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Jacques Siffre
Question écrite N° 24416 au Ministère de la justice


Situation explosive dans les établissements pénitentiaires

Question soumise le 14 septembre 2006

M. Jacques Siffre attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation explosive dans les établissements pénitentiaires. De nombreux rapports, tel que, tout récemment, celui du commissaire européen aux droits de l'homme, publié le 15 février 2006, sont alarmants et appellent à une transformation des prisons françaises. Il coexiste en effet dans les établissements pénitentiaires des prévenus et des condamnés, différentes catégories de délinquants, ce qui conduit à des situations criminogènes et à de fortes tensions qui mettent notamment en péril la sécurité du personnel pénitentiaire. Aujourd'hui, le taux d'occupation moyen est de 140 %, et dans certaines prisons ce taux dépasse les 200 %, tandis que pour l'année 2005 le nombre de suicides a dépassé la centaine. Les placements en détention provisoire dans le cadre d'une information judiciaire ont considérablement augmenté, au mépris des objectifs fixés par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin de remédier à cette situation.

Réponse émise le 21 décembre 2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, informe l'honorable parlementaire qu'il partage sa préoccupation quant aux conséquences de la surpopulation des établissements pénitentiaires au regard des conditions de travail des personnels pénitentiaires et des conditions de détention des personnes détenues. Toutefois, il convient de préciser qu'au 1er octobre 2006 moins d'un tiers des personnes détenues sont hébergées en surnombre. Naturellement cette situation n'est pas satisfaisante. Mais on observe, d'une part, qu'en 2006 le nombre de détenus a diminué de près de 1 000 unités, grâce à une baisse très forte du nombre de détentions provisoires et d'autre part, que la France connaît l'une des densités de détenus la plus faible d'Europe. Depuis le vote de la loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) du 9 septembre 2002, un effort sans précédent de construction de nouveaux établissements pénitentiaires a été entrepris afin de supprimer le surencombrement que connaissent certains établissements et offrir des conditions d'hébergement décentes et respectueuses de la dignité des personnes. Les futures infrastructures construites dans ce cadre ont des vocations très variées, établissements pour mineurs, maisons centrales ou 2 000 places créées dans des quartiers pour courtes peines axés sur un suivi individualisé permettant de préparer la sortie du détenu et de réduire le risque de récidive. Cette complémentarité voulue montre bien que le ministère de la justice a largement pris en compte, dans ses nouveaux programmes pénitentiaires, la diversité des publics qui lui sont confiés. Cette politique permet de ne pas mélanger les détenus profondément ancrés dans la délinquance avec ceux ayant commis des actes délictueux moins graves, et souvent incarcérés pour la première fois. Ces investissements permettront de disposer à partir de 2008-2009 du nombre de places adapté aux besoins de notre société. L'amélioration des conditions de détention constitue le second axe majeur de la LOPJ. La volonté exprimée à cet égard par le législateur se décline en une série de mesures destinées à améliorer les conditions de détention et à optimiser la prise en charge des détenus, notamment pour leur préparation à la sortie. Le ministre de la justice porte également une grande attention à la prévention du suicide dans les établissements pénitentiaires. Le taux de suicide dans les prisons françaises doit être comparé à celui enregistré sur l'ensemble de la population en France, lequel est l'un des plus élevés d'Europe et constitue la première cause de mortalité entre 25 et 34 ans. Si, comme dans d'autres pays occidentaux, les suicides sont plus nombreux en prison, il est important de noter que la France se classe dans la moyenne des pays européens. Les suicides des personnes détenues représentent un peu moins de 1 % de l'ensemble des suicides. Au-delà de ces constats, force est de souligner que l'efficacité des réponses apportées dans le cadre de la politique de prévention du suicide en prison ne saurait se mesurer à l'aune de la seule statistique du nombre de suicides, ces données chiffrées ne rendant aucunement compte des passages à l'acte suicidaire qui ont pu être évités grâce au travail accompli par l'ensemble des acteurs en milieu carcéral. Ce travail concerne non seulement les personnels des services pénitentiaires mais aussi les personnels sanitaires. A la suite des préconisations formulées dans un rapport par M. le professeur Jean-Louis Terra en 2003, la prévention du suicide a été renforcée autour de trois grands axes de travail. Le premier axe porte sur la formation au repérage du risque suicidaire, tant en formation initiale qu'en formation continue ; à la fin 2006, quelque 5 000 agents auront bénéficié de ces formations. Le deuxième axe, relatif à la mise en place d'un système de détection et au déploiement de plans de prévention, doit faciliter pour chaque établissement pénitentiaire la mise en oeuvre des méthodes d'évaluation du risque suicidaire individuel présenté par les personnes détenues. Enfin, des actions nationales ont été entreprises depuis 2004. Le cahier des charges des nouveaux établissements pénitentiaires intègre les préconisations relatives à la réduction des moyens d'accès au suicide dans les cellules. Ce dispositif fait l'objet d'une évaluation pilotée notamment par le professeur Terra et dont découleront de nouvelles mesures pour la fin de l'année. Enfin, la LOPJ prévoit la création d'unités hospitalières psychiatriques sécurisées (UHSA) en établissement de santé pour permettre la prise en charge des détenus dont les facultés mentales sont altérées. Ces nouvelles unités, dont les premières devraient ouvrir en 2008, sont au carrefour de deux impératifs, l'humanisation, avec une prise en charge adaptée sur le plan médical, et la sécurité, afin d'éviter les évasions de détenus depuis les hôpitaux psychiatriques.

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