M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème posé par l'attitude des laiteries privées qui abandonnent la collecte avec les producteurs. En effet, on constate de plus en plus fréquemment que certaines laiteries privées procèdent à des arbitrages stratégiques en se recentrant sur la collecte du lait destiné à la fabrication des produits de grande consommation au détriment de celui qui est transformé en produits industriels moins bien valorisés. Ce comportement conduit un certain nombre de producteurs à ne plus être collectés, ce qui génère par voie de conséquence l'existence de « laits flottants ». Bien que ce volume ne représente qu'entre 1 et 2 % du marché national, il engendre de fortes tensions sur les prix. Dans un tel contexte, la mise en place du fond de restructuration, recommandé dans le rapport sur l'avenir de la filière laitière et visant à favoriser la nécessaire adaptation des outils industriels, se devrait d'être effective dans les meilleurs délais. Ne serait-il pas opportun d'envisager, en complément, la création d'une caisse de mutualisation qui permettrait de valoriser ces surplus sur le marché mondial et au prix mondial ? Compte tenu de l'importance que cela représente pour de nombreux producteurs laitiers, il lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre rapidement pour remédier à cette situation.
Des dénonciations de contrats de collecte par certaines laiteries ont récemment mis en lumière la fragilité des liens contractuels qui unissent un acheteur de lait et les producteurs qui lui livrent leur lait. Le risque est grand de voir de telles situations se multiplier dans un contexte de saturation des marchés laitiers, augmentant ainsi les volumes de « lait flottant » dont l'effet est particulièrement déstabilisant sur le marché et les prix. Une entreprise est actuellement libre de mettre fin à la relation contractuelle qui la lie aux producteurs qui lui livrent du lait. Au-delà des aspects d'équité, ces dénonciations entraînent des conséquences graves (troubles à l'ordre public, lait flottant, désertification de zones de montagne par exemple) qui justifient l'intervention de l'Etat, selon des modalités qui restent à définir en concertation avec les organisations professionnelles du secteur. Les solutions devront en tout état de cause être compatibles avec le droit de la concurrence d'une part, avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce d'autre part. Or, ni la caisse de péréquation, ni la mise en place d'un double prix ne semblent répondre à cette contrainte si elles se mettent en oeuvre sous l'égide de l'Etat. Une péréquation à l'échelle nationale, imposée de manière obligatoire, serait contraire au droit de la concurrence, car elle constituerait une entente sur les prix, explicitement interdite par les règles de l'organisation commune de marché. La mise en place d'un prix national différencié entre le marché intérieur et l'exportation a été condamnée par un panel de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) relatif à un tel système de double prix pratiqué dans le secteur laitier canadien. Il en irait autrement si ces dispositifs étaient institués sur une base volontaire par les acteurs du secteur laitier eux-mêmes. L'interprofession laitière travaille en ce sens, dans le cadre des groupes de travail animés par le médiateur Jean-Daniel Bénard, récemment nommé. La mise en place d'un fonds de restructuration, recommandée par le programme stratégique pour la filière laitière, semble en revanche plus prometteuse.
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