M. Robert Tropeano rappelle à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat que sur une partie de baby-foot, de flipper ou de billard faite dans un café, 60 % du montant revient à l'exploitant des jeux automatiques et 40 % au patron du café, selon le président de la Confédération française des jeux automatiques. Le montant réglé est assujetti à une TVA de 19,6 %. L'exploitant des jeux doit en outre régler une taxe annuelle par appareil qui varie en fonction de la taille de la commune : 16 euros pour les communes de moins de 1 000 habitants ; 32 euros pour celles comprenant entre 1 000 et 10 000 habitants ; 92 euros pour les communes de plus de 10 000 habitants. Ces montants peuvent être multipliés par deux, trois, voire quatre par les conseils municipaux. Or, il a été annoncé que cette taxe allait désormais être réduite à 5 euros par appareil et par an, quel que soit le nombre d'habitants de la commune, à partir du 1er janvier 2007. L'etat compte-t-il compenser le manque à gagner qu'engendre cette décision pour les collectivités ?
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, auteur de la question n° 1155, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.
M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre, le 16 octobre, le ministre délégué au budget avait annoncé des mesures en faveur des jeux traditionnels que sont le baby-foot, le flipper, le billard, les fléchettes, etc. dans les cafés et bars-tabacs.
Au regard des enjeux du projet de loi de finances pour 2007, nous avons l'impression que « la montagne accouche d'une souris ». M. Copé a affirmé que « cette mesure en faveur des jeux traditionnels [serait] gagnant-gagnant pour l'ensemble des acteurs » puisqu'elle permettrait la réinstallation de 40 000 jeux et la création de 600 emplois.
Il a ajouté que la fréquentation de ces établissements augmenterait et que l'offre de convivialité en serait accrue. C'est un pari aventureux sur lequel je ne le suivrai pas !
Quant au financement de cette mesure, l'annonce d'une compensation qualifiée d'« avantageuse pour les communes » me fait craindre un nouveau manque à gagner pour les collectivités territoriales.
En effet, l'acte II de la décentralisation, dont le gouvernement de M. Raffarin a pris l'initiative, a engendré un surcroît de charges pour les collectivités, qui se voient dans l'obligation d'augmenter leurs taux d'imposition.
Qu'il s'agisse du transfert des routes nationales aux départements ou des dépenses sociales, l'inégalité territoriale demeure et s'accentue. Nous sommes loin des promesses d'une compensation financière à l'euro près de ces nouvelles compétences.
De fait, ce sont plusieurs dizaines de millions d'euros qui n'ont pas fait l'objet d'une compensation.
Jusqu'à présent, la taxe annuelle sur les jeux automatiques variait selon la taille de la commune. Les conseils municipaux avaient d'ailleurs la possibilité de l'augmenter suivant un coefficient allant de 2 à 4. Aujourd'hui, il est prévu d'instaurer à compter du 1er janvier 2007 une taxe unique de 5 euros par appareil et par an. De ce fait, le budget des communes se trouvera amputé d'une partie des ressources qu'elles étaient en droit d'attendre.
Pour mémoire, je rappelle que cette taxe a rapporté aux collectivités 16 millions d'euros en 1999, 9,7 millions en 2005 et qu'elle n'en rapportera que 9 millions en 2006. Or le Gouvernement entend prendre comme base d'indemnisation, pour compenser aux communes leurs pertes de recettes, le montant estimé de celles-ci pour l'année 2006. L'État espère probablement - et secrètement - que la TVA sur les machines lui rapportera davantage avec l'augmentation du parc des jeux automatiques.
Le « gagnant-gagnant » annoncé ressemble fort à un marché de dupes !
Au fil des années, 50 % des jeux automatiques ont disparu. Après tout, pourquoi, en effet, ne pas réinstaller flippers, baby-foot et autres juke-box ? Mais les raisons qui ont conduit à la disparition progressive de ces jeux dans les établissements sont multiples et ne sont pas toutes imputables à la fiscalité pesant sur ces appareils.
Ces jeux traditionnels ont distrait plus d'une génération. Force est de constater aujourd'hui qu'ils subissent une désaffection du public. L'attrait pour les consoles de jeux ou les jeux en ligne sur Internet témoigne de l'appropriation des nouvelles technologies par les particuliers. Cette évolution a incontestablement contribué à la diminution du parc des jeux automatiques.
Je doute que la baisse de fréquentation des cafés et des bars-tabacs qui pourrait résulter de l'interdiction de fumer dans ces lieux à compter du 1er janvier 2008 soit compensée par la mise en place d'un flipper, d'un baby-foot ou d'un jeu de fléchettes.
Tout en étant conscient de l'importance des enjeux de santé publique et des conséquences néfastes du tabagisme, je persiste à penser que la mise en place de cette fiscalité en faveur des jeux, qui a été qualifiée d'« attractive », n'est qu'un pis-aller pour les débitants de tabac.
Souhaitons néanmoins que ceux-ci, qui ont sensibilisé le ministre délégué au budget sur la question du flipper, « touchent le jackpot » avec cette mesure.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-il compenser le manque à gagner pour les collectivités qu'engendrera la baisse de la taxe sur les jeux traditionnels ? Sur quelles bases et de quelle manière cette compensation va-t-elle s'opérer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, la décision de réformer profondément la taxe pesant sur les jeux traditionnels - baby-foot, flippers, billards, fléchettes, juke-box, etc. - se fonde sur un constat implacable : ces vecteurs de convivialité quittaient massivement les cafés ou bars-tabacs depuis quelques années.
Ces jeux traditionnels, qui n'entrent pas dans la catégorie des jeux d'argent puisqu'ils n'offrent pas de gains aux joueurs, rendaient leur exploitant redevable d'une taxe communale annuelle dont vous-même avez souligné la complexité.
Cette taxe annuelle pouvait parfois atteindre 368 euros par jeu, montant dissuasif puisqu'il représentait la recette de plusieurs mois. Cette imposition excessive a entraîné un cercle vicieux, dont les conséquences sont celles que vous connaissez : sur les 265 000 jeux qui étaient installés en 1999, 125 000 ont été retirés en cinq ans. À ce rythme, l'ensemble des jeux auraient disparu des bistrots et cafés en sept ou huit ans.
Cette disparition des jeux a, à son tour, entraîné une baisse de la clientèle et donc une baisse du chiffre d'affaires des établissements concernés, des suppressions d'emplois chez les installateurs de jeux - 1 200 depuis avril 2004 - et, enfin, la baisse des recettes perçues par les communes, qui sont passées de 16 millions à 9,7 millions d'euros entre 1999 et 2005.
Sur la base de ce diagnostic, que vous partagez, monsieur le sénateur, Jean-François Copé a tenu à simplifier et à alléger fortement la taxe pesant sur les jeux traditionnels.
Cette réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2007. Chaque appareil sera désormais frappé d'une taxe annuelle de 5 euros. En outre, celle-ci sera simplifiée puisqu'un taux unique se substituera à un système devenu trop complexe.
En revanche, les formalités déclaratives nécessaires au suivi de cette activité seront maintenues.
Vous soulignez à juste titre, monsieur le sénateur, qu'on passe ainsi d'une taxe municipale à une taxe nationale. À cet égard, je vous confirme que le Gouvernement a bien prévu de compenser les pertes de recettes des communes au niveau du produit de la taxe en 2006. C'est une bonne affaire pour celles-ci puisque le rendement de cette taxe baissait continuellement. Entre 1999 et 2006, le produit moyen collecté par commune est passé de 420 à moins de 280 euros. Cette mesure va donc sécuriser les ressources des communes.
Au total, cette mesure « gagnant-gagnant » pour l'ensemble des acteurs se traduira, nous l'espérons, par la réinstallation rapide de 40 000 appareils et le maintien de 20 000 d'entre eux, actuellement menacés, par la création d'un nouveau flux de clientèle dans les bars, par l'accroissement de l'offre et de la convivialité des établissements, situés parfois dans des zones rurales ou des zones urbaines sensibles, et par la création de 600 emplois directs dans les forces commerciales et dans la maintenance de ces jeux.
Enfin, cette mesure sera autofinancée par le surcroît d'activité prévu, qui donnera lieu, grâce aux jeux maintenus ou aux nouvelles installations, à des rentrées accrues de TVA.
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre, vous annoncez une compensation pour le manque à gagner pour le budget des communes. Je vous en remercie. Néanmoins, j'espère que vos promesses seront suivies d'effet et que vous respecterez votre engagement à ce que les collectivités locales ne soient pas lésées par ces nouvelles mesures.
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