Mme Claire-Lise Campion. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Après plusieurs mois de débats, le projet de loi réformant la protection de l'enfance a été déposé sur le bureau du Sénat le 5 mai dernier.
Très attendu par les professionnels, les familles et les élus, et faisant l'objet d'un consensus, il établit un dispositif en trois points : le renforcement de la prévention, en multipliant les points de contact entre l'enfant, sa famille et les professionnels ; l'organisation du signalement de l'enfant en danger ; la diversification des modes de prise en charge des mineurs à protéger.
Or la mort coup sur coup, dans des conditions horribles, de deux très jeunes enfants a remis sur le devant de la scène le projet de loi pour la prévention de la délinquance, en préparation sous l'égide du ministre de l'intérieur, ce qui risque de porter un coup d'arrêt au projet de loi réformant la protection de l'enfance et suscite une vive inquiétude de l'ensemble des partenaires.
Sous couvert d'une actualité qui n'a rien à voir avec la protection de l'enfance, mais profitant de l'émotion générale, il serait dangereux de tomber encore une fois dans l'approche strictement sécuritaire, car les philosophies qui sous-tendent ces deux textes sont diamétralement opposées.
Le premier vise, pour la première fois, à aborder la question de la protection des mineurs sous l'angle de la prévention, au titre du droit des enfants à être protégés.
Demain, en privilégiant la répression, voire la stigmatisation plutôt que l'accompagnement et la prévention, vous ne répondrez pas aux difficultés rencontrées par certains enfants, adolescents et jeunes majeurs. Vous remettrez en cause l'engagement du Président de la République pris à la suite de l'« appel des cent pour le renouveau de la protection de l'enfance ».
Les maires vont se voir attribuer de nouvelles responsabilités, les immergeant dans la vie privée de leurs concitoyens et risquant de dénaturer leur fonction.
En effet, la protection de l'enfance repose sur un savant équilibre : l'instauration d'une confiance entre les professionnels et les familles, garantie par le secret professionnel. Le maire doit-il être dépositaire d'informations qui pourraient fragiliser cette relation de confiance ?
Tout amalgame entre ces deux textes nous apparaît donc dangereux et malvenu.
Le CPE, l'apprentissage à quatorze ans, la CRP sont des mesures qui ont été vécues comme une défiance à l'égard de notre jeunesse, qui apparaît comme un risque à contenir et non comme une chance et une richesse pour notre société.
La lenteur à nommer le nouveau défenseur des enfants et le report de la conférence de la famille en juillet sont autant d'éléments qui marquent le malaise de votre gouvernement dans sa relation avec les jeunes.
Monsieur le Premier ministre, vous avez l'occasion, en maintenant et en privilégiant le projet de loi réformant la protection de l'enfance, texte perfectible mais qui répond à une attente, de modifier cette image et de dire à quatorze millions de jeunes qu'ils ont droit à être protégés et aidés avec équité. Allez-vous saisir cette occasion ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, pourquoi faudrait-il être pour la protection de l'enfance et contre la prévention de la délinquance ? Où avez-vous vu une incompatibilité a priori entre ces deux politiques, également nécessaires mais différentes l'une de l'autre ?
Je me réjouis de vous avoir entendu rendre hommage au travail effectivement très important - dont vous avez relevé vous-même qu'il avait été effectué en concertation étroite avec les professionnels - qui a permis de préparer la réforme de la protection de l'enfance, réforme ambitieuse qui vise à resserrer les mailles du filet, à assurer davantage de prévention, un signalement mieux organisé et des réponses mieux adaptées à la situation de chaque enfant. Vos propos augurent bien du soutien du groupe socialiste, et je l'en remercie par avance, à cette réforme qui vous sera présentée dans les prochaines semaines.
M. René-Pierre Signé. Si vous êtes toujours là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous signale que la session s'arrête le 30 juin !
M. Philippe Bas, ministre délégué. S'agissant maintenant de la prévention de la délinquance, nous avons une politique de sécurité. Elle fait partie, depuis le début du quinquennat, des priorités du chef de l'État. Elle a été conduite successivement par Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin et, de nouveau, Nicolas Sarkozy.
Cette politique repose sur deux piliers : la sanction, bien sûr, une sanction juste, proportionnée à la faute et certaine, mais aussi la prévention. On ne peut pas vouloir la sanction sans la prévention. Nous ferons, ne vous en déplaise, les deux !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
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