M. Joël Bourdin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur un récent attendu de la Cour des comptes précisant « qu'il est de jurisprudence constante que l'inscription de crédits au budget ne saurait constituer une pièce justificative de la dépense » et lui demande, à cet égard, s'agissant des subventions accordées, si l'annexe des propositions de subvention jointe obligatoirement au budget des communes, peut valablement constituer une pièce justificative pour le comptable.
La procédure relative à l'attribution d'une subvention par une collectivité publique doit en principe faire l'objet de deux délibérations distinctes. La première a pour objet d'ouvrir, de manière prévisionnelle, les crédits nécessaires au budget pour permettre à l'exécutif d'ordonnancer la dépense. La seconde a pour objet de préciser le nom du bénéficiaire, l'objet et le montant de la subvention envisagée, et le cas échéant les conditions préalables au versement de la subvention, cette délibération distincte faisant office de pièce justificative pour le paiement de la subvention. S'agissant des modalités de paiement de la dépense, il a été admis (QE n° 8840, 15 mars 1990, JO Sénat du 7 juin 1990) que l'annexe obligatoirement jointe au budget puisse tenir lieu de pièce justificative, dans la mesure où elle mentionne les énonciations exigées par la rubrique 71 de la nomenclature des pièces justificatives annexée à l'article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Ces énonciations portent sur l'objet, les conditions d'octroi, le bénéficiaire et le montant de la subvention. Cette position a été reprise et précisée par l'instruction budgétaire et comptable M14 applicable aux communes, qui prévoit que la section de fonctionnement comporte un tableau des crédits de subventions par bénéficiaire ou groupe de bénéficiaires. Lorsque cet état est détaillé par bénéficiaire, il vaut délibération pour l'application du décret n° 83-16 du 13 janvier 1983 codifié à l'article D. 1617-19 du CGCT. Toutefois, des incertitudes juridiques sont apparues quant à l'appréciation du caractère décisoire des délibérations budgétaires prises dans ce cadre, résultant de divergences d'interprétation entre la juridiction administrative et la juridiction financière. Au regard de la jurisprudence administrative, la délibération approuvant le budget prise au vu d'une liste détaillant les subventions par bénéficiaires peut être regardée comme une décision attributive de subventions créatrice de droits (CE, 6 novembre 2002, Mme Soulier, CAA Bordeaux, 15 octobre 2002, Commune de Saint-Jean et TA Montpellier, 3 novembre 2004, communauté d'agglomération de Perpignan contre conseil régional de la région Languedoc-Roussillon). En revanche, par un arrêt récent du 23 septembre 2004, la cour des comptes a dénié à l'annexe obligatoirement jointe au budget le caractère de décision justifiant valablement une dépense de subvention telle qu'elle est visée à la rubrique 71 de la liste des pièces justificatives annexée à l'article D. 1617-19 du CGCT. En l'espèce, la subvention litigieuse faisait l'objet d'un crédit individualisé et elle était inscrite dans la liste des subventions annexée au budget. La Cour précise ainsi « qu'il est de jurisprudence constante que l'inscription de crédits au budget ne saurait constituer une pièce justificative de la dépense et qu'elle était de nature purement évaluative ». Afin de lever toute ambiguïté, le groupe de travail chargé par le comité des finances locales de la simplification de l'instruction budgétaire et comptable M14 a proposé de clarifier les règles relatives au versement des subventions dès 2006 par l'élaboration de nouvelles dispositions législatives. La loi affirmerait ainsi le principe de deux délibérations distinctes pour le versement d'une subvention. La première a pour objet de prévoir l'ouverture des crédits au budget sans individualisation et la seconde d'octroyer la subvention, cette délibération étant la seule créatrice de droits pour le tiers recevant la subvention. Toutefois, la loi affirmerait également la possibilité pour les collectivités locales d'individualiser au budget les subventions non assorties de conditions suspensives d'attribution. Cette individualisation aura pour conséquence juridique que les crédits ainsi individualisés vaudront attribution de la subvention au tiers bénéficiaire, ce qui permettra de mettre fin à l'insécurité juridique actuelle autour de la valeur juridique de la délibération budgétaire pour les subventions. Cette solution alternative présente l'intérêt de ne pas contraindre la collectivité à adopter une seconde délibération pour octroyer la subvention, notamment pour verser des subventions régulières dont le montant est modique et qui ne relèvent pas de conditions de versement particulières.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.