M. Roland Courteau souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les modalités d'introduction de l'action de groupe, en droit français. En l'état actuel du droit, l'action commune ne peut être qu'une juxtaposition d'actions individuelles avec mandats, procédure inadaptée aux évolutions économiques. La configuration de certains marchés, comme celui de la téléphonie mobile, induit que le nombre de consommateurs directement affectés par des pratiques abusives peut atteindre des dizaines de millions. Le groupe de travail mis en place par le Gouvernement, conformément au voeu présidentiel, afin de proposer des pistes de réforme s'agissant de cette nouvelle forme d'action de groupe, doit rendre prochainement ses conclusions. D'après les informations dont la presse se fait l'écho, aucun arbitrage n'interviendrait entre les formes envisageables, l'« opting in » ou l'« opting out ». Les avis convergent cependant pour souligner que seule l'introduction de l'« opting out » permettrait un réel accès des victimes à la justice garantissant une protection et une réparation effective de l'ensemble des consommateurs lésés par des pratiques abusives ou illicites des professionnels. En effet, l'« opting in », option d'inclusion, qui implique que les personnes concernées se fassent connaître et manifestent expressément leur volonté d'intégrer le groupe, laisse en marge tous ceux qui renoncent à agir par crainte ou, plus simplement, par manque d'information. Ce mécanisme est par ailleurs ingérable pour les avocats et les tribunaux lorsque le nombre de victimes est important. L'« opting out », option d'exclusion, permet d'englober l'ensemble des victimes. Une seule personne agit pour le compte du groupe et saisit seule le tribunal. Les membres du groupe ne se font connaître qu'à l'issue de la procédure sans encombrer les juridictions de leurs demandes individuelles et ont la possibilité à tout moment de s'exclure de la procédure et d'engager une action individuelle. Par ailleurs, loin de la « judiciarisation » ou de l'« américanisation » de notre droit, l'« opting out » présente un caractère dissuasif et son encadrement législatif permet d'allier efficience et protection contre les procédures abusives ou illicites comme l'atteste fort bien l'exemple canadien. Le 10 novembre, dans le cadre du colloque organisé par l'UFC-Que choisir, qui milite depuis longtemps en faveur d'une action de groupe, le président de la Cour de cassation a admis que l'introduction de l'« opting out » dans notre droit, bien que délicate, n'était pas impensable, position partagée par de nombreux professeurs de droit qui ajoutaient que cette option d'exclusion était la seule permettant au principe constitutionnel de l'accès au droit et au juge de ne pas rester lettre morte. Il lui demande, en conséquence, les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de respecter les engagements présidentiels et d'intégrer dans notre droit cette option d'exclusion, seule garante de la protection effective des consommateurs.
Au début de l'année 2005, le Président de la République a demandé au Gouvernement de proposer une modification de la législation pour permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations d'intenter des actions collectives contre les pratiques abusives observées sur certains marchés. Un groupe de travail ad hoc de dix-sept membres a été mis en place à cette fin en avril dernier. Ce groupe, placé sous la coprésidence du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et du directeur des affaires civiles et du sceau, rassemblait des personnalités émanant de certaines associations de consommateurs, du milieu des entreprises et des professions juridiques et judiciaires. Ce groupe a remis son rapport le 16 décembre dernier au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au garde des sceaux, ministre de la justice. Ce document analyse les systèmes juridiques étrangers où existe déjà l'action de groupe et dresse un bilan des différentes formes d'action en justice actuellement ouvertes aux associations de consommateurs. Il identifie différentes voies de progrès envisageables tout en mentionnant qu'aucune ne recueille l'adhésion de l'ensemble de ses membres. Le sujet considéré représente des enjeux importants, tant pour les consommateurs, les entreprises, petites ou grandes, que pour les professionnels du droit et le système judiciaire français. Le Gouvernement a donc décidé de rendre publics les résultats de ce travail en rendant le rapport disponible sur les sites internet des deux ministères. A l'issue d'une phase de consultation ouverte jusqu'au 1er mars 2006 qui doit permettre aux acteurs directement concernés de faire valoir leur point de vue, le Gouvernement présentera ses propositions, en conciliant les exigences de protection des consommateurs, de la compétitivité des entreprises et le respect des principes fondamentaux de notre droit.
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