M. Roger Karoutchi attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur l'absence de médicaments pour les enfants dans les services pédiatriques. Ainsi à Lyon, un enfant de douze ans hospitalisé pour une opération de l'appendicite a succombé le 28 septembre dernier à une dose de morphine dix fois trop forte. L'académie de pharmacie a rendu publics les résultats de deux études réalisées par l'équipe de Françoise Brion, chef du service pharmacie de l'hôpital Robert-Debré à Paris, au cours de l'année 2001-2002 dans quatorze hôpitaux et auprès de deux mille petits patients âgés de douze à dix-sept mois. Cette enquête, baptisée Pédiard, montre les risques d'erreur d'administration du fait des difficultés du personnel soignant dans le dosage de médicaments en raison de carence de médicaments réservés à la pédiatrie. Concernant les produits injectables, dans près de 50 % des cas, la posologie et le mode d'administration ne sont pas conformes à la notice. L'infirmière doit prélever une part moindre de la quantité présente dans l'unité thérapeutique ou diluer le produit du fait du très petit poids de l'enfant. Dans trois quart des cas, le reste est jeté d'où un surcoût non négligeable et une perte de temps considérable car chaque administration mobilise une infirmière trois ou quatre fois par jour. Quant aux comprimés, la posologie est souvent impropre aux tous petits : une fois sur deux ils doivent être coupés et trois quart d'entre eux doivent être broyés et mélangés dans une boisson. Au final, la fraction réellement absorbée par l'enfant est mal connue. Fin septembre, la Commission européenne a adopté une proposition de règlement spécial pour les médicaments pédiatriques. Les résultats pratiques ne devraient pas voir jour avant 2007. En attendant, il lui demande ce qu'il compte mettre en oeuvre à l'égard des hôpitaux pour que la sécurité des jeunes patients soit garantie et s'il compte suivre le modèle américain où les pouvoirs publics ont su inciter les firmes à développer des formes pédiatriques en leur permettant de bénéficier d'une prolongation de leurs brevets.
La préoccupation exprimée par l'honorable parlementaire quant au décès d'un garçon de douze ans des suites d'un surdosage de morphine ainsi que l'inadaptation de certaines spécialités pharmaceutiques aux enfants appelle les précisions suivantes : de nombreux médicaments utilisés chez l'enfant n'ont fait l'objet ni d'études ni d'évaluation auprès de cette population. Or les enfants présentent des caractéristiques physiologiques qui varient en fonction de leur âge, et administrer à l'enfant une dose calculée d'après la posologie adulte sans étude spécifique peut ainsi entraîner un risque d'inefficacité, de sous-dosage, de surdosage et donc d'effets secondaires accrus. L'enfant, particulièrement en bas âge, a besoin de formes pharmaceutiques adaptées comme une solution ou un sirop. Les prescriptions sont actuellement souvent réalisées en dehors du cadre de l'autorisation de mise sur le marché (AMM). Les coûts de la recherche et les difficultés de réalisation d'essais cliniques chez l'enfant expliquent en partie cette situation. Depuis l'initiative prise par la France en faveur des médicaments pédiatriques lors de la présidence de la Commission de l'Union européenne visant à sensibiliser les Etats membres concernant un besoin en médicaments pédiatriques, les actions nationales se sont poursuivies dans ce sens. En effet, une mission des médicaments pédiatriques placée auprès du ministère de la santé et de la protection sociale a été créée en juin 2000. De même, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a mis en place une mission « pédiatrie » en septembre 2000 et a créé un comité d'experts pédiatres en janvier 2001. Ce comité mène des réflexions de fond sur le médicament pédiatrique. Il a pour principale mission d'établir un état des lieux des besoins en formes pharmaceutiques adaptées ou en données complémentaires pédiatriques pour les médicaments par classe thérapeutique. A ce titre, neuf domaines thérapeutiques ont été analysés et les résultats de cette réflexion sont publiés sur le site internet de l'AFSSAPS depuis le 29 mars 2004. En outre, une collaboration étroite entre l'AFSSAPS et l'Agence européenne de l'évaluation des médicaments (EMEA) s'est instaurée en septembre 2001 afin de réaliser un état des lieux européens des besoins en pédiatrie et dans le but d'éviter des essais cliniques inutiles. Par ailleurs, la Commission européenne a rendu publique le 8 mars 2004 une proposition de règlement relative aux médicaments pédiatriques. D'ores et déjà, il convient d'indiquer que ce texte prévoit un système binaire consistant, d'une part, en une obligation pour les laboratoires pharmaceutiques d'évaluation et de recherche portant sur des spécialités pédiatriques, d'autre part, en la mise en place d'incitations afin d'encourager les laboratoires qui mettent au point des médicaments destinés spécifiquement à l'enfant. Enfin, l'ensemble de ces mesures ne sauraient dispenser le personnel soignant d'une lecture attentive du dosage mentionné sur les spécialités pharmaceutiques avant administration. A ce titre, l'AFSSAPS a rappelé dans deux communiqués de presse, en dates des 30 septembre et 6 octobre 2004, la nécessité d'une vérification attentive du médicament à administrer en ce qui concerne non seulement la substance active contenue dans l'ampoule, mais également le dosage et le contenu en volume de solution afin d'éviter les confusions ou l'utilisation d'un médicament inapproprié.
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