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Jacqueline Gourault
Question orale sans débat N° 863 au Ministère de l'agriculture


Situation de la viticulture en Loir-et-Cher

Question soumise le 10 novembre 2005

Mme Jacqueline Gourault attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation de la viticulture française et en particulier celle du Loir-et-Cher.

Alors que le millésime s'annonce des plus exceptionnels dans notre région les viticulteurs de Loir-et-Cher sont particulièrement inquiets du fait de la crise que traverse cette filière pourtant déterminante pour l'avenir de nombreux territoires.

A la tendance à la diminution de la consommation globale de vin, s'ajoute la concurrence exacerbée de nombreux opérateurs mondiaux et les incohérences des politiques menées au niveau européen.

De ce fait, de nombreuses exploitations viticoles se trouvent dans une véritable situation de faillite et ce, quel que soit leur mode de commercialisation, à laquelle s'ajoute bien évidemment les drames personnels de nombreux viticulteurs.

Face à cette situation elle souhaite connaître les dispositifs qui peuvent être mis en place :

d'une part, à court terme, pour permettre aux agriculteurs de maintenir leur activité, car c'est bien de cela qu'il s'agit, et notamment par des aménagements de charges sociales et fiscales et des aides à la trésorerie;

d'autre part, et à plus long terme, quelles peuvent être les mesures envisagées notamment pour:

- maîtriser le volume de production et éviter les comportements spéculatifs à la baisse qui conduisent certains producteurs à commercialiser au dessous du coût de production;

-comment accompagner les efforts à l'exportation de nos producteurs et simplifier les démarches administratives qui entravent cette exportation;

-comment le Gouvernement entend mieux favoriser une meilleure adéquation entre les nouvelles demandes des consommateurs et l'offre des producteurs;

- enfin et peut-être surtout comment faire en sorte que la France ne soit pas la seule nation vertueuse pour la maîtrise de la production quand, dans le même temps, se plantent y compris au sein de l'Union européenne, et ce de manière inconsidérée, des milliers d'hectares de vigne.

Réponse émise le 21 décembre 2005

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, auteur de la question n° 863, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la viticulture française et en particulier, pour ce qui me concerne, sur celle du Loir-et-Cher.

Alors que le millésime s'annonce des plus exceptionnels cette année - et tel est le paradoxe - les viticulteurs sont particulièrement inquiets de la crise que traverse cette filière pourtant déterminante pour l'avenir de nombreux territoires. Et ce n'est pas mon collègue Simon Sutour, sénateur du Gard, qui me démentira, puisque le 8 décembre dernier, avec d'autres parlementaires du Gard, il a été retenu par des viticulteurs très inquiets qui ont eu recours à des méthodes un peu exceptionnelles, mais qui montrent la gravité de la situation. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous êtes rendu le lendemain dans le Gard.

À la tendance à la diminution de la consommation globale de vin s'ajoutent la concurrence exacerbée de nombreux opérateurs mondiaux et les incohérences des politiques menées au niveau européen.

Monsieur le ministre, je sais que vous devez aujourd'hui à Bruxelles parler d'un accord avec les Etats-Unis sur le vin. La délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire est très inquiète des dispositions qui pourraient y être prises et une lettre a été rédigée à cette attention.

Par ailleurs, vous allez recevoir aujourd'hui avec M. le Premier ministre une délégation de viticulteurs. Je savais en posant ma question que la situation était très grave, mais j'ignorais qu'elle serait à ce point d'actualité.

De nombreuses exploitations viticoles se trouvent dans une véritable situation de « faillite », le mot n'est pas trop fort, et ce quel que soit leur mode de commercialisation, à laquelle s'ajoutent, bien évidemment, les drames personnels de nombreux viticulteurs.

Face à cette situation, je souhaiterais connaître les dispositifs qui peuvent être mis en place.

D'une part, à court terme, comment permettre aux agriculteurs de maintenir leur activité, car c'est bien de cela qu'il s'agit, notamment par des aménagements de charges sociales et fiscales et des aides à la trésorerie ?

D'autre part, et à plus long terme, quelles peuvent être les mesures envisagées, notamment pour maîtriser le volume de production et éviter les comportements spéculatifs à la baisse qui conduisent certains producteurs à commercialiser au-dessous du coût de production ?

Comment accompagner les efforts à l'exportation de nos producteurs et simplifier les démarches administratives qui entravent cette exportation ? Cette question a été soulevée dans mon département.

Comment le Gouvernement entend-il mieux favoriser une meilleure adéquation entre les nouvelles demandes des consommateurs et l'offre des producteurs ?

Enfin, et peut-être surtout, comment faire en sorte que la France ne soit pas la seule nation vertueuse pour la maîtrise de la production quand, dans le même temps, on plante, y compris au sein de l'Union européenne, et ce de manière in- considérée, des milliers d'hectares de vigne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame Gourault, vous avez raison, le sujet est d'actualité.

Comme vous l'avez rappelé, des événements sont survenus le 8 décembre dans le Gard. Le 9 décembre, je me suis rendu sur place ; M. Sutour était là. Nous avons eu tout au long de l'après-midi de très longues réunions avec la profession viticole, que ce soit les syndicats officiels ou les collectifs de base. Dès que j'aurai répondu à la question de Mme Voynet, je rejoindrai à l'Hôtel Matignon M. le Premier ministre, qui va recevoir une délégation de viticulteurs de plusieurs régions, notamment du Val de Loire, madame Gourault. Nous aurons une discussion générale au cours de laquelle les viticulteurs pourront expliquer au Premier ministre l'étendue de leurs difficultés

Cela étant, nous n'avons pas attendu toutes ces rencontres pour agir. En 2005, nous avons proposé une série de mesures tenant compte de cette crise, d'ordre structurel. Voilà quelques années, les Français buvaient cent litres de vin par an, ils en boivent aujourd'hui cinquante-cinq. Nous en exportons toujours. Mais, alors que nous étions les seuls voilà quelques années, tous ces pays qui étaient représentés lors de la réunion de l'OMC à Hong Kong, et qui étaient parmi les plus virulents, pour ne citer que l'Australie, la Nouvelle Zélande, le Chili, arrivent sur les marchés avec des vins d'une qualité différente, mais qui se vendent très bien, en particulier en Asie.

Depuis maintenant deux ans, nous avons mis en place plusieurs dispositifs pour essayer d'aider nos exploitations viticoles. Nous avons donné 25 millions d'euros d'aides directes et 71 millions d'euros de prêts de consolidation aux caves coopératives et aux exploitations en difficulté.

M. Sutour en est témoin, j'ai annoncé l'autre jour, à Nîmes, 11,5 millions d'euros de crédits supplémentaires pour permettre un certain nombre d'opérations utiles aux agriculteurs.

Nous avons essayé d'aider certains bassins de production par des mesures de structure - M. Beaumont le sait bien - comme l'ouverture de l'arrachage définitif pour les bassins présentant une demande consensuelle. C'était le cas dans certains vignobles du Beaujolais, dans le Rhône et dans le Bordelais. Un emprunt a été décidé par la profession et l'État a proposé au Parlement de le garantir dans le cadre du projet de loi de finances.

Nous avons prévu également des mesures visant à encourager l'utilisation de moûts concentrés pour enrichir les vins AOC et tendant à procéder à des réductions de rendement très importantes pour les vins d'appellation d'origine.

Enfin, le Gouvernement a décidé de prendre une mesure classique d'aide aux personnes en difficulté quelle que soit la profession, c'est-à-dire l'obtention de délais de paiement pour les dettes fiscales et sociales. Par exemple, pour les viticulteurs du Languedoc-Roussillon en grande difficulté, une remise des paiements de la taxe sur le foncier non bâti pour l'année 2005 a été accordée. Cette mesure concernera d'autres régions également, puisque les trésoriers-payeurs généraux ont reçu du ministre du budget l'instruction de l'appliquer dans tous les cas où les viticulteurs sont en difficulté, quelle que soit la région.

Il est vrai que la situation va être difficile. Même si nous avons une récolte un peu plus faible, elle est d'excellente qualité, mais nous avons encore les stocks de la précédente récolte. Je suis moi-même un élu de la Charente, je peux vous dire que nous avons six ou sept ans de stocks de Cognac. C'est normal, car c'est un produit qui vieillit. Dans le cas du vin, c'est une situation à laquelle on n'est pas habitué, sauf quand on spécule sur son prix, comme le font certaines grandes maisons bien connues.

Tout à l'heure, lors de la réunion à l'Hôtel Matignon, nous rappellerons aux viticulteurs que nous avons achevé le paiement des aides du plan de soutien pour la quasi-totalité des dossiers.

Par ailleurs, les producteurs doivent tirer parti de la distillation. Je regrette que la distillation que nous avions demandée dans le Bordelais n'ait pas été mise en oeuvre parce qu'elle pèse beaucoup sur les autres vins d'AOC y compris, M. Sutour le sait bien, en Languedoc-Roussillon.

Nous avons, à la demande de la profession, ouvert une nouvelle distillation appelée « alcool de bouche ». Il faut atteindre l'objectif fixé : plus de deux millions d'hectolitres doivent être distillés pour assainir le marché.

Pour 2006, - M. le Premier ministre le confirmera tout à l'heure - le Gouvernement demandera à l'Union européenne une nouvelle distillation de crise l'an prochain, si nécessaire.

En outre, il faut poursuivre l'adaptation structurelle de la filière afin de renforcer sa compétitivité et de mieux orienter les productions. Nous avons dégagé 7 millions d'euros supplémentaires en 2005 pour soutenir les entreprises exportatrices de vin.

Il faut également que les viticulteurs s'organisent par bassin de production. Je pense à la région Pays de la Loire que je connais bien. Il faut qu'ils constituent des comités et qu'ils présentent des offres coordonnées. Nous allons faire en sorte que ces comités de bassin se mettent en place dans chaque région et ce très rapidement.

La réunion avec le Premier ministre a pour objet non pas de prendre des mesures, mais d'écouter les viticulteurs. En tout cas, sachez que je connais les difficultés de la filière viticole. J'étais la semaine dernière à Tours, pas très loin de chez vous, madame Gourault. J'ai rencontré les représentants des chambres d'agriculture, les viticulteurs d'Indre-et-Loire qui ont les mêmes soucis que ceux de Loir-et-Cher car ce sont les mêmes produits.

Nous devons aider la filière viticole à passer la crise en prenant des mesures conjoncturelles qui l'aideront à se restructurer. Nos vins sont parmi les meilleurs au monde. Il faut aider cette filière à reprendre sa place, ce qui suppose peut-être une plus grande organisation, mais nous devons être à ses côtés.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse très complète et technique.

Je sais que vous connaissez la gravité de la situation du monde viticole.

J'espère qu'avec M. le Premier ministre tout à l'heure vous apporterez des réponses à nos viticulteurs. La situation est difficile, mais la viticulture fait partie de notre patrimoine. Ce sont des hommes, des femmes, des familles qui souffrent beaucoup, qui aiment leur métier et il faut absolument les aider.

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