M. Robert Del Picchia. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.
Madame la ministre, la situation en Côte-d'Ivoire est, malheureusement, de nouveau extrêmement préoccupante : on a dénombré hier cinq morts et une douzaine de blessés à la suite d'affrontements entre des partisans du président Gbagbo et les Casques bleus à Guiglo, dans l'ouest du pays. Les militaires de l'ONUCI, l'Opération des Nations unies en Côte-d'Ivoire, ont d'ailleurs dû quitter cette localité escortés par l'armée ivoirienne.
En outre, pendant trois jours, plusieurs milliers de partisans de Laurent Gbagbo ont tenté d'investir le siège des forces de l'ONU. Une unité française antiémeute a dû venir en renfort.
Cet après-midi, Abidjan est toujours paralysé par les manifestants, qui ont érigé de nombreux barrages, contrôlent les passants et les automobilistes et se livrent bien sûr au racket. Plusieurs centaines d'entre eux poursuivent un sit-in devant l'ambassade de France, tandis que d'autres occupent actuellement, m'a-t-on dit, la station de télévision.
La situation politique intérieure apparaît également très confuse, madame la ministre. Les partisans de M. Gbagbo reprochent au Groupe de travail international, le GTI, dont vous faites partie et qui est chargé du suivi du processus de paix, d'avoir « dissous » l'Assemblée nationale ivoirienne. Il me semble que le GTI n'a fait qu'entériner une situation de fait, puisque le mandat de l'assemblée avait expiré.
M. Robert Hue. Jetez de l'huile sur le feu ! Vous allez voir !
M. Robert Del Picchia. Le Front populaire ivoirien, le FPI, parti de Laurent Gbagbo, a décidé brusquement de se retirer du processus de paix (M. Robert Hue proteste.), refusant ce qu'il qualifie de « processus de recolonisation sous l'égide de l'ONU ».
M. Didier Boulaud. C'est bien cela !
M. Robert Del Picchia. C'est là un signe de défiance à l'égard de la communauté internationale.
Hier, en urgence, le président de l'Union africaine, président du Nigeria, M. Obasanjo, a rencontré plusieurs heures durant, à Abidjan, le président et le premier ministre de la République de Côte-d'Ivoire. Ces derniers ont appelé leurs compatriotes à se « retirer des rues » et à « reprendre le travail ». Peut-on y voir un signe d'apaisement ? Rien n'est moins sûr : en ce début d'après-midi, le calme n'est toujours pas revenu.
Mme Hélène Luc. Il faut tout de même l'espérer !
M. Robert Del Picchia. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir tout à l'heure afin d'envoyer, dit-on, « un message plus fort que les précédents ». Que peut-il décider ? Des mesures individuelles contre les responsables ? Personne ne le sait !
Madame la ministre, il est, à nos yeux, fondamental que la communauté internationale ne relâche pas sa pression diplomatique sur la Côte-d'Ivoire. Nous risquerions, sinon, de voir les violences de ces derniers jours s'étendre à tous les pays voisins, et peut-être au sud de l'Afrique.
En outre, les Français de l'étranger relèvent également de votre responsabilité. Or le mauvais scénario de l'année dernière semble se reproduire : nos compatriotes sont inquiets et restent cloîtrés chez eux, redoutant d'être la cible de nouvelles violences. Les écoles sont fermées, les vols d'Air France sont annulés, ce qui ajoute à l'inquiétude. Dans ces conditions, madame la ministre, toutes les dispositions sont-elles bien prises pour protéger les ressortissants français ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le sénateur, au regard de la situation en Côte-d'Ivoire, la France, comme l'ensemble de la communauté internationale, a un seul objectif : aider toutes les parties ivoiriennes à surmonter la très grave crise que traverse ce pays depuis plus de trois ans et permettre à la population ivoirienne de s'exprimer librement dans le cadre d'élections qui soient incontestables et organisées d'ici au 30 octobre 2006.
Dans cette période de transition, la France n'agit pas seule ; elle agit au sein de la communauté internationale, et ce de deux façons.
Elle agit tout d'abord à travers le dispositif Licorne, qui appuie les forces des Nations unies.
Elle agit ensuite au travers du Groupe de travail international qui a été créé par le Conseil de sécurité de l'ONU, au sein duquel je représente la France et dont la mission est de vérifier que le nouveau premier ministre, M. Charles Konan Banny, dispose bien de tous les pouvoirs qui lui ont été conférés par la résolution 1633 des Nations unies pour conduire le pays à des élections libres et démocratiques.
Tous les incidents, les manifestations et les provocations de ces derniers jours ne détournent pas de son objectif la communauté internationale, qui ne se laisse nullement intimider. Une déclaration très ferme du Conseil de sécurité de l'ONU est d'ailleurs actuellement en cours de préparation, qui fait état de sanctions individuelles et qui endosse les conclusions de la troisième réunion du GTI.
À ce sujet, monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, nous devons veiller en permanence à lutter contre la désinformation. Ainsi, le GTI n'a pas « dissous » l'Assemblée nationale ivoirienne ; il n'a fait qu'estimer, tout en recommandant que les anciens députés soient associés au processus de réconciliation nationale, que le mandat de ces derniers, expiré le 16 décembre 2005, n'avait pas à être prolongé.
Enfin, à la suite de la mission du président du Nigeria, M. Obasanjo, il semble que la tendance soit, en ce moment, à l'apaisement.
Nous restons néanmoins très préoccupés par cette situation. Nous sommes en contact permanent avec la communauté française. Nos compatriotes n'ont subi d'attaques ni contre leur personne ni contre leurs biens, mais nous restons extrêmement vigilants pour assurer leur sécurité.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
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