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Pierre-Yvon Trémel
Question orale sans débat N° 1024 au Ministère de l'agriculture


Conséquences de la hausse du prix des carburants pour les pêcheurs professionnels

Question soumise le 20 avril 2006

M. Pierre-Yvon Trémel attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation des pêcheurs professionnels qui sont confrontés à l'augmentation du prix du carburant. Les marins-pêcheurs s'interrogent sur le devenir du Fonds de prévention des aléas de la pêche (FPAP) auquel ont adhéré 2 539 navires. Ce dispositif, qui doit prochainement prendre fin, leur permet de payer le gazole 35 centimes d'euro le litre. Sans ces aides, le coût du litre de gazole avoisinerait les 50 centimes d'euro. La filière est très inquiète car une simulation réalisée en septembre 2005 sur 78 chalutiers bretons montre que, si le prix du litre de gazole atteint cette somme, le poste « carburant » pourrait représenter, en moyenne, 33 % du chiffre d'affaires d'un chalutier de 20 à 25 mètres. La perte de rémunération pour les marins serait alors de 24 %. L'excédent brut d'exploitation chuterait aux alentours de 40 000 euros, sachant que le ratio potentiel pour rembourser capital et intérêts est estimé à 75 000 euros. Les professionnels attendent le déblocage de nouveaux crédits dans le respect des règles européennes et insistent pour que le plan d'avenir pour la pêche soit mis en place très rapidement pour relayer le terme du FPAP. Il souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur le maintien des aides aux marins-pêcheurs pour faire face à la hausse du prix du carburant et sur la mise en place du plan d'avenir de la pêche.

Réponse émise le 10 mai 2006

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, auteur de la question n° 1024, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, j'ai déposé cette question orale le 12 avril dernier, à un moment où les inquiétudes et les attentes étaient très fortes, sur les quais des ports de pêche, face à la flambée du prix du gazole, qui dépasse désormais 50 centimes d'euro le litre.

Le mercredi 26 avril, à l'occasion de l'assemblée générale de la Société centrale de crédit maritime mutuel, vous avez présenté un plan d'aides de 91 millions d'euros. J'en ai bien entendu pris connaissance, et vous avez donc déjà répondu en partie à ma question.

Je vous saurais gré, toutefois, de bien vouloir me donner des informations sur le contenu de ces aides. J'aimerais en particulier être éclairé sur les aides en faveur des dispositifs techniques permettant de réduire la consommation et donc la facture de carburant.

Au-delà de ces informations, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre point de vue sur les trois questions suivantes : les aides annoncées sont-elles eurocompatibles ? Que devient exactement le fonds de prévention des aléas pêche, le FPAP ? Quand le plan d'avenir de la pêche, que vous avez annoncé en 2005 et qui est, vous le savez, très attendu, sera-t-il mis en place ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, votre question est importante.

Avant d'y répondre, je souhaite rendre hommage, devant le Sénat, aux deux pêcheurs morts en mer ce matin et au pêcheur porté disparu au large du cap d'Antifer en Seine-Maritime, devant le port du Havre, que les recherches n'ont pas encore permis de retrouver.

Malheureusement, cette profession difficile paye un tribut épouvantable chaque année à la mer. Ces disparitions s'ajoutent, en effet, à une liste déjà longue, et votre région, la Bretagne, monsieur le sénateur, est particulièrement touchée.

En dehors du problème de la dangerosité du métier, la pêche connaît des difficultés de deux natures.

D'abord, l'Europe, qui gère la politique de la pêche, diminue les quotas pour essayer de reconstituer la ressource.

Ensuite, les charges, en particulier le poste carburant, progressent.

Cette augmentation brutale des cours du gazole, malheureusement pérenne, est très difficile à supporter par les pêcheurs. Je pense aux chalutiers, qui ont particulièrement besoin d'énergie pour tracter le chalut. La flotte de pêche française est constituée encore en majorité de chalutiers, même si, depuis quelques années, d'autres techniques de pêche moins gourmandes, tels le filet, la palangre, la senne, se sont développées.

En outre, de nombreuses entreprises sont également fragilisées par des problèmes de gestion et se sont endettées pour acquérir leur navire.

Par ailleurs, se pose également le problème des marins salariés lorsqu'ils sont rémunérés « à la part », dans le cas de la pêche artisanale où les frais communs sont partagés entre l'armateur et l'équipage.

Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les moyens dont disposent les entreprises pour faire face à ces difficultés.

En ce qui concerne tout d'abord la couverture du risque d'envolée du prix du gazole sur les marchés à terme, nous avons mis en place en 2004 un outil, le fonds de prévention des aléas de la pêche, le FPAP, qui permettait de lisser les pics du cours du gazole.

En tout état de cause, nous ne pouvons utiliser durablement cet outil pour des raisons de compatibilité avec les règles européennes sur lesquelles je ne m'étendrai pas.

Néanmoins, tant que les dispositifs que j'ai annoncés au mois d'avril ne seront pas partout effectifs, nous continuerons d'abonder ce fonds pour aller jusqu'au bout du traitement que nous devons aux pêcheurs.

La solution souhaitable, naturellement, est l'augmentation des cours du poisson. Cette dernière est réelle, mais limitée pour l'instant à certaines espèces. Faut-il rappeler que la France importe malheureusement les deux tiers de ses besoins en produits de la mer ? Cela signifie également que nos marins sont en situation de concurrence. Lorsque les pêcheurs d'Arcachon se mettent d'accord, comme ce fut le cas la semaine dernière, avec les autorités portuaires pour augmenter de dix centimes d'euro les prix - cette mesure est tout à fait compréhensible, car elle tire les revenus vers le haut -, cela pose des problèmes à l'égard des importations et de la concurrence !

Les deux autres pistes pour améliorer la situation sont la réduction de la consommation du gazole - j'y reviendrai - et l'amélioration de la productivité des entreprises.

En dehors du FPAP, qui ira vers l'extinction quand les autres mesures seront en oeuvre, j'ai proposé un plan de restructuration et de modernisation de notre flotte, solution durable pour permettre à nos entreprises de vivre avec un gazole qui sera certainement cher encore pendant de nombreuses années.

Des solutions existent d'ores et déjà pour réduire la consommation de gazole.

Il s'agit, par exemple, d'aider les pêcheurs à mieux régler leur moteur. Nous devons encourager la généralisation des dispositifs allant en ce sens.

À moyen terme, de nouvelles pratiques de pêche devront remplacer le chalut.

De même, les moteurs doivent être plus performants pour être moins consommateurs d'énergie. Des substituts au gazole doivent être testés, notamment les biocarburants. La loi d'orientation agricole a d'ailleurs ouvert la possibilité aux pêcheurs d'utiliser des huiles végétales pures.

Le Gouvernement accompagnera cette restructuration, et 40 millions d'euros y seront consacrés pour aider les entreprises à investir.

Néanmoins, les entreprises doivent disposer d'un peu de temps pour se restructurer. C'est pourquoi, monsieur Trémel, des soutiens immédiats seront apportés aux entreprises afin de conforter leur trésorerie jusqu'à la restructuration.

Des avances de trésorerie et des allégements de charges seront accordés aux entreprises qui s'engagent dans un processus de restructuration.

Pour les armements hauturiers, qui vont au-delà de la mer territoriale, un aménagement de la taxe professionnelle sera réalisé. Par ailleurs, des mesures sociales seront prises en direction de leurs équipages.

Ce volet « soutien » représentera également 40 millions d'euros, monsieur le sénateur, et je précise, pour répondre à votre question, que ce plan sera notifié à la Commission européenne. Il prendra effet après la réalisation d'un bilan précis de la situation, bilan que nous sommes en train d'élaborer. Sous trois mois, nous disposerons d'une analyse de la situation, entreprise par entreprise. Les aides seront accordées au regard de cette étude et prendront la suite des avances du FPAP.

Cette restructuration de la flotte est donc un chantier important.

Pour autant, je n'oublie pas les autres pistes à explorer : la productivité et l'augmentation des prix au producteur. Telle est la mission qui a été confiée à la députée du Finistère Mme Hélène Tanguy, dont j'attends les propositions pour le mois de juin prochain.

D'autres défis doivent aujourd'hui être relevés pour assurer un avenir à ce secteur : la gestion des ressources, la réforme de l'organisation professionnelle, l'installation des jeunes, la transmission des entreprises, la rémunération des marins, la formation et la sécurité - encore aujourd'hui au coeur de nos préoccupations.

Le plan d'avenir de la pêche, que j'ai annoncé en octobre à Nantes, sera proposé à la fin du mois de mai ou dans le courant du mois de juin. Sur tous les points que je viens de citer, en dehors du plan de restructuration, nous présenterons des solutions et des outils concrets, complétés par les propositions de Mme Tanguy, lesquelles seront naturellement intégrées en partie dans ce plan d'avenir de la pêche.

Tel est l'état des lieux de la pêche en France, monsieur Trémel. Il s'agit d'une filière qui connaît de vraies difficultés. Je sais que les collectivités territoriales, notamment la région Bretagne et votre département, s'attachent à être aux côtés de l'État dans la gestion de ce dossier, car nous devons unir nos efforts pour aider nos pêcheurs.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.

M. Pierre-Yvon Trémel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes les informations que vous avez bien voulu me transmettre.

Nous le savons bien, la pêche française doute très fortement de son avenir. En vingt ans, la flotte de notre pays a été réduite de 52 %, et de fortes menaces continuent à peser sur les petits armements, en particulier sur la pêche artisanale. Les territoires sont donc menacés.

Quoi qu'il en soit, aviculture, pêche : dure dure, la vie de ministre ! (Sourires.) Je vous souhaite donc bon courage, monsieur le ministre, et vous donne rendez-vous au mois de juin prochain pour parler de nouveau de ce très attendu plan d'avenir pour la pêche.

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