M. Richard Yung rappelle à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie que depuis 2002, au lendemain d'une tentative de coup d'Etat fomentée par les rebelles, plus de 15 000 Français ont dû quitter la Côte d'Ivoire. C'est en novembre 2004 que la plupart de nos concitoyens ont été évacués de ce pays. Contraints de fuir une terre qu'ils portent dans leur coeur, nos compatriotes ont abandonné aux pilleurs leurs biens personnels et souvent leur outil de travail. De retour en France, la plupart d'entre eux se sont retrouvés dans un grand dénuement, sans logement, sans argent, voire sans famille. En 2004, le Gouvernement avait pris dans l'urgence deux dispositions réglementaires. Premièrement, le décret n° 2004-1352 du 10 décembre 2004 a permis d'attribuer une aide de première urgence d'un montant de 750 euros par personne et 250 euros par enfant à charge. Il a également ouvert les droits à la couverture maladie universelle (CMU) et au revenu minimum d'insertion (RMI). Malheureusement, de nombreux rapatriés, notamment les plus âgés, continuent de vivre dans la précarité et beaucoup d'actifs sont au chômage. Deuxièmement, le décret n° 2004-1388 du 23 décembre 2004 a permis d'octroyer aux rapatriés qui entreprennent une activité non salariée, en créant une entreprise par exemple, une subvention de reclassement, qui correspond à une aide financière équivalant à 30 % du montant de l'investissement. Ces subsides ne réparent pas le traumatisme dont souffrent de nombreux Français ayant subi des violences. En novembre 2004, 232 plaintes avaient été déposées devant le parquet du tribunal de grande instance de Paris. Malheureusement, au grand dam des victimes, ces plaintes ont fait l'objet d'un classement sans suite par le parquet en raison des nombreuses difficultés pour identifier les auteurs des crimes et délits. Cette décision est d'autant plus difficile à comprendre qu'aucune compagnie d'assurances n'est actuellement chargée d'indemniser ce genre de risque. Le malheur de ces Français est profond. Conscient de l'impossibilité d'entreprendre une action devant la justice ivoirienne, qui est incapable de rétablir l'Etat de droit, il souhaiterait savoir quelles sont les solutions du Gouvernement français pour compenser les préjudices subis et, plus largement, comment il compte aider ces concitoyens qui continuent de souffrir.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 962, adressée à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquerai un sujet douloureux, à savoir la situation de nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire.
Les faits historiques sont connus. Au mois de novembre 2004, la République française a dû rapatrier, dans des conditions extrêmement pénibles, près de huit mille Français de Côte d'Ivoire. Grâce à l'armée française, ceux-ci ont pu rejoindre la France, mais le plus souvent en laissant sur place leur logement et leurs biens, ainsi que, pour les chefs d'entreprise, leur outil de travail.
La République française leur a offert une prime de 750 euros pour leur permettre de faire face aux besoins de première nécessité, mais la somme est bien modeste. Elle leur a également ouvert les droits à la couverture maladie universelle et au revenu minimum d'insertion. Toutefois, ce n'est pas suffisant, car de nombreux rapatriés, notamment les plus âgés, se trouvent aujourd'hui dans le dénuement.
En outre, la France a aidé les chefs d'entreprise qui ont voulu reprendre une entreprise et réinvestir en France, en leur octroyant une aide, dont le taux a été porté de 10 % à 30 % du montant de l'investissement.
Par ailleurs, nous avions prévu de recueillir l'ensemble des plaintes contre X déposées par ces personnes arrivées sur le sol français. Malheureusement, le parquet vient de décider de classer sans suite ces quelque 230 plaintes. La voie judicaire est donc fermée.
Certes, je sais combien il est aujourd'hui difficile de régler ce problème, mais l'exemple récent d'un présumé assassin montre pourtant que la justice ivoirienne peut réagir. On peut donc se demander pourquoi elle ne réagirait pas de la même façon eu égard aux abus et aux pillages qui ont eu lieu voilà deux ans.
Par ailleurs, ces plaintes ne permettent pas d'accorder une indemnisation parce qu'aucune société d'assurance n'offre ce type de couverture. Ceux qui ont abandonné leur entreprise et leurs biens sur place sont donc confrontés à de grandes difficultés.
Au-delà des mesures, certes tout à fait utiles, mais largement insuffisantes, qui ont été prises, monsieur le ministre, quelles solutions envisagez-vous de prendre pour apporter un peu d'aide à ces Français rapatriés qui ont tout perdu, y compris l'espoir ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le sénateur, Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, actuellement en déplacement à l'étranger, vous prie de bien vouloir excuser son absence et m'a chargé de vous transmettre la réponse suivante.
Vous avez appelé son attention, monsieur le sénateur, sur la situation effectivement dramatique de nombre de nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire.
Le ministère des affaires étrangères est bien conscient de la situation matérielle et morale extrêmement difficile dans laquelle se trouvent aujourd'hui nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire en novembre 2004, qui ont été brutalement privés de leurs biens et de leurs sources de revenus. L'acuité de ce problème ne peut évidemment être contestée.
Par deux décrets pris en décembre 2004, en application de la loi du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer, le Gouvernement a mis en place un dispositif d'urgence exceptionnel visant à aider nos compatriotes à se réinsérer en France.
La mission interministérielle aux rapatriés a été chargée d'appliquer ces mesures. Celles-ci ont été étendues, dans certains cas, aux Français rentrés en 2002 et le montant de la subvention de reclassement versée aux personnes souhaitant créer une entreprise en France, initialement fixé à 10 % du montant de l'investissement, a été porté à 30 %, ce qui représente un effort de la collectivité.
Cependant, il est vrai que les décrets précités ne prévoient pas l'indemnisation des pertes matérielles.
En effet, en droit international, l'indemnisation des personnes incombe aux autorités du pays dans lequel les pertes sont constatées. Aucun fonds public d'indemnisation n'existe encore dans notre pays, au titre de la solidarité nationale, pour les Français expatriés, et seules des mesures décidées en fonction des circonstances peuvent être mises en oeuvre.
Un accord entre la France et la Côte d'Ivoire serait l'unique possibilité d'assurer le dédommagement des pertes matérielles subies par nos compatriotes. Toutefois, vous le savez, la situation actuelle ne permet pas d'envisager à court terme la négociation d'un tel accord. En tout état de cause, cette négociation devrait être précédée d'une estimation générale des pertes.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je ferai simplement deux remarques.
Le taux d'aide à l'investissement a effectivement été porté de 10 % à 30 %. Même si cette mesure me semble appliquée avec souplesse, j'aimerais avoir la confirmation que toutes les personnes ayant constitué un dossier puissent bénéficier des 30 %, quelle que soit la date de dépôt de leur dossier. Il serait en effet injuste de les traiter différemment
Par ailleurs, l'indemnisation de biens situés hors de France est évidemment compliquée. Comme l'a dit un illustre Premier ministre, la République ne peut porter tous les malheurs du monde. Néanmoins, si nous voulons encourager nos compatriotes à investir à l'étranger, point important que je ne développerai pas, nous devrons réfléchir à des mécanismes tels que ceux qui sont proposés par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, ou la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, la BIRD, lesquelles prennent en charge, d'une manière ou d'une autre, une partie des risques pris par ces personnes qui investissent à l'étranger.
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