M. Louis Mermaz. Mon intervention, monsieur le Premier ministre, portera sur le respect et sur la protection de nos institutions.
Qu'un ministre, M. de Villepin, alors chargé des affaires étrangères, vérifie des informations mettant en cause, sur le plan international, la sécurité du pays et l'intégrité de personnalités, à commencer éventuellement par celle de certains de ses collègues, relève des devoirs de sa charge. Encore qu'il ne puisse le faire, en janvier 2004, qu'avec l'autorisation du chef du gouvernement de l'époque, M. Raffarin !
Pourquoi, dès lors, ressentons-nous ce trouble profond sur toutes les travées de nos assemblées et dans le pays ? Parce qu'un dérèglement grave s'est produit au sommet de l'État et qu'il s'amplifie de jour en jour : les institutions de la République ont été confisquées à des fins personnelles et détournées de leur mission.
Monsieur de Villepin, vous avez pris le risque de porter atteinte au droit de l'un de vos collègues, M. Sarkozy. (Murmures sur les travées de l'UMP.) Celui-ci aurait dû être informé à temps par vous que des investigations engageant son honneur étaient entreprises ! Pourquoi n'en fut-il rien ?
Ensuite, ce collègue, M. Sarkozy, a fait savoir qu'il réintégrerait en juin 2005 son poste de ministre de l'intérieur, pour des raisons de convenances personnelles et pour se mettre à l'abri des menaces qu'il sentait peser sur lui !
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est lui-même qui l'a dit !
M. le président. Écoutez l'orateur !
M. Louis Mermaz. Il serait d'ailleurs utile que M. Sarkozy nous fasse savoir comment il a subodoré progressivement - au moins depuis l'été 2004 - les menaces ayant trait à la présente affaire, pourquoi il s'est tu et pourquoi il a accepté de faire équipe avec M. de Villepin.
M. Charles Pasqua. Pour l'intérêt supérieur de la nation !
M. Louis Mermaz. Je vous demande, monsieur le Premier ministre, par-delà les graves développements actuels et par-delà le dénouement politique auquel vous ne pouvez vous soustraire, de nous dire selon quelle procédure vous auriez dû assurer à chacun la transparence et la garantie que l'on est en droit d'attendre dans une démocratie. Vous auriez ainsi évité au pays des défaillances dramatiques.
M. Alain Gournac. Et les écoutes téléphoniques ?
M. Louis Mermaz. Devant la dislocation actuelle de votre équipe où deux clans s'affrontent, les objectifs de carrière prenant le pas sur le souci de l'intérêt général (Exclamations sur les travées de l'UMP), ...
MM. Alain Gournac et Charles Pasqua. Les écoutes !
M. Louis Mermaz. ... il est grand temps, monsieur le Premier ministre, que, en conscience, vous tiriez les conséquences qui s'imposent !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées du groupe CRC.)
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le sénateur, j'ai eu l'occasion de m'exprimer longuement sur ces sujets ce matin, et si je réponds à votre question, c'est par égard pour la Haute Assemblée.
M. Yannick Bodin. C'est la moindre des choses !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Quand on est victime, dans sa vie personnelle comme dans la vie publique, de mensonges, de calomnies, d'amalgames - et votre question en était nourrie, peut-être par méconnaissance -, il n'y a qu'une solution possible.
M. René-Pierre Signé. Où est le mensonge ?
M. Yannick Bodin. Il parle de ses propres mensonges !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Pour ma part, je crois dans la force de la vérité, dans la force de la démocratie. Et quelle que soit la façon dont vous tourniez les choses - vous n'avez pas d'expérience de la vie internationale, ce que je ne vous reproche pas - (Rires et protestations sur les travées du groupe socialiste.), ...
M. Jean-Pierre Caffet. Il est élu depuis trente ans !
M. Jean-Pierre Sueur. Il a été président de l'Assemblée nationale !
M. Ladislas Poniatowski. On a écouté la question de M. Mermaz, écoutez la réponse de M. le Premier ministre !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ...dans ce domaine, il y a une règle : face aux menaces, face aux risques du monde d'aujourd'hui, l'exigence fondamentale est de vérifier la nature des informations qui sont présentées. Cette exigence de vérité est indispensable. C'est le premier devoir d'un responsable ministériel dans des domaines comme ceux que j'ai occupés.
M. René-Pierre Signé. Allez voir les électeurs !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Au coeur de notre démocratie, il y a une exigence de justice. Personne ...
M. Yannick Bodin. Ne vous croit !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... plus que moi ne veut la vérité et la justice. Mais il y a aussi, monsieur le sénateur, une exigence de respect - je suis heureux de pouvoir vous le rappeler -, ...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ...le respect que nous nous devons les uns aux autres, entre l'opposition et la majorité, entre la gauche et la droite. Le combat politique ne justifie pas tout.
M. Didier Boulaud. Expliquez-vous entre vous !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Dans un État de droit, il existe des règles. La confusion, l'amalgame, les procès d'intention auxquels vous vous prêtez ne sont pas dignes.
Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas à nous qu'il faut le dire !
M. Yannick Bodin. Adressez-vous à vos amis !
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Bodin est un âne !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Le respect, c'est aussi le respect de l'État de droit, c'est le respect des règles qu'il implique. Ces règles doivent l'emporter sur les procès d'intention, sur les jugements hâtifs et, je l'ai dit, sur les amalgames.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lisez le Figaro !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Ces règles s'imposent à nous tous, en tant que citoyens bien sûr, mais aussi en tant que responsables politiques.
Premier ministre, je suis à ma tâche avec tout le Gouvernement, ...
Mme Catherine Tasca. Sauf un !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... avec toute la majorité, pour défendre les intérêts de la France et pour servir les Français, comme nous le faisons depuis onze mois avec les résultats que vous connaissez et qui vous dérangent peut-être !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP - Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
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