M. Christian Cointat attire l'attention de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur les dispositions des articles 27 et 28 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Aux termes de l'article 27, la Cour peut siéger en comités de trois juges. Aux termes de l'article 28, un comité peut, par vote unanime, déclarer irrecevable ou rayer du rôle une requête individuelle introduite en vertu de l'article 34 lorsqu'une telle décision peut être prise sans examen complémentaire. La décision est définitive. L'article 53 du règlement de la Cour dispose que la décision est portée à la connaissance du requérant par lettre. Il lui expose que dans la pratique, une lettre-type est adressée aux requérants les informant que « le comité a décidé en vertu de l'article 28 de la convention de déclarer irrecevable la requête précitée, les conditions posées par les articles 34 ou 35 de la convention n'ayant pas été remplies. Compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la convention ou ses protocoles. » La décision du comité, n'est donc pas vraiment motivée, le requérant n'étant même pas informé de la cause précise d'irrecevabilité (procédurale ou portant sur sa reconnaissance comme victime ou non d'un droit garanti). Cette pratique est contraire aux principes généraux du droit, consacrés par l'article 45 de la convention. Cette procédure expéditive ne paraît pas compatible avec le droit des justiciables à la motivation des décisions qui les concernent, surtout celles qui leur font grief. Les comités s'affranchissent ainsi d'une règle dont la Cour exige avec raison un respect rigoureux par les juridictions nationales. En France, aucune décision de ce type ne pourrait être rendue, les décisions d'irrecevabilité, même manifestes, devant être effectivement motivées. Il lui demande, en conséquence, de bien vouloir lui faire connaître si, dans le cadre des réformes en cours de la procédure devant la Cour, le Gouvernement français entend proposer une motivation effective, des décisions d'irrecevabilité des comités.
L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention de la ministre déléguée aux affaires européennes sur les dispositions des article 27 et 28 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. A titre liminaire, il convient de souligner qu'il est difficile pour le gouvernement français de commenter la pratique d'une Cour internationale indépendante. Il reste que les quelques éléments de réponse suivants peuvent être apportés. Le système de contrôle des droits de l'homme établi par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales connaît depuis sa création en 1950 une augmentation exponentielle du nombre de requêtes. Cette croissance s'est aggravée à partir de 1990 avec l'adhésion de nouveaux Etats contractants. On relève notamment que si la Cour n'a enregistré « que » 4 200 requêtes nouvelles en 1988, elle en enregistra 30 200 en 2000 et 45 000 en 2004. La surcharge de travail qui en découle a eu pour effet d'allonger considérablement les délais de traitement des requêtes par la Cour de Strasbourg. A ce jour, il faut attendre plusieurs années avant d'obtenir une décision sur la recevabilité. Dès 1998, les Etats membres ont pris en compte cette situation. C'est ainsi qu'est entré en vigueur le protocole n° 11 qui a instauré des comités de trois juges compétents pour l'examen des requêtes manifestement vouées à l'échec. En pratique, cela représente plus de 90 % des requêtes. Compte tenu de la charge de travail que cela représente pour les comités, il était inévitable que la Cour cherche à systématiser le traitement desdites requêtes dans les réponses faites aux requérants. A cet égard, il convient de rappeler que la convention prévoit plusieurs motifs d'irrecevabilité. La formule rappelée dans la question concerne le cas des requêtes manifestement mal fondées. D'autres formules sont appliquées selon que la requête a été introduite hors délai ou que la qualité de victime fait, par exemple, défaut. Certains courriers de réponse contiennent également des références jurisprudentielles. Aussi, quand bien même les courriers adressés aux requérants sont relativement courts et leur contenu « succinct », ils indiquent expressément le motif d'irrecevabilité sur lequel la Cour a fondé sa décision. Il convient de souligner que les juridictions françaises connaissent aussi des modes simplifiés d'admission des procédures. C'est le cas devant la Cour de cassation et le Conseil d'Etat qui rendent dans ce cadre des décisions relativement brèves. S'agissant enfin de la possibilité pour le gouvernement français de proposer une motivation plus détaillée des décisions d'irrecevabilité dans le cadre de la réforme de la procédure devant la Cour, il convient d'observer que les négociations en question ont d'ores et déjà abouti le 13 mai 2004, date à laquelle les Etats membres ont adopté le protocole N° 14 que la France a signé. La délégation française s'était, pour sa part, attachée à éviter l'introduction de tout nouveau critère d'irrecevabilité trop large.
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