M. Yannick Bodin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
M. René-Pierre Signé. Il ne parle pas !
M. Yannick Bodin. Monsieur le Premier ministre, avez-vous vraiment pris la mesure de ce qu'était la jeunesse aujourd'hui ? Et pourtant, la jeunesse de France est descendue en masse dans la rue, et à plusieurs reprises, pour essayer de se faire entendre de vous. En vain !
Monsieur le Premier ministre, la jeunesse est inquiète pour son avenir.
M. Dominique Braye. C'est normal, après ce que vous avez fait !
M. Yannick Bodin. Elle est désorientée. Cette jeunesse, il faut lui témoigner notre confiance. Cette jeunesse, monsieur le Premier ministre, il faut lui parler.
Mme Janine Rozier. Pour ça...
M. Yannick Bodin. Pierre Mendès-France disait, dans son discours à la jeunesse, le 22 décembre 1955 : « Si notre République ne sait pas capter, canaliser, absorber les ambitions et les espoirs de la jeunesse, elle périclitera. »
Or que proposez-vous aujourd'hui ? L'apprentissage à quatorze ans, le travail de nuit à quinze ans et le CPE !
Mme Christiane Hummel. C'est mieux que les emplois-jeunes !
M. Yannick Bodin. La jeunesse vous crie : « Écoutez-nous ! Faites-nous confiance ! ». Vous lui répondez : « Précarité pour tous ! »
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Hugues Portelli. Caricature !
M. Yannick Bodin. Monsieur le Premier ministre, il faut retirer le CPE.
Vous dites appeler les jeunes au dialogue. Mais pour parler de quoi ? N'avez-vous pas compris qu'il faut déchirer votre copie et en rédiger une autre, dans la concertation ?
M. Dominique Braye. C'est vous qui n'avez rien compris ! Le chômage des jeunes, c'est vous !
M. Yannick Bodin. Or vous êtes sourd,...
M. René-Pierre Signé. Totalement sourd !
M. Yannick Bodin. ... alors qu'il vous faudrait seulement un peu de courage.
(Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C'est scandaleux !
M. Yannick Bodin. Et maintenant vous maniez le bâton et utilisez la force pour faire rouvrir les établissements scolaires et universitaires.
M. Alain Gournac. Il y en a qui veulent travailler !
M. Yannick Bodin. Aujourd'hui même, des lycéens, simples manifestants, ont été arrêtés, dont le président de l'Union nationale lycéenne.
Voyons, monsieur le Premier ministre, on ne peut à la fois inviter un responsable étudiant à dialoguer et en même temps faire en sorte qu'il soit arrêté par les forces de police.
M. Dominique Braye. Le chômage des jeunes, c'est vous !
Mme Christiane Hummel. La loi est la même pour tous !
M. Yannick Bodin. Ce n'est pas du dialogue, c'est de la répression. Est-ce ainsi que l'on s'adresse à la jeunesse de France quand on gouverne ? Quel mépris ! Quel gâchis !
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Et vous, qu'avez-vous fait ?
M. Yannick Bodin. Pour finir, je voudrais vous inviter à méditer une autre citation, tirée d'un autre discours à la jeunesse qu'a prononcé Jean Jaurès en 1903 à Albi (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) : « Le courage, ce n'est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre. »
Monsieur le Premier ministre, je vous pose une seule question : quand enfin aurez-vous le courage de retirer le CPE...
M. Alain Gournac. Non !
M. Yannick Bodin. ... pour enfin dialoguer ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Bodin, nous sommes au Sénat et, dans cette maison que j'ai fréquentée pendant un certain nombre d'années, on sait bien que le mot « retrait » n'a aucun sens, ni juridique ni constitutionnel. Dans cette assemblée plus qu'ailleurs, nous devons être attentifs aux institutions.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Dominique Braye. Ils s'en fichent, des institutions de la République !
Mme Hélène Luc. Il ne fallait pas voter le CPE ! Il ne serait pas nécessaire aujourd'hui de le retirer.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La Constitution reconnaît au Sénat une responsabilité particulière. Aussi, il doit veiller à ne pas faire siens certains slogans et certains mots répétés de manière un peu simpliste. Il doit regarder les réalités en face. Comme l'a dit Jean-Louis Borloo, s'agissant de ce qui est une loi de la République, il n'est pas d'autres hypothèses que celles que prévoit la Constitution.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappelle que le Sénat a conduit des débats sérieux, qui, se déroulant sur plus d'une semaine, ont duré plus d'une centaine d'heures. Le rapporteur comme le président de la commission s'en souviennent.
Mme Nicole Bricq. Nous aussi !
M. Jacques Mahéas. Vous n'avez pas retenu nos amendements !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nos échanges ont été suffisamment denses pour que nous ne nous contentions pas cet après-midi d'un simple mot.
Le Premier ministre, comme il l'a dit, est naturellement attentif aux préoccupations qui s'expriment non seulement dans la rue, mais aussi ailleurs.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il serait préoccupant de battre une fois encore en retraite devant ces réalités que sont le chômage et la précarité des jeunes.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Bernard Piras. La précarité ? Mais vous la renforcez !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le courage est une vertu essentielle de la vie publique. Il ne caractérise sans doute pas ceux qui préconisent en permanence le retrait.
(Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
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