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Richard Yung
Question d'actualité au gouvernement N° 698 au Ministère de la santé


Tabagisme

Question soumise le 9 juin 2006

M. Richard Yung. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.

Le tabac tue 60 000 Français par an, mais ne pas fumer tue aussi : le tabagisme passif est responsable de plus de 3 000 décès par an dans notre pays, soit presque autant que les accidents de la route !

L'Organisation mondiale de la santé et l'Inspection générale des affaires sociales, pour ne citer que ces deux organismes, ne cessent de répéter que « le tabagisme passif est nocif et mortel ».

En matière de santé publique comme sur d'autres sujets, le Gouvernement se trouve en décalage avec les évolutions de la société. L'enjeu n'est pas de contraindre nos concitoyens : ils sont déjà convaincus de la nécessité d'interdire de fumer dans tous les lieux clos de travail ou les lieux publics. D'après l'Alliance contre le tabac, 80 % des Français adhèrent à cette idée, à cette évolution, y compris, désormais, certains représentants de l'hôtellerie et de la restauration.

S'agissant des buralistes, je me réjouis de l'expérience lancée en Côte-d'Or qui consiste à vendre des préservatifs dans les bureaux de tabac. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Vous conviendrez, mes chers collègues, qu'il est tout de même préférable de vendre du plaisir plutôt que du poison !

Monsieur le ministre, de l'étranger, la France apparaît comme la lanterne rouge en matière de lutte contre le tabagisme. Alors que, depuis quelques années, on respire mieux dans de nombreux États de l'Union européenne, à savoir en Irlande, en Norvège, à Malte et en Espagne, ainsi que, plus récemment, de l'autre côté de l'Atlantique, au Québec, la loi Évin, qui constituait un élément innovant, fondamental, de la politique socialiste de santé, n'est pas pleinement appliquée. Plutôt que de lire le projet socialiste, vous feriez mieux de vous occuper de la mise en oeuvre de la politique de santé !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Ce n'est déjà pas mal !

M. Didier Boulaud. De toutes les façons, il ne l'a pas lu, le programme !

M. Richard Yung. Le véritable obstacle est donc de nature politique.

On se souvient que le groupe UMP de l'Assemblée nationale a lamentablement rejeté une proposition de loi de M. Yves Bur, pourtant député UMP, et a bien évidemment refusé de discuter la proposition de loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme du groupe socialiste.

En refusant d'agir rapidement, monsieur le ministre, en refusant d'admettre que la lutte contre le tabagisme passif est nécessaire, vous confirmez votre manque de courage politique.
(Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !

M. Richard Yung. J'espère que cette législation nécessaire ne sera pas une victime supplémentaire et collatérale du CPE...

M. Jacques Mahéas. Et l'amnistie ?

M. Richard Yung. ... et que vous saurez vous inspirer des orientations fortes contenues dans le projet socialiste.

M. le président. Veuillez poser votre question !

M. Richard Yung. Ma question est la suivante : quand donc le Parlement pourra-t-il enfin débattre du principe de l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics et sur le lieu de travail ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)

Réponse émise le 9 juin 2006

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le sénateur, il y a un point sur lequel nous serons d'accord, c'est que cela ne sert à rien de chercher dans le projet socialiste quoi que ce soit en la matière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Nous allons donc gagner du temps en allant au fond des choses.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Didier Boulaud. Vous ne l'avez pas lu !

M. Xavier Bertrand, ministre. D'ailleurs, comme vous l'avez dit, ce projet n'est certainement pas ce qui convient pour les Français et pour la France. Sur ce point également, nous pourrons certainement nous retrouver.

S'agissant du tabac, deux chiffres sont indiscutables : chaque année, 66 000 personnes décèdent du tabac, et 5 000 d'entre elles décèdent à cause du tabac alors qu'elles ne fument pas. Il faut tout dire, monsieur le sénateur : l'on peut être victime passive du tabac non seulement dans les lieux publics, mais aussi à son domicile. Passer sa vie à côté d'un fumeur fait de vous également une victime du tabac.

Le Gouvernement s'est fixé une priorité de santé publique : faire reculer le tabagisme passif. Il entend articuler cette action autour de trois idées.

Tout d'abord, il faut savoir mettre un terme à la cohabitation forcée entre les fumeurs et les non-fumeurs.

M. René-Pierre Signé. Divorcez !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ensuite, il est impératif - l'urgence se fait sentir depuis la décision de juin 2005 de la Cour de cassation - de protéger les salariés exposés au tabac.

Enfin, se pose une question qui n'a été ni abordée ni étudiée dans les pays que vous avez cités : que pouvons-nous mettre en place de plus imaginatif et de plus efficace pour aider les fumeurs à s'arrêter de fumer ? Les dispositifs destinés à les aider à s'arrêter de fumer doivent-ils être pris en charge ou doivent-ils en assumer eux-mêmes le coût ?

Le débat qui vient de s'ouvrir, à la demande de M. le Premier ministre, intéresse les Français : depuis la semaine dernière, plus de 35 000 personnes sont allées sur le site Forum.gouv.fr et plus de 6 000 personnes ont apporté leur contribution concrète.

Comme vous l'avez dit, la loi Evin n'est pas appliquée, et ce parce qu'elle n'est pas applicable : à l'époque, les décrets d'application n'ont jamais été travaillés suffisamment sérieusement.

Je prends un exemple : dans certains restaurants, l'espace fumeur est en bas, l'espace non-fumeur à l'étage, et la fumée monte. Est-ce cela que vous aviez voulu ? Je ne le pense pas.

Voilà pourquoi, aujourd'hui, le statu quo n'est plus possible.

M. Didier Boulaud. Qu'avez-vous fait depuis quatre ans ? Vous n'avez qu'à faire appliquer la loi !

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Président de la République l'a très clairement indiqué : une décision sera prise avant la fin de l'année, mais j'estime que le rôle du politique ne se borne pas à annoncer des décisions...

M. Didier Boulaud. Faites déjà respecter celles qui ont été prises !

M. Xavier Bertrand, ministre. ... et, ce qui m'importe, c'est de procéder à la plus large concertation possible pour que l'application des mesures soit efficace.

Cette priorité de santé publique s'impose à tous. Nous serons au rendez-vous de nos responsabilités, le Président de la République l'a dit. En tout état de cause, débattre de ce sujet n'est certainement pas une perte de temps si, à terme, les décisions prises sont enfin appliquées de façon efficace.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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