de manoeuvre.

J'ai alerté la Commission sur les difficultés que susciterait sur le marché, au printemps 2006, l'arrivée de nouvelles importations en provenance de l'hémisphère sud. Je lui ai demandé de déclencher une clause de sauvegarde sur ce produit au titre de l'article XIX de l'Accord général sur les tarifs douaniers et de commerce. En effet, cette clause peut être mise en oeuvre en cas de perturbation du marché, quelle que soit la période de l'année considérée. Elle est donc à même de limiter le volume des importations et de faire jouer pleinement, comme nous le souhaitons, le principe de préférence communautaire, au printemps prochain.

Bien entendu, le déclenchement de cette clause ne peut résulter que d'une démarche à l'appui d'un dossier très circonstancié, que mes services sont en train de finaliser rapidement.

Au-delà de ces aspects juridiques, la filière arboricole et particulièrement la filière pomme peuvent compter sur mon appui le plus déterminé.

J'ai ainsi débloqué, dès le début du mois de septembre, une enveloppe de 1,5 million d'euros pour des mesures de promotion de la pomme, notamment à l'exportation.

J'ai annoncé, par ailleurs, un plan de soutien global à l'arboriculture, qui représente un effort de quinze millions d'euros pour la seule fin d'année 2005, auquel s'ajoute une enveloppe de vingt-cinq millions d'euros de prêts de consolidation à taux bonifié. Ce plan comprend des mesures d'urgence destinées à venir en aide aux exploitants les plus en difficulté, mais aussi des dispositions de nature à renforcer la compétitivité de la filière française par une modernisation de la production et une meilleure structuration de l'offre. Enfin, il prévoit des actions visant à renforcer l'interprofession et à dynamiser les marchés nationaux, européens et internationaux.

Nous allons évaluer ces mesures département par département, et je serai heureux de recueillir votre sentiment sur ce qui aura été fait en Loire-Atlantique, madame la sénatrice. En fonction des résultats de cette évaluation, nous pourrons prendre des mesures complémentaires.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je savais que vous mesureriez les difficultés rencontrées par les producteurs de pomme, et je me réjouis de voir que vous avez pris rendez-vous avec les responsables de cette filière dans l'ouest de la France. Avec vous, je suivrai de très près l'évolution de ce dossier. Si nous ne nous en préoccupons pas maintenant, nous risquons de voir cette filière disparaître de façon dramatique.

Nous serons donc à vos côtés, monsieur le ministre, pour travailler ensemble et parvenir à une solution raisonnable.

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