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Roger Karoutchi
Question écrite N° 12572 au Ministère de l'intérieur


Menace d'actes terroristes

Question soumise le 17 juin 2004

M. Roger Karoutchi attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la menace d'actes terroristes. Les actes terroristes se multiplient dans le monde, le dernier en date, en Arabie saoudite, ayant fait au moins vingt-deux morts. Aux Etats-Unis, le gouvernement a affirmé que la menace d'attentats par l'organisation Al-Qaïda était au maximum. Il souhaite savoir si le gouvernement français a une appréciation des risques potentiels pour notre pays.

Réponse émise le 28 octobre 2004

Une évaluation permanente des risques terroristes qui pèsent sur la France est effectuée par les services de renseignement français, synthétisée par l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT) au cabinet du directeur général de la police nationale et communiquée par le cabinet du ministre de l'intérieur au Premier ministre au sein des instances ad hoc placées sous son autorité. Cette menace peut être analysée à ce jour comme suit. Si des problèmes récurrents - israélo-palestinien, turco-kurde ou basque espagnol - créent des pôles de tensions dont certaines incidences peuvent toucher notre pays, la menace terroriste la plus significative pour la France demeure la mouvance islamiste salafiste se réclamant d'Al Qaïda. Les attentats perpétrés le 11 mars 2004 à Madrid (Espagne) et les investigations induites conduisent à dégager plusieurs constats : fragilisée par la destruction de son sanctuaire afghan-pakistanais la mouvance Al Qaïda a, en quelque sorte, « franchisé » son action ; des groupes s'appuyant sur l'aura et l'expérience d'un ou deux individus ayant fait, au cours des dernières années leurs « classes » sur une « terre de Jihad » (Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie, Irak), passent de leur propre chef à l'action, les justifiant par les « fatwa » (messages Internet principalement) émises par Oussama Ben Laden et ses affidés ; ces individus parfois implantés de longue date dans les pays cibles et parfaitement intégrés au mode de vie local fonctionnent en quasi autosuffisance, le plus fréquemment grâce à divers trafics et délits de droit commun, ce qui rend d'autant plus difficile leur identification préventive ; cette autonomisation des réseaux va de pair avec leur transnationalité : le 8 juin 2004, les autorités italiennes interpellaient à Milan Ahmed Rabei Osman El Sayed dit « Mohamed l'Egyptien » considéré comme l'un des responsables des attentats de Madrid, qui entretenait des relations suivies avec des activistes ou des sympathisants « jihadistes » en Belgique et en France. Jusqu'à un passé récent, la France ne faisait pas partie des objectifs prioritaires de la mouvance salafiste « jihadiste » ; cependant, au cours des derniers mois, notre pays ou ses nationaux ont été cités plus ou moins directement dans plusieurs communiqués des leaders charismatiques d'Al Qaïda. Dans ce contexte, rien ne permet d'écarter le passage à l'acte, à l'instar de leurs « homologues » espagnols, de militants fondamentalistes évoluant dans divers réseaux de soutien et tentés de s'approprier ces messages « jihadistes » francophobes. C'est pourquoi le Gouvernement est particulièrement attentif aux agissements d'imams radicaux qui se livreraient à l'apologie de la violence : 9 de ces individus se réclamant du salafisme et du kaplanisme ont été éloignés du territoire national depuis le 1er janvier 2003. Toutefois, s'il convient de prendre en considération l'ensemble de ces éléments, il faut noter que pour l'heure, les services spécialisés n'ont pas relevé de menace particulière sur le territoire national, alors que l'application de la loi sur les signes religieux ostensibles dans les écoles françaises n'a pas suscité d'agitation particulière en raison du contexte des otages français en Irak. Néanmoins, les services spécialisés maintiennent une forte pression sur la mouvance salafiste opérant sur notre sol ou les Etats environnants, en poursuivant avec opiniâtreté le démantèlement de plusieurs réseaux : depuis mai 2002, 158 personnes ont été interpellées, parmi lesquelles 63 ont fait l'objet d'une incarcération. De fait, la menace la plus prégnante concerne nos ressortissants et intérêts à l'étranger : depuis quelques mois, la mouvance terroriste internationale islamiste privilégie manifestement « l'aire musulmane » comme terrain d'action, alternant opérations d'envergure génératrices d'importantes retombées médiatiques et frappes individuelles (enlèvements et/ou assassinats) toutes aussi indifférenciées pourvu qu'elles touchent des « infidèles ». Enfin, une menace récurrente pèse sur les forces françaises basées à Djibouti, dont la base aérienne était déjà en 1998 une cible désignée par Oussama Ben Laden, ainsi que sur le contingent français intégré à l'ISAF en Afghanistan, dont le gouvernement est stigmatisé par Al Qaïda pour sa coopération avec l'occident. En réponse à ces menaces, le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a rappelé, lors du conseil des ministres du 5 juin 2004, les trois axes autour desquels est conduite l'action de la France dans le cadre de la coopération européenne et internationale. Le premier réside dans l'approfondissement de la coopération bilatérale tant auprès des pays partenaires (Etats-Unis ; pays du Sud ayant été victimes du terrorisme) que de ses voisins européens limitrophes. Le second axe porte sur l'approfondissement de la coopération européenne, laquelle consiste à assurer aussi bien la transposition ou la ratification des textes fondamentaux en la matière, tel celui relatif au mandat d'arrêt européen, que de façon plus générale, la mise en oeuvre de l'harmonisation des législations nationales sur le terrorisme, sans omettre, par ailleurs, le renforcement des structures Europol et Eurojust ou l'amélioration des systèmes d'information. Enfin, la France opte pour le renforcement de son engagement multilatéral, en particulier en réaffirmant son soutien à l'Organisation des Nations unies (ONU) ainsi que son implication au sein des autres enceintes existantes telles le G8, Interpol ou le GAFI (groupe d'action financière). Le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a annoncé fin juin, l'ouverture de six nouveaux chantiers prioritaires dont l'un porte sur la modernisation des instruments de lutte contre le terrorisme. La création d'un « conseil du renseignement intérieur » - CRI - a été arrêtée en vue d'optimiser l'échange d'informations et de rendre efficiente la coordination existante entre les divers services de renseignements (la direction de la surveillance du territoire et les renseignements généraux, le service de coopération technique international de police et la gendarmerie). Ce nouvel outil, complétant l'actuel dispositif de lutte antiterroriste qui comprend notamment le CILAT (comité interministériel de la lutte antiterroriste), récemment réactivé à la demande du ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, s'inscrit plus globalement dans la lutte contre l'insécurité. En effet, ce nouvel instrument de coordination ainsi que la création d'une base de données publique sur le terrorisme et la modernisation des technologies de surveillance et d'écoute constituent l'un des six chantiers majeurs définissant l'actuelle politique conduite en matière de sécurité. L'honorable parlementaire peut être assuré de la volonté du Gouvernement de lutter sans relâche et avec détermination contre le terrorisme et la ramification des réseaux sur lesquels il s'appuie tant au plan national qu'international.

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