Mme Marie-Thérèse Hermange attire l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur la notion de suivi médical des salariés contenue dans la circulaire DRT n°3 du 7 avril 2005 relative à la réforme de la médecine du travail.
Ladite circulaire, qui introduit, dans son chapitre II, la notion de suivi médical des salariés au prorata de leur temps de travail et en fonction de leur type de contrat de travail, crée un doute regrettable particulièrement au travers de la phrase suivante : « Il est donc possible que l'effectif ainsi déterminé ne corresponde pas exactement au nombre de personnes employées dans l'année par l'entreprise ».
Or, dans son avis n°80, du 12 avril 2003, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), a souligné d'une part, que « le contrat social doit permettre à chacun de disposer simultanément du droit au travail et de la protection de sa santé », et d'autre part, que la surveillance médicale périodique et systématique représente un dispositif essentiel de la prévention des nuisances professionnelles. Tous les salariés, sans discrimination, doivent pouvoir en bénéficier. Enfin, le CCNE a clairement affirmé que le rôle du médecin du travail doit non seulement consister à effectuer le dépistage des effets nocifs liés au travail, mais encore à prendre l'initiative d'un suivi qui tienne compte justement de l'existence de contrats temporaires ou de changements professionnels fréquents pour y apporter une attention spécifique.
En conséquence, elle lui demande s'il envisage de renforcer les responsabilités et la mission de la médecine du travail dans le cadre des valeurs qui ont toujours prévalu en France, autrement dit s'il envisage une attention spécifique aux salariés en situation de précarité. Car, si la circulaire ne fait pas obstacle réellement à un suivi médical spécifique, la précarité, elle, est une situation qui peut rendre difficile l'application de la circulaire.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je vous remercie, monsieur Larcher, d'être venu en personne répondre à cette question sur la réforme de la médecine du travail.
Votre ministère, le 7 avril 2005, a publié une circulaire relative à la médecine du travail. Ladite circulaire introduit, dans son chapitre II, une notion qui m'a un peu surprise, tout en étant compréhensible, celle de suivi médical des salariés au prorata de leur temps de travail et en fonction de leur type de contrat de travail.
Ainsi, selon cette conception, dans les entreprises où les salariés travaillant sous contrat précaire se succèdent sur le même poste, certains ne sont plus du tout comptabilisés dans l'effectif du médecin, tandis que ceux qui travaillent sous CDI à temps partiel ou qui n'ont travaillé que quelques mois ne comptent que pour un pourcentage infime. Dans ces conditions, un certain nombre de salariés en situation de précarité sont exclus a priori du suivi médical.
Représentant le Sénat au sein du Comité national d'éthique, qui a été interpellé sur ce sujet par un courrier, j'ai souhaité, à l'occasion de cette séance de questions orales, vous interroger à mon tour, monsieur le ministre, car si la mesure préconisée ne fait pas réellement obstacle au suivi médical spécifique, la précarité peut, elle, rendre difficile l'application de la circulaire, dont, après tout, vous n'avez peut-être pas eu connaissance...
(Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Madame la sénatrice, rassurez-vous, je suis au courant des circulaires qui sont publiées par mon ministère et notamment de celle-ci, puisque je préside moi-même la commission qui suit les dispositions concernant la médecine du travail.
Permettez-moi tout d'abord de situer cette circulaire dans une perspective globale.
C'est, en quelque sorte, l'une des conclusions de la réforme de la médecine du travail entreprise par le Gouvernement depuis 2003, laquelle répond à un double objectif.
Il s'agit, en premier lieu, de renforcer le rôle de prévention dans le milieu du travail. Nous le constatons lorsque nous traitons des seniors - ce fut le cas hier encore, lors de la troisième séance de concertation avec les partenaires sociaux - la prévention, notamment avant quarante-cinq ans, est un sujet majeur, et la médecine du travail a un rôle particulier à jouer en ce domaine.
Il s'agit, en second lieu, de chercher à remédier à la pénurie attendue de médecins du travail ? Xavier Bertrand et moi nous attachons à trouver des réponses, par exemple en améliorant la formation universitaire. C'est pour nous une réelle priorité.
Un décret du 28 juillet 2004 a réaménagé le suivi individuel des salariés en conservant le principe de l'annualité de la visite pour les personnels exposés aux risques professionnels les plus importants. Pour certains risques particulièrement graves, cette périodicité doit même être beaucoup plus courte. Elle est, en revanche, portée à vingt-quatre mois au minimum pour le cas général.
Cette réorganisation permettra aux médecins du travail de dégager une certaine disponibilité pour assurer un suivi médical individualisé, mais aussi une action dans le milieu du travail : ainsi, 150 demi-journées minimum devront être consacrées par les médecins du travail aux actions préventives dans le milieu du travail, le nombre d'établissements suivis ne devant pas dépasser 450, le nombre de salariés, 3 300, et le nombre d'examens médicaux, 3 200. Si j'apporte ces précisions, c'est pour bien faire comprendre la philosophie de la réforme.
Dans la circulaire en question sont explicitées les règles de calcul de cette charge de travail, concernant par exemple le nombre de salariés à prendre en compte. Ainsi, les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, d'un contrat de travail intermittent ou à temps partiel sont pris en compte au prorata de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Il ne s'agit que d'une règle de calcul, et ne retenir que le seul critère des effectifs ne correspond ni au texte ni à l'esprit de la réforme.
Le médecin du travail a pour mission générale d'exercer un suivi médical de chaque employé. Son action dans le milieu du travail permet d'améliorer les conditions et l'organisation du travail.
Quant aux personnels temporaires, qui connaissent une plus grande précarité du fait de la nature même de leur contrat, ils bénéficient de dispositions particulières en matière de suivi médical. Ainsi, chaque salarié lié par un contrat de travail temporaire compte pour une unité dans l'entreprise qui l'emploie, quels que soient le nombre et la durée des missions effectuées.
De plus, lorsqu'une nouvelle mission lui est confiée plus de douze mois après la précédente, le travailleur temporaire bénéficie à nouveau d'un examen médical d'embauche. Dans ce cas, l'intervalle entre les deux visites médicales est inférieur à 24 mois.
Enfin, les éléments d'appréciation de la charge du médecin du travail sont soumis au droit de regard des différents acteurs concernés que sont les médecins du travail, les employeurs, mais aussi les représentants des salariés. En effet, ce sont les partenaires sociaux qui font vivre cette dimension de la santé au travail.
Je rappelle que le Gouvernement a mis en place au printemps dernier un plan « Santé au travail ». C'est la raison pour laquelle nous publions un décret portant réforme de l'organisation de la commission qui suit ces questions de santé au travail.
Soyez assurée que le Gouvernement est déterminé et qu'il fera en sorte que le suivi de chaque salarié, quel que soit son statut, ainsi que l'ensemble des actions de prévention soient rigoureusement mis en oeuvre.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je remercie M. le ministre délégué de sa vigilance sur un dossier qui, je le vois, le concerne au premier chef.
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