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Thierry Repentin
Question d'actualité au gouvernement N° 637 au Ministère de l'emploi


Contrat première embauche

Question soumise le 24 février 2006

M. Thierry Repentin. Monsieur le Premier ministre, notre nation a été ébranlée, en novembre dernier, par des événements graves résultant d'un profond malaise. Celui-ci est né de la désespérance de cette part de la population de notre pays qui vit dans ce que l'on appelle, d'un terme trop générique pour relater les diversités qu'il recouvre, les « banlieues ».

Sentiment d'abandon, de relégation, confrontation à une réelle précarisation des familles qui voient leur pouvoir d'achat s'effondrer, paupérisation de foyers contraints d'habiter dans des secteurs qu'on leur impose, à défaut d'offres de logements dans des communes qui les rejettent, retrait des effectifs de police des commissariats présents dans ces quartiers, absence d'une volonté de conforter les moyens de l'éducation nationale dans les zones d'éducation prioritaire, alors que l'école représente souvent pour les familles le dernier vecteur, le dernier espoir d'une évolution sociale positive : face à ce constat de désespérance, qui est à l'origine de l'embrasement de territoires de notre République, vous vous étiez engagé, monsieur le Premier ministre, à apporter des réponses de fond par une loi spécifique.

Nous ne pouvons croire que vous répondiez aujourd'hui aux enjeux en cause sans dialogue et sans travail préalables avec les élus et les acteurs de terrain, par ce projet de loi dit « pour l'égalité des chances », qui vise à favoriser l'implantation de salles de cinéma et de supermarchés (sourires sur les travées du groupe socialiste), à banaliser le fait que des jeunes de quinze ans travailleront de nuit et le week-end sous le régime d'une protection sociale antérieure à 1874, à faire supprimer des prestations familiales par les présidents de conseils généraux, à imposer à toute la jeunesse de France l'idée selon laquelle, avec le CPE, son avenir réside dans une succession de contrats de travail révocables du jour au lendemain.
(Murmures sur les travées de l'UMP.)

Bref, on fragilise, on montre du doigt, alors que l'on devrait conforter et valoriser.

Monsieur le Premier ministre, je veux bien admettre que, n'ayant jamais été vous-même confronté à ces difficultés que vivent nos concitoyens, car vous n'avez jamais été élu de ces territoires, vous ayez été mal conseillé.
(Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Courteau. Il a raison !

M. Alain Gournac. Vraiment, ça vole haut ! !

M. Thierry Repentin. Mais pourquoi vous a-t-on caché les conclusions du rapport commandé par votre Gouvernement et remis la semaine dernière, dont l'auteur affirme qu'il faut tourner le dos au contrat à durée déterminée, le CDD, et privilégier le contrat à durée indéterminée, le CDI, en tant que « forme normale d'embauche » des jeunes ?

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Thierry Repentin. Au vu du contenu de ce rapport, rédigé par une personne qui vous est proche et qui prend néanmoins le contre-pied de vos propositions, et au lendemain de décisions émanant de juridictions qui viennent, pour la première fois, de condamner des employeurs ayant fait un usage abusif du CNE, le contrat nouvelles embauches, créé voilà six mois, je vous conseille de prendre, monsieur le Premier ministre, le temps de la concertation, hors des murs de Matignon, avec les élus et les responsables associatifs qui, eux, vivent en première ligne la réalité de la vie quotidienne.

Aérez votre réflexion,
(Rires sur les travées de l'UMP) ...

M. Alain Gournac. Lui, il ne manque pas d'air !

M. Thierry Repentin. ... rompez avec les certitudes de vos conseillers en macroéconomie, soyez volontaire et pragmatique dans l'adaptation des services publics aux spécificités des territoires, écoutez les élus qui, sans être sortis des grands corps prestigieux, déplorent, en se fondant sur leur expérience, le désengagement de l'État.

Monsieur le Premier ministre, quels moyens humains et financiers, absents de votre projet de loi, allez-vous mobiliser afin que chacun, dans notre pays, et notamment dans les territoires les plus fragilisés, ait la certitude qu'il existe effectivement une « égalité des chances » ?

M. le président. Monsieur Repentin, veuillez conclure !

M. Josselin de Rohan. C'est une homélie !

M. Thierry Repentin. Quand allez-vous enfin tirer les conclusions de la crise des banlieues ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Réponse émise le 24 février 2006

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Repentin, vous connaissez suffisamment bien ces questions ...

M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas sûr !

M. Alain Gournac. Non, ce n'est pas certain !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... pour savoir quelles étaient les demandes prioritaires de l'ensemble des élus concernant les quartiers en difficulté de notre belle République, relayées par le Conseil national des villes qui, je le rappelle, est composé d'élus de toutes sensibilités.

La première revendication était qu'il soit mis fin au scandale des villes pauvres qui, dépourvues de moyens financiers, assumaient néanmoins toutes les difficultés du pays.

C'est la raison pour laquelle le Sénat a voté il y a peu, à trois heures du matin, la réforme de la dotation de solidarité urbaine, en la fixant à 650 millions d'euros, à rapporter au fonds d'intervention pour la ville qui n'était doté que de 100 millions d'euros. Vous avez d'ailleurs, à titre personnel, voté cette réforme, monsieur Repentin.

M. Josselin de Rohan. C'est vrai ! Il l'a votée !

M. Thierry Repentin. Nous l'avons tous votée !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Tous les élus du Conseil national des villes ont souhaité que l'on sorte du débat sur la peinture des cages d'escalier pour mettre en place une restructuration en profondeur de nos quartiers.

Mme Nicole Bricq. C'est de la réimplantation !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est la raison pour laquelle le Sénat a voté la création de l'Agence nationale de rénovation urbaine, dont le programme s'élève à 20 milliards d'euros.

M. David Assouline. Des mots !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce ne sont pas des mots, monsieur Assouline : 17 milliards d'euros ont déjà été engagés. Vous ne suivez pas ce qui se passe dans les quartiers !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. -Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Gournac. Il n'y va jamais ! Lui, il veut faire la révolution !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous allons donc, aujourd'hui, dans cet hémicycle, débattre de ce très beau et très grand texte pour l'égalité des chances,
(Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, qui couvrent la voix du ministre.)...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N'en rajoutez pas, tout de même !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... qui tend à mettre un terme à la discrimination, à doter la Haute Autorité de moyens d'intervention supplémentaires, à mettre en place des plates-formes de vocations, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez fait un rêve, vous aussi !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... et à permettre effectivement à ces jeunes, pour qui existe, en dépit du mépris que vous affichez pour l'apprentissage, un autre avenir que la simple formation académique, de découvrir des métiers et d'entrer dans le monde du travail.
(Vives protestations sur les mêmes travées.)

M. Jacques Mahéas. La prochaine fois, ce sera l'apprentissage à douze ans !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est la raison pour laquelle, en deux ans, trois grands textes ont été adoptés : la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui prévoit 15 milliards d'euros de crédits, le programme de rénovation urbaine - 20 milliards d'euros - et, cette année, ce grand projet de loi pour l'égalité des chances voulu par le Premier ministre !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

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