M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur les attentes des résidents et internes de médecine générale. Ces derniers regrettent en effet que la médecine générale ne soit pas rendue plus attractive auprès des étudiants en médecine qui méconnaissent cette spécialité. Ils réclament, afin que leurs inquiétudes puissent être dissipées, que plusieurs mesures, et plus particulièrement la création d'une filière universitaire de médecine générale, puissent être prises rapidement. Il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir s'il envisage de répondre positivement à ces demandes.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, auteur de la question n° 1028, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le ministre, dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, vous avez souhaité placer au centre de notre système de soins le médecin traitant, tout en laissant une liberté de choix aux patients. Nous constatons aujourd'hui que ces derniers ont majoritairement choisi comme médecin traitant leur médecin généraliste, reconnaissant de facto la spécificité que ces professionnels réclament et qui ne leur a pas été entièrement accordée lors de la mise en place de la réforme. Ce déni est d'ailleurs l'une des raisons de leur défiance.
Ainsi, par la force des choses, les médecins généralistes sont devenus des acteurs incontournables du monde de la santé alors que, paradoxalement, la médecine générale connaît à l'heure actuelle une certaine crise.
En effet, les problèmes de démographie médicale, et notamment d'accès aux soins de premier recours, sont inquiétants et risquent, si nous n'agissons pas, de se pérenniser. Certes, pour faire face à cette situation, vous avez récemment lancé, monsieur le ministre, un plan d'action en faveur de la démographie médicale, afin d'enrayer la véritable pénurie de médecins constatée dans certaines régions. Toutes les mesures mises en place permettent de répondre aux problèmes qui se posent sur le terrain, mais cette évolution ne peut se faire que lentement, car il faut dix ans pour former un médecin.
Ce n'est pas ce gouvernement, que nous soutenons, qui a limité le numerus clausus afin de réduire l'offre médicale, et donc les dépenses de santé. Au contraire, il l'augmente progressivement, d'année en année. Mais il ne peut pas le faire dans des proportions énormes, car l'appareil universitaire doit assurer une formation complexe, qui exige des moyens humains et financiers considérables.
Les mesures que vous avez prises ces derniers mois, monsieur le ministre, et qui visent notamment à soutenir les médecins actuellement en exercice dans des zones sous-médicalisées, sont donc très appréciées et vont dans le bon sens.
Par ailleurs, le dispositif permettant de faire connaître la médecine générale aux étudiants de deuxième cycle, grâce à la mise en place de stages, est encore parcellaire et expérimental.
Il faut faire plus pour rendre attractive la médecine générale, car là est bien le problème. Nous devons absolument rendre ses lettres de noblesse à cette discipline, ce qui passe en premier lieu par la mise en place d'une filière universitaire de médecine générale. En effet, la reconnaissance que vous avez proposée en 2004, monsieur le ministre, ne suffit pas.
La médecine générale doit être reconnue au même titre que toutes les disciplines universitaires, mais il faut aussi lui permettre de conserver sa spécificité clinique dans le monde médical : un exercice de la médecine centré sur les soins de premier recours, de proximité, de synthèse, et surtout sur la continuité du soin dans un système ambulatoire.
Les pistes pour la mise en place d'une telle filière ont été diagnostiquées et approuvées depuis longtemps par les principaux acteurs de ce secteur.
Il faut accroître la visibilité de la discipline en nommant des professeurs titulaires qui seront de véritables acteurs des enseignements de premier et deuxième cycles des études médicales.
Il faut aussi faire découvrir à tous les étudiants la pratique de la médecine générale, particulièrement sa spécificité ambulatoire, en facilitant la réalisation de stages de premier et de deuxième niveaux qui permettent de présenter les aspects positifs de cet exercice de la médecine, notamment en zone rurale, ou bien encore au sein de structures privées lorsque les terrains de stages sont insuffisants, comme c'est le cas en pédiatrie et en gynécologie. Il est temps de sortir du « 100 % CHU » afin que les étudiants bénéficient d'une véritable approche de la médecine générale.
Il faut également offrir aux étudiants qui le souhaitent la possibilité de mener une carrière universitaire en créant, au sein des services universitaires de médecine générale ambulatoire, des postes de chef de clinique, de maître de conférences et de professeur titulaire de médecine générale.
Mais il nous faut encore aller au-delà en donnant, d'une part, des garanties aux résidents et internes de médecine générale quant à la titularisation d'une partie des enseignants actuels associés à la discipline, en vue de l'encadrement des futurs chefs de clinique de médecine générale et, d'autre part, la possibilité aux résidents ayant validé les mêmes enseignements théoriques et pratiques que leurs collègues internes de pouvoir accéder au DES, le diplôme d'études spécialisées.
Monsieur le ministre, ces réformes sont attendues par les représentants de cette filière. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir me faire connaître votre sentiment sur ces différentes propositions.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, la question de l'enseignement de la médecine générale retient toute l'attention du Gouvernement.
Vous avez souligné le succès de l'un des aspects essentiels de la réforme de l'assurance maladie, en faveur de laquelle vous vous étiez prononcé voilà bientôt deux ans. Aujourd'hui, dans leur très grande majorité, nos concitoyens ont fait le choix de leur médecin généraliste comme médecin traitant. C'était l'une des ambitions de cette réforme.
S'agissant plus particulièrement de la dimension universitaire de la médecine générale, plusieurs dispositions récentes, et d'autres que nous allons prendre, ont déjà donné à son enseignement un statut qui lui faisait jusqu'ici défaut.
L'enseignement universitaire de la médecine générale est désormais sanctionné par un diplôme d'études spécialisées qui en fait une spécialité à part entière. Les professeurs associés de la discipline peuvent exercer leurs fonctions jusqu'à la limite d'âge. Cette disposition a été instaurée à leur seul bénéfice.
Plus de vingt postes d'enseignant associé à temps partiel ont été créés au titre de l'année 2006, permettant de satisfaire plus des deux tiers des demandes formulées par les facultés de médecine en une seule opération de recrutement.
Au-delà des mesures déjà prises pour assurer le contact des étudiants de troisième cycle avec les médecins généralistes en exercice, il convient d'assurer la mise en oeuvre du stage d'initiation de deuxième cycle. M. Xavier Bertrand a ainsi pris la décision d'en assurer le financement dans le cadre du plan de démographie médicale.
Le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, M. François Goulard, est convaincu, comme nous le sommes, de la nécessité d'individualiser une filière universitaire complète de médecine générale, avec toutes les prérogatives qui s'y attachent. Aussi avons-nous mis en chantier l'élaboration de la maquette de cette filière avec tous les partenaires universitaires concernés.
Simultanément, des dispositions sont prises pour favoriser l'accès des médecins généralistes et des jeunes en formation qui souhaiteraient embrasser une carrière universitaire aux activités de recherche qui, avec les activités pédagogiques et la mobilité, fondent les critères universitaires de recrutement.
Jusqu'à ce que les nouvelles générations aient pu accomplir un cursus répondant à ces critères, il conviendra, à la faveur de dispositions transitoires, d'assurer l'intégration dans un corps de titulaires de ceux des professeurs associés qui ont su démontrer leur engagement dans la fonction universitaire. À cet effet, une option « médecine générale » sera associée à la sous-section de « médecine interne », en attendant que les conditions soient réunies pour qu'une sous-section spécifique puisse être constituée.
Enfin, je n'ignore pas que les résidents et les anciens résidents récemment qualifiés en médecine générale souhaitent obtenir une équivalence du diplôme d'études spécialisées de médecine générale, au motif qu'ils ont suivi un cursus analogue à celui qui est proposé aux internes. Si les dispositions législatives en vigueur ne prévoient pas cette équivalence, elles permettent cependant à un médecin qualifié d'obtenir le diplôme qui sanctionne la formation initiale.
C'est dans cette perspective que le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a élaboré un projet de décret autorisant un médecin qualifié à solliciter la délivrance d'un diplôme d'études spécialisées de la commission universitaire qui a qualité pour délivrer ce diplôme à l'issue de la formation initiale. Ce projet a reçu l'avis favorable du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.
Je vous demanderai cependant d'aller rapidement plus loin que ces mesures, même si elles vont dans le bon sens, notamment celles qui ont été prises dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie. Il ne faut pas oublier en effet que, pendant de longues années, cette spécialité n'était accessible que par le biais d'un internat qualifiant. Il était donc indispensable de répondre à ce besoin de reconnaissance exprimé par les acteurs de la médecine générale.
Par ailleurs, il est urgent aujourd'hui, à la suite de la réforme de 2004 et de la mise en place d'un internat pour tous, de donner rapidement à la médecine générale ses lettres de noblesse, pour des raisons non seulement d'attractivité mais aussi de maintien de la qualité de cette filière. En effet, la médecine générale représente pour nos concitoyens le pivot de la réforme de 2004 et, également, la médecine de première instance.
C'est donc à la fois pour ces motifs d'attractivité, de noblesse mais aussi de qualité de la médecine générale que je demande la mise en place de cette filière universitaire spécifique.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.