M. Georges Mouly attire l'attention de M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes sur les prises de position de certains élus territoriaux-conseillers généraux ou régionaux, voire présidents de conseils généraux ou régionaux - face aux CNE (contrats nouvelle embauche) ou CPE (contrats premier emploi). Certains d'entre-eux, en effet, annoncent que, dans les offres de marchés publics, figurera désormais une clause de « mieux-disant social » permettant à la commission d'appel d'offres de ne pas retenir les entreprises qui auraient recours aux CNE ou CPE, puisque considérés a priori, par lesdits élus, comme facteurs de précarité. Or, si l'on se réfère aux termes des circulaires des 29 décembre 1993 et 14 décembre 1995, ainsi qu'à l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 mars 1996, la clause, dite « du mieux-disant social », peut et doit être prise en compte prioritairement lorsque telle ou telle entreprise mène des actions d'insertion professionnelle en faveur des personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi. Considérant de ce fait que les CNE et CPE ont précisément pour mission de répondre à cette attente, il le remercie en conséquence de bien vouloir lui préciser quelles suites seraient réservées à l'éventuelle volonté de mise en application du rejet de toute entreprise recourant aux CNE et CPE par telle ou telle collectivité.
Le code des marchés publics, issu du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 modifié permet aux acteurs de la commande publique d'intégrer dans leur processus d'achat des préoccupations sociales à chaque stade d'une procédure de passation d'un marché public et lors de son exécution. Lors de la sélection des offres, les acheteurs peuvent prendre en compte divers critères variables en fonction du marché en cause pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, au titre desquels figurent les critères sociaux, tel que le critère de « performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté ». Toutefois, l'introduction de préoccupations sociales ne doit pas dénaturer ou contrarier les principes fondamentaux qui régissent la commande publique, que sont la liberté d'accès des opérateurs économiques, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. Le code a avant tout pour objet d'instaurer des conditions de mise en concurrence propres à garantir l'accès de tous les prestataires potentiels aux marchés publics. En conséquence, la possibilité offerte aux acheteurs de se fonder sur des critères à caractère social pour sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse est impérativement soumise au respect de quatre conditions : ces critères doivent être liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, ils ne doivent pas conférer à l'acheteur une liberté inconditionnée de choix, ils doivent respecter les principes fondamentaux du droit, de la commande publique, notamment celui de non-discrimination, enfin l'avis de publicité ou le règlement de la consultation doivent les mentionner. Les critères sociaux choisis doivent ainsi permettre d'évaluer la qualité des prestations et non pas permettre l'exclusion arbitrairement de certaines offres. L'acheteur doit donc être capable de justifier la pertinence de ses critères pour le choix des offres. L'utilisation du critère des « performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté », pour exclure les entreprises ayant recours au CNE (contrat nouvelle embauche) des marchés publics est ainsi de nature à fonder une action précontentieuse ou contentieuse pouvant aboutir à l'arrêt de la procédure de passation d'un marché ou à l'annulation d'un marché déjà signé. A cet égard, il convient de noter que, suite au déféré du Préfet de la Gironde, le tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l'exécution de la délibération du conseil municipal de la commune de Bègles, prise le 6 avril dernier, par la mairie de Bègles dans le but d'exclure de ses marchés publics les entreprises qui avaient recours au contrat nouvelle embauche (CNE). En effet, le tribunal administratif a considéré que la non-conformité de la délibération litigieuse au Code des marchés publics, notamment en son article 53, et l'atteinte portée par cette délibération aux principes de libre concurrence et d'égal accès aux candidats de la commande publique, étaient, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'acte litigieux. De même, il a jugé que la commune était incompétente pour décider de mesures qui ont pour objet ou pour effet de faire échec, sur son territoire, à l'application de mesures de nature législative. (cf Tribunal administratif de Bordeaux, ordonnance du 15 juin 2006, n° 0602049 « Préfet de la Gironde contre commune de Bègles »). Il convient enfin de préciser que de telles exclusions pourraient être invoquées à l'appui de plaintes déposées sur le fondement de l'article 432-14 du code pénal pour octroi d'avantage injustifié.
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