M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, depuis plusieurs années, la crise viticole qui perdure en France ne cesse de s'accentuer et de nombreuses exploitations sont actuellement en très grande difficulté.
Mardi dernier, nous avons rencontré ici même, au Sénat, des viticulteurs du Languedoc-Roussillon qui nous ont fait part de leur désarroi.
Monsieur le ministre, nous craignons que, cent ans après les dramatiques événements de 1907 et après ceux de Montredon, en 1976, cette région ne connaisse une flambée de violences due au désespoir de nos vignerons.
Le constat que nous pouvons faire est simple : face à nos concurrents, qui gagnent des parts de marché, l'analyse d'une crise viticole liée à la surproduction mondiale est erronée.
Il est indispensable d'accompagner notre viticulture dans ses nécessaires mutations induites par la mondialisation, plutôt que de réduire ses possibilités d'action, comme c'est le cas actuellement.
Monsieur le ministre, vous avez pris une série de mesures qui, à notre avis, sont inadaptées. En effet, elles affaiblissent la filière sans pour autant relever les vrais défis en termes de compétitivité économique.
Comme résultat de cette politique, nous assistons à une précarisation de l'ensemble des acteurs, qui n'ont de ce fait aucun projet d'avenir, d'où les inquiétudes exprimées par les professionnels sur l'ensemble du territoire.
Oui, monsieur le ministre, la colère gronde !
Aussi, pour calmer cette colère, comptez-vous organiser une table ronde réunissant les professionnels, les metteurs en marché, les négociants et la grande distribution ?
Pour sauver notre viticulture, allez-vous vous opposer fermement à Mme la commissaire européenne, qui prévoit un plan d'arrachage de 400 000 hectares, ce qui entraînerait la disparition de 10 000 emplois ?
Allez-vous vous opposer à l'élaboration des vins à partir de moûts importés ?
Comptez-vous prendre les nécessaires mesures d'harmonisation avec les autres pays européens, concernant, notamment, les rendements à l'hectare, les règles de vinification et les contrôles sanitaires ?
De toute évidence, devant la gravité de la situation, l'organisation d'un grand débat national sur l'avenir de notre viticulture s'impose.
Envisagez-vous de prendre prochainement ces dispositions qui sont vraiment urgentes ?
Allez-vous entendre l'appel de cette profession ?
Monsieur le ministre, apportez-nous rapidement les réponses que nous attendons et qu'attendent surtout nos vignerons !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, l'un de vos collègues député, élu de l'Hérault comme vous-même, a posé une question de même nature, hier, à l'Assemblée nationale. Au reste, cette question est tout à fait légitime, et les difficultés des viticulteurs du Languedoc-Roussillon sont connues sur les bancs de l'Assemblée nationale comme sur les travées du Sénat.
Le seul point de désaccord avec vous, monsieur le sénateur, en dehors du constat des difficultés présentes, est le suivant : les mesures que nous avons déjà prises l'ont été à la demande des professionnels.
S'agissant en particulier des dispositions relatives au report fiscal et social ou à l'exonération sur le foncier non bâti, ce sont les syndicats, les organisations professionnelles, les coordinations, qui nous ont demandé de prendre de telles mesures, ce que, bien sûr, nous avons fait.
M. le Premier ministre, lors de son récent déplacement dans votre département, a annoncé, après avoir assisté à une table ronde à laquelle participaient tous vos collègues députés et sénateurs des départements de la région, un plan de restructuration dans le cadre du contrat de projets État-région comprenant des mesures en matière d'accompagnement à l'arrachage, d'agro-environnement et de préretraites. Il s'agit là d'une décision importante qui a d'ailleurs été approuvée par le président de région, Georges Frêche.
Nous avons également mis en place des mesures de dégagement du marché et de distillation. Dès lors, je puis vous dire très clairement, monsieur le sénateur, que nous nous opposons, comme vous-même, à la réforme proposée par l'Union européenne.
En effet, il n'est pas question de faire de l'arrachage le plan viticole pour la France et l'Europe ; il n'est pas question de promouvoir les moûts importés ; il n'est pas question d'accepter une réforme dont la teneur actuelle est inacceptable pour la viticulture française.
D'ailleurs, le gouvernement français a obtenu le report de cette réforme, qui sera présentée au mois d'avril, sous la présidence allemande, par Mme la commissaire à l'agriculture.
À cette occasion, nous travaillerons avec la profession afin de changer les modalités de cette réforme et de faire en sorte que, d'un plan de casse, l'on passe à un plan de promotion, tant il est vrai que les vins du Languedoc-Roussillon, comme tous les vins de France - vous le savez parfaitement, monsieur le sénateur, vous qui les connaissez bien - ont un avenir ; en effet, ils sont de très bonne qualité et ont réussi à prendre des parts de marché. Simplement, il convient de favoriser leur exportation.
Pour ce faire, il est nécessaire de mieux segmenter notre offre avant de la présenter, ce qui a été fait par votre région à travers le label « Vins du sud de France », qui constitue une excellente initiative, à laquelle il faut ajouter la catégorie « Vignobles de France », que nous avons mise en place.
Je vous promets, monsieur le sénateur, que ce secteur retiendra toute mon attention. Ainsi, c'est ensemble que nous prendrons les mesures qui conviennent pour sauver la viticulture du Languedoc-Roussillon, qui est promise à un bel avenir.
Il faut l'envisager non pas comme un secteur structurellement en difficulté, mais comme un secteur qui connaît des problèmes temporaires que nous devrons résoudre.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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