M. Michel Billout attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur une application abusive du code des marchés publics. Dans le département de Seine-et-Marne, le préfet a en effet décidé de déférer devant le tribunal administratif les conventions de partenariat conclues entre le conseil général de ce département et les scènes nationales de Sénart et de la Ferme du Buisson, des établissements publics composés de l'État, du département et des collectivités locales. Cette décision est d'autant plus condamnable qu'elle va avoir des conséquences sur l'emploi, ce festival prévoyant l'intervention de plusieurs centaines d'intermittents du spectacle sur tout le territoire Seine-et-Marnais, ainsi que sur l'organisation d'un chantier d'insertion. Les deux scènes nationales concernées remplissent des missions de service public dans le cadre contractuel et partenarial qui est celui de la convention d'objectifs de développement culturel, de création artistique et d'insertion sociale de ces actions sur ces territoires. Il ne s'agit donc pas d'une simple « prestation de service ». L'article 30 du code des marchés publics prévoit d'ailleurs, dans ce cadre, que la personne responsable du marché peut décider qu'une mise en concurrence du fait des caractéristiques du marché est inutile voire impossible. Le décret n°2005-1008 publié au Journal officiel le 25 août 2005 mentionne l'hypothèse (alinéa 3 de l'article 30 du CMP) où les caractéristiques du marché permettraient de déroger à cette règle. Cette éventualité fait notamment référence «aux marchés qui ne peuvent être confiés qu'à un prestataire déterminé pour des raisons notamment « artistiques ». Avec l'adoption de la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, le 20 octobre 2005 la France a fait sienne une définition de la culture comme un bien de l'humanité, à l'opposé des conceptions qui prévalent à l'OMC où l'AGCS qui donnent la culture comme un produit marchand. Dans cet esprit, il lui demande donc s'il considère la décision de Monsieur le préfet de Seine-et-Marne conforme à l'adoption de la convention de l'Unesco et s'il ne craint pas que ce type décision remette en cause les missions de service public confiées aux scènes nationales.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 1132, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Michel Billout. Monsieur le ministre, en avril 2006, le conseil général de Seine-et-Marne décidait, par voie de délibération, d'organiser un festival départemental à caractère culturel et d'en confier la direction artistique aux deux scènes nationales du département, à savoir la Coupole à Sénart et la Ferme du buisson à Marne-la-Vallée.
Quatre mois plus tard, après un certain temps de réflexion, le préfet de Seine-et-Marne décidait de saisir le tribunal administratif pour non-respect du code des marchés publics. Il estimait, en effet, que l'organisation d'une telle manifestation devait s'analyser comme un marché de prestation de service. Cette décision a, bien évidemment, suscité une grande émotion dans le département.
Les deux scènes nationales concernées remplissent depuis de nombreuses années, et avec succès, des missions de service public et d'aménagement culturel du territoire de Seine-et-Marne. Celles-ci sont réalisées dans un cadre contractuel et partenarial, celui de la convention d'objectifs de développement culturel, de création artistique et d'insertion sociale de ces actions sur ces territoires, qui a été signée entre les associations, les collectivités territoriales et l'État.
Les deux scènes nationales apparaissent bien comme les partenaires naturels du conseil général pour l'organisation d'un festival départemental d'art et de culture. Il ne s'agit donc pas d'une simple « prestation de service ».
Dans ce cadre, l'article 30 du code des marchés publics dispose, d'ailleurs, que la personne responsable du marché peut décider qu'une mise en concurrence du fait des caractéristiques du marché est inutile, voire impossible.
En outre, le décret n° 2005-1008, publié au Journal officiel le 25 août 2005, mentionne l'hypothèse, à l'alinéa 3 de l'article 30 du code des marchés publics, où les caractéristiques du marché permettraient de déroger à cette règle. Cette éventualité fait, notamment, référence aux marchés qui ne peuvent être confiés qu'à un prestataire déterminé pour des raisons notamment « artistiques ».
Il s'agit donc bien d'une lecture particulière du code des marchés publics, qui risque d'avoir des conséquences graves : d'une part, supprimer des emplois, ce festival prévoyant l'intervention de plusieurs centaines d'intermittents du spectacle sur tout le territoire de la Seine-et-Marne ainsi que sur l'organisation d'un chantier d'insertion, et, d'autre part, soumettre à la concurrence l'ensemble des missions de service public des associations et établissements publics culturels, mais également « les spectacles musicaux, de danse, de théâtre, de représentation artistique, de cirque, des artistes amateurs ou professionnels ».
Monsieur le ministre, n'êtes-vous pas inquiet de la jurisprudence qui pourrait résulter de l'initiative du préfet de Seine-et-Marne au regard de ses implications sur l'avenir des scènes nationales et des missions de service public qui leur sont confiées ?
Je serais également particulièrement intéressé de savoir si vous jugez cette position conforme à la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. En effet, en l'adoptant, le 20 octobre 2005, la France a fait sienne, avec cent quarante-sept autres pays, une définition de la culture qui la reconnaît comme étant un bien de l'humanité.
C'est à l'opposé des conceptions exprimées par l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, où par l'accord général sur le commerce des services, l'AGCS, qui font de la culture un produit marchand, ce qui entre en contradiction, bien sûr, avec l'application du code des marchés publics pour les actions culturelles et artistiques.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous soulevez des questions de principe très importantes.
Le conseil général de Seine-et-Marne a passé convention, comme vous l'avez rappelé, avec les scènes nationales de Sénart et de la Ferme du buisson pour la réalisation d'un festival.
Le juge des référés du tribunal administratif de Melun a prononcé la suspension des conventions d'objectifs signées avec ces deux associations. Il estime, en effet, qu'il existe un doute sur la légalité des décisions dans la mesure où elles se rapporteraient, selon lui, à l'attribution de marchés publics de services soumis aux procédures du code des marchés publics.
Le conseil général de Seine-et-Marne a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État contre cette décision. Vous comprendrez que je reste très prudent sur l'analyse juridique, la justice n'ayant pas tranché définitivement.
Toutefois, je ne souhaite pas que les missions de service public soient remises en cause pour les subventions que nous attribuons conjointement, avec les collectivités territoriales, au réseau des institutions du spectacle vivant.
Pour clarifier les choses, le Premier ministre a annoncé, lors de la première conférence de la vie associative, la mise en place d'un groupe de travail associant des représentants du Conseil d'État et de la Cour des comptes. Ce groupe aura pour mission de préciser ces notions de subvention, de commande publique et de délégation de service public.
Je partage vos inquiétudes, monsieur le sénateur. Je pense, comme vous, que la culture n'est pas un produit marchand. La France a, d'ailleurs, conduit la manoeuvre à l'UNESCO pour la convention sur la diversité des expressions culturelles. De surcroît, nous veillons à l'entrée en vigueur de cette convention ainsi qu'à sa ratification, ce qui sera chose faite, je vous l'annonce, le 19 décembre prochain. En effet, grâce à la Commission européenne et à l'adhésion d'un certain nombre de pays de l'Union européenne, la convention va s'appliquer.
Bref, la question que vous posez, monsieur le sénateur, est sensible. Il n'est pas envisageable que le secteur du spectacle vivant soit paralysé. C'est la raison pour laquelle des précisions juridiques doivent être apportées.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Je remercie M. le ministre de cette réponse. Je comprends qu'elle ne soit pas complète dans la mesure où la justice est saisie de ce dossier.
Néanmoins, la problématique du secteur artistique et culturel doit absolument être clarifiée. Il convient que ce secteur soit distinctement placé en dehors du champ de l'activité marchande et concurrentielle, afin d'éviter au représentant de l'État dans certains départements de faire preuve d'un zèle excessif.
En effet, avant que le tribunal administratif soit saisi de l'affaire, il a bien fallu qu'une démarche soit engagée pour contester la validité de la délibération du conseil général. Et c'est, en l'occurrence, le représentant de l'État qui a été à l'origine de cette démarche.
Il est donc important que tout soit parfaitement clair afin d'éviter la paralysie du secteur et la mise au chômage de centaines d'intermittents du spectacle.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.