M. Simon Sutour. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
L'agriculture méditerranéenne connaît depuis plusieurs mois une crise sans précédent. Ce sont ses deux principales filières, la filière viticole et la filière des fruits et légumes, qui sont le plus lourdement frappées.
M. Raymond Courrière. Absolument !
M. Simon Sutour. L'agriculture méditerranéenne est aujourd'hui la première victime de la politique agricole commune.
En effet, lorsqu'on analyse les aides directes versées aux agriculteurs, on constate qu'en 2004, sur les 9,4 milliards d'euros reçus par la France dans le cadre des financements de la PAC au titre du premier pilier, 4,5 milliards d'euros étaient affectés à la production des céréales, 2,4 milliards d'euros à la viande, mais seulement 0,3 milliard d'euros aux fruits et légumes et 0,2 milliard d'euros au vin.
M. Raymond Courrière. Comme d'habitude !
M. Simon Sutour. Parallèlement, on observe que certains grands bénéficiaires individuels perçoivent plus de 300 000 euros d'aides.
M. Raymond Courrière. Monaco !
M. Simon Sutour. À cela s'ajoutent le fait que l'organisation commune du marché n'apporte pas de réponses adaptées aux déséquilibres structurels, l'absence de mesures réelles de gestion préventive des crises, la concurrence croissante des importations des pays tiers sur le marché européen, les mécanismes de régulation et de protection du marché étant soit inefficaces, soit inemployés, soit détournés - je citerai le cas récent des importations de pommes de terre, de pommes et de poires de l'hémisphère Sud -, des disparités sociales importantes dans une Europe élargie pour des secteurs où les charges de main-d'oeuvre peuvent représenter jusqu'à 60 % des coûts de production, une grande distribution qui pèse sur les producteurs pour obtenir les prix d'achat les plus bas alors même qu'elle pratique des prix élevés auprès des consommateurs.
Il convient donc que la France exige rapidement des mesures fortes à l'échelon européen.
Dans le même temps, il est nécessaire de renégocier les conditions d'attributions des aides de la PAC. Si le volume financier qui y est consacré jusqu'en 2013 est garanti, il doit faire l'objet d'une réorientation afin que la filière viticole et celle des fruits et légumes, qui jouent un rôle majeur au regard de l'emploi dans de nombreuses zones rurales et apportent une contribution décisive à la préservation des territoires ainsi qu'à la lutte contre les inondations et les incendies, bénéficient de mesures de soutien.
Ce dont a besoin aujourd'hui l'agriculture du sud, c'est d'un plan Marshall agricole,...
M. René-Pierre Signé. On arrive aux choses sérieuses !
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Simon Sutour. ... d'un plan qui, à court terme, assure la survie des exploitations, permette à ceux qui le souhaitent de partir à la retraite dans des conditions satisfaisantes et offre des garanties d'avenir à long terme en tenant compte des spécificités de l'agriculture méditerranéenne.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez me préciser les mesures conjoncturelles et structurelles que vous entendez proposer au plan national et au plan européen, mesures permettant de garantir la pérennité des milliers d'exploitations agricoles du sud.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que l'agriculture méditerranéenne connaît des difficultés conjoncturelles et structurelles.
Il faut répondre aux crises, avoir des politiques pour l'avenir et, en effet, poser des règles nouvelles au plan européen.
J'évoquerai tout d'abord la crise de la viticulture. Le Gouvernement s'est attaché à faire bénéficier la région Languedoc-Roussillon, qui est au coeur de cette crise, d'une série d'aides.
Elle a ainsi reçu 37 % de l'ensemble des aides nationales qui ont été débloquées à la demande de M. le Premier ministre, un tiers des enveloppes régionales du fonds d'allégement des charges des agriculteurs et la moitié des prêts de consolidation. Ces différentes aides ont été affectées soit aux viticulteurs indépendants, soit aux trois cents caves coopératives que compte le Languedoc-Roussillon, qui connaissent elles-mêmes de graves difficultés.
Le secteur des fruits et légumes est lui aussi en crise, pas seulement, d'ailleurs, en Méditerranée, mais également dans d'autres régions de France.
Il souffre, en effet, d'une concurrence du tiers monde. Ainsi, les importations de pommes chinoises, cet été, ont déstabilisé les marchés.
M. René-Pierre Signé. Des fruits infects qu'on met dans les yaourts !
M. Dominique Bussereau, ministre. Nous venons d'obtenir la remise par l'Europe de certificats d'importation, mais la crise est grave.
Là encore, le Gouvernement a mis en place deux plans d'aide et a pris des mesures structurelles concernant l'arrachage et les replantations.
Vous pourriez me faire remarquer qu'il s'agit de mesures assez classiques, mais elles ont été orientées principalement vers les rivages méditerranéens.
Deux secteurs de notre agriculture connaissent des difficultés structurelles : la viticulture et les productions arboricoles.
Après les événements importants qui se sont déroulés dans le Gard, le Premier ministre a reçu des viticulteurs du Languedoc-Roussillon et des autres régions viticoles.
M. Raymond Courrière. Cela n'a pas donné grand-chose !
M. Dominique Bussereau, ministre. J'ai réuni hier l'ensemble des préfets de région ; j'entends travailler avec eux pour mettre en place des comités de bassin et élaborer un plan structurel pour l'avenir de la viticulture française, qui sera présenté à la mi-mars.
M. Raymond Courrière. Il faut aller vite !
M. Dominique Bussereau, ministre. Il faut aller vite, vous avez tout à fait raison !
J'agirai de même en ce qui concerne les productions arboricoles, qui ont besoin d'un vaste plan de restructuration.
L'Europe doit entrer dans ce combat. Deux organisations communes de marché doivent être réformées, celle des fruits et légumes - c'est l'un des objectifs des présidences autrichienne et finlandaise pour l'année 2006, et la France a d'ores et déjà fait des propositions, avec certains de ses partenaires européens, en particulier les Espagnols et les Italiens - et, l'année suivante, celle du marché viticole, dont les mécanismes ne sont plus adaptés.
Vous avez bien fait, monsieur le sénateur, d'évoquer ces problèmes. Je puis affirmer, devant vous et devant l'ensemble de la représentation nationale, que le Gouvernement est solidaire de ces professions en difficulté et agit, en prenant des mesures structurelles et conjoncturelles, au plan national comme au plan européen.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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