M. Joël Bourdin rappelle à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sa question n° 14186 du 21 octobre 2004 sur la conformité au droit communautaire des tarifs préférentiels appliqués par les services communaux.
En matière de tarification appliquée par les services publics locaux, la jurisprudence tant constitutionnelle que administrative admet la compatibilité de l'application du principe d'égalité avec des différences de traitement entre les usagers, à condition que ces différences de traitement soient justifiées par une différence de situation ou par un intérêt général (cf. décision du Conseil constitutionnel taxation d'office du 27 décembre 1973 et arrêt du Conseil d'Etat du 10 mai 1974, Denoyez et Chorques). Sur cette base, le Conseil d'Etat a notamment reconnu la possibilité de pratiquer des discriminations tarifaires fondées sur le lieu de résidence pour les services publics locaux non obligatoires comme les cantines scolaires (Conseil d'Etat, 5 octobre 1984, commissaire de la république de l'Ariège). Cependant, dans un arrêt C-388/01 du 16 janvier 2003, Commission contre la République italienne, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a énoncé les conditions à remplir en ce qui concerne la légalité de la différenciation des tarifs appliqués par les services publics locaux. Selon l'interprétation de la CJCE, l'article 49 du traité de Rome « prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toute forme dissimulée de discrimination qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat ». Seules deux raisons peuvent permettre de faire exception à ce principe de non-discrimination : l'ordre public, la sécurité publique et la santé publique, une raison impérieuse d'intérêt général. La CJCE a rappelé que des objectifs purement économiques ne peuvent pas constituer des raisons impérieuses d'intérêt général de nature à justifier une restriction au principe d'égalité du service public. De même, la différence de tarif ne pourrait pas être justifiée par la préservation de la cohérence du système fiscal. En effet, aucune relation directe ne peut être établie entre l'impôt dû à la collectivité gérant le service public et le coût de la prestation fournie. En outre, la CJCE souligne qu'aucun Etat membre ne saurait exciper de situations de son ordre juridique interne pour justifier le non-respect des obligations du droit communautaire. Pour autant, il ne semble pas pouvoir être déduit de ces considérations que l'ensemble des discriminations tarifaires en matière de services publics seraient condamnées par la jurisprudence européenne. L'arrêt contraint seulement les collectivités territoriales à faire bénéficier des mêmes avantages tarifaires les résidents et les autres usagers. Il semble ainsi qu'une discrimination tarifaire fondée sur des différences de situation objectives et rationnelles et suffisamment nettes, directement en rapport avec l'objet ou le but de la décision qui l'établit, comme l'exige le juge national, ne serait pas prohibée par le juge communautaire. L'instauration de discriminations tarifaires en fonction des ressources des familles ne serait donc pas susceptible d'entrer en contradiction avec le droit communautaire, dans la mesure où ces différences tarifaires se fondent sur des préoccupations d'un autre ordre que purement économique. Elles constituent souvent une condition d'application du principe d'égalité dans la mesure où elles permettent l'accès de tous au service, sans distinction d'origine sociale. Elles peuvent ainsi être interprétées comme entrant dans l'objet même du service public. Soucieux des conséquences pratiques, pour les collectivités locales, susceptibles d'être engendrées par l'application de l'arrêt de la CJCE du 16 janvier 2003, le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales mène une étude approfondie de la compatibilité des tarifs préférentiels au regard de la jurisprudence communautaire.
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