Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sur les problèmes suscités par l'expertise osseuse, effectuée sur les enfants étrangers arrivant sur le territoire français et placés en zone d'attente afin de déterminer leur âge.
Aujourd'hui, la suspicion quant à la minorité de ces enfants est généralisée, dans le seul but de nier les droits auxquels tout enfant étranger a droit lorsqu'il arrive en France.
Ainsi, l'administration fait pratiquer des examens médicaux, fondés en partie sur l'expertise osseuse, dont tous les spécialistes s'accordent à dire qu'elle est dépassée.
Le Comité national consultatif d'éthique a pour sa part rendu un avis très négatif, le 23 juin 2005, sur cette méthode de détermination de l'âge. En effet, la méthode d'évaluation de l'âge la plus couramment utilisée se fonde sur la radiographie de la main et du poignet gauche par comparaison avec des clichés de référence, répertoriés dans l'atlas de Greulich et Pyle. Or, ces clichés de référence datent des années 1930 et sont issus d'une population américaine « d'origine caucasienne ».
La finalité initiale de ces clichés n'a jamais été juridique mais purement médicale. De telles références recèlent, en outre, un risque d'erreur majeur : le développement osseux d'enfants non caucasiens peut être hétérogène par rapport à ces références anglo-saxonnes remontant à plus d'un demi-siècle. De ce fait, les résultats obtenus d'après cette expertise osseuse ne sont pas fiables et présentent une marge d'erreur d'environ 18 mois, amplifiée dans le cas d'enfants ayant connu la malnutrition ou la famine. Le Comité national consultatif d'éthique en conclut donc qu'« il est particulièrement inquiétant [...] de voir pratiquer, à des fins judiciaires des examens dont la signification et la validité, par rapport à l'objet même de la demande d'expertise, n'ont pas été évalués depuis plus de cinquante ans. »
Ce constat avait d'ailleurs été anticipé par Madame Marie-Thérèse Hermange, dans son rapport du 1er mars 2005 sur la sécurité des mineurs. Celle-ci préconisait en effet d'améliorer les examens médicaux et notamment la méthode d'expertise osseuse.
Pourtant, l'expertise osseuse continue non seulement d'être effectuée et mais elle est surtout privilégiée par rapport aux documents d'identité que pourraient posséder les mineurs, ce qui est contraire à l'article 47 du code civil.
Dans ces conditions, ne serait-il pas nécessaire d'interdire l'usage de cet examen sur les mineurs en zone d'attente ? S'il s'avère nécessaire de déterminer l'âge, apparemment incertain, d'un enfant arrivé en zone d'attente, le doute ne devrait-il pas profiter à celui qui se déclare mineur ?
L'avis en date du 23 juin 2005 rendu par le Comité consultatif national d'éthique et auquel l'honorable parlementaire fait référence souligne que les méthodes existant pour déterminer l'âge des mineurs ou des personnes se prétendant mineures « n'apportent pas les informations scientifiques précises qu'impose l'application des textes ». Dans le même temps, le Comité, dans l'avis précité, met aussi en exergue la difficulté pour élaborer d'autres méthodes. Le Comité préconise qu'une recherche soit entreprise pour « tenter de savoir si l'élaboration de critères basés sur des indices aussi bien physiologiques, biologiques que de nature psychologique permettant une appréciation la plus fine possible est de l'ordre du possible ». Aussi, malgré leurs limites, les méthodes utilisées restent les seules dont disposent les services compétents et les tribunaux pour apprécier l'âge d'une personne mineure ou se disant mineure. En tout état de cause, la circonstance selon laquelle un étranger se présentant à la frontière démuni des documents d'identité ou de voyage et, le cas échéant, du visa requis est mineur n'emporte aucune conséquence, indépendamment de la fiabilité des examens osseux, sur la mesure de non-admission à pénétrer sur le territoire français qui lui est opposée. En d'autres termes, un étranger mineur ne dispose d'aucun droit à ce titre, qu'il soit ou non accompagné par un adulte investi de l'autorité parentale. La minorité d'un étranger voyageant seul et interpellé à l'occasion d'une tentative de franchissement irrégulier de la frontière conduit seulement à la désignation d'un administrateur ad hoc par le procureur de la République territorialement compétent. Par ailleurs, dès lors qu'une mesure de réacheminement d'un mineur isolé est envisagée, l'officier de liaison du service de coopération internationale de police en poste dans le pays de renvoi s'assure de la présence de membres de la famille ou de proches de l'étranger mineur à même de l'accueillir à son arrivée à l'aéroport.
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