M. Philippe Adnot attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'importance du phénomène des morts subites (40.000 par an en France), notamment celles survenant sur les terrains de sports.
A cet égard, le taux de survie à ce type d'accident cardiaque en France s'établirait à environ 2 % alors qu'il est supérieur à 20 % dans certaines villes des Etats-Unis ayant mis en place des politiques ciblées dans ce domaine.
Il apparaît, en particulier, que les chances de survie sont améliorées si un massage cardiaque est prodigué à la victime dès la survenance de l'arrêt cardiaque par un témoin, par exemple un coéquipier ou un arbitre dans le cas des morts subites constatées sur un terrain de sport, et ce, en attendant l'arrivée des secours.
Ces témoins hésitent cependant parfois à intervenir, craignant que leur responsabilité puisse être recherchée en cas d'échec du massage cardiaque et de décès de la victime.
Il souhaiterait qu'il lui précise à quelles conditions la responsabilité de ces témoins ayant tenté d'améliorer les chances de survie de la victime pourrait être recherchée.
Le garde des sceaux fait connaître à l'honorable parlementaire, sous réserve de l'appréciation souveraine des magistrats, les éléments d'analyse suivants. Il désire faire valoir que la responsabilité pénale d'un témoin qui déciderait de porter secours à une personne en péril ne pourrait être éventuellement recherchée, des chefs de blessures ou d'homicides involontaires, que sur le fondement de l'article 121-3, alinéa 2, du code pénal aux termes duquel « il y a également délit (...) en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ces fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Ainsi, un témoin qui accomplirait, pour porter secours à une personne en péril, « des diligences normales compte tenu de ses compétences » ne serait pas susceptible d'être pénalement poursuivi à raison de son action. En revanche, celui qui s'abstiendrait d'agir en ce sens pourrait voir sa responsabilité pénale engagée du chef d'omission de porter secours, délit prévu et réprimé par l'article 223-6 du code pénal. L'existence de cette qualification pénale ne doit cependant pas être regardée comme obligeant toute personne, témoin d'un accident cardiaque, à pratiquer des soins tels qu'un massage cardiaque. En effet « l'article [223-6 du code pénal, tel qu'interprété par les juridictions] réprime un manquement à un devoir d'humanité, l'omission de porter secours est indépendante de l'état physiologique de la victime et de son évolution fatale ; l'infraction n'est pas de ne pas avoir sauvé la vie de quelqu'un, mais de ne pas lui avoir prêté une aide ou une assistance sans que l'intervention soit subordonnée à l'efficacité des secours » (Nancy, 27 octobre 1965 : D. 1966. 30 note Lorentz). L'infraction d'omission de porter secours n'a donc pas pour objet de sanctionner le non-respect d'une obligation de résultat mais plutôt celle d'une obligation de moyens dont la mise en oeuvre s'apprécie en tenant compte des circonstances de l'espèce et des compétences dont disposait la personne. En conclusion, le garde des sceaux estime devoir souligner que le droit pénal ne doit pas être considéré comme un obstacle à l'action de ceux qui sont mus par un élan de responsabilité et de solidarité, alors même qu'il sanctionne ceux qui font preuve d'inconscience ou de lâcheté, mais bien comme visant à réprimer les inactions coupables.
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