M. Roland Courteau attire l'attention de M. le Premier ministre sur une récente étude d'un chercheur de l'INSERM, mettant en évidence le lien entre le taux de cancer de la thyroïde en Polynésie et l'exposition aux radiations.
Selon son auteur, « cette étude montre que les essais nucléaires réalisés par la France ont très probablement accru le nombre de cancers de la thyroïde, mais ceci de manière très limitée… »
Il tient d'abord à lui faire remarquer, qu'au-delà du légitime émoi soulevé par cette annonce auprès des populations concernées, l'on ne peut que s'étonner qu'il ait fallu attendre, plus de trente ans, après la fin des essais nucléaires aériens, pour que l'on s'inquiéte réellement, de leur incidence sur la santé de ces populations ; et que de surcroît, cette étude épidémiologique ait été diligentée non, par un organisme officiel, mais par l'Association pour la recherche sur le cancer.
De plus, et dans le but de donner précisément le nombre de cancers liés aux essais nucléaires, il conviendrait, également, de permettre aux chercheurs d'avoir accès à différents rapports du service mixte de sécurité radiologique (SMSR)...
L'accès à ces données permettrait, en effet, une estimation fiable du nombre de cancers de la thyroïde liés aux essais nucléaires.
Il lui demande donc, d'une part, si dans cet objectif, il entend déclassifier lesdits rapports, afin de mieux quantifier le risque de cancer thyroïdien, lié à ces essais, durant la période étudiée.
Il l'interroge également sur sa réponse (JO Sénat du 6.11.2003) à l'une de ses questions écrites du 18.09.2003, par laquelle, il précisait, lui-même, que les résultats d'une précédente étude de l'INSERM, sur les personnels ayant été affectés en Polynésie, « ne montrent pas de répartition particulière, pouvant être liée à l'exploitation du Centre d'Expérimentation du Pacifique ».
Il lui demande donc, si, à la lumière de la nouvelle et récente étude, il n'estime pas, nécessaire de faire porter les recherches également sur les personnes ayant travaillé sur les sites.
Le ministre délégué aux anciens combattants tient tout d'abord à préciser à l'honorable parlementaire que le suivi sanitaire des essais nucléaires français fait l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics. C'est ainsi qu'à l'initiative du Président de la République, les ministres en charge de la santé et de la défense ont confié, le 15 janvier 2004, au directeur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR) et au délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), le pilotage conjoint d'un comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français (CSSEN), effectués au Sahara et en Polynésie française. Ce comité est composé de représentants des ministres en charge de la défense et de la santé, des instituts et agences concernés (Institut national de veille sanitaire, centre international de recherche sur le cancer, Centre national de la recherche scientifique...), des responsables de la défense et du commissariat à l'énergie atomique (CEA) en charge des essais nucléaires, qui peuvent s'entourer en tant que de besoin des personnes qu'ils jugent utiles. Il est ouvert, en effet, à toutes les contributions y compris d'ordre scientifique sur les conséquences éventuelles des essais nucléaires vis-à-vis de la population. Il a notamment pour mandat de définir et de décrire les pathologies susceptibles d'être radio-induites, de caractériser les catégories de personnes concernées par le suivi des essais nucléaires français et de dresser le bilan des données disponibles sur les expositions aux rayonnements ionisants durant les essais en cause. Dans ce cadre, il réexamine tous les travaux et études relatifs aux éventuelles conséquences sanitaires de ces essais. Un premier rapport d'étape a été rendu public en avril 2005. Il est consultable sur le site internet de l'Autorité de sûreté nucléaire : www.asn.gouv.fr. Le CSSEN adressera prochainement ses premières recommandations au Gouvernement, et le ministère de la défense et le commissariat à l'énergie atomique publieront un ouvrage sur l'ensemble des essais nucléaires français dans le Pacifique et leurs conséquences radiologiques. S'agissant de l'étude épidémiologique sur les facteurs de risque du cancer de la thyroïde en Polynésie française, effectuée récemment par M. Florent de Vathaire, directeur de l'unité 605 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, il doit être précisé que ce chercheur fait état, dans une correspondance adressée le 17 juillet 2006 au délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense et à M. Oscar Temaru, Président de la Polynésie française, de la mise en évidence d'une « relation statistiquement significative entre la dose totale de radiation reçue à la thyroïde du fait des essais nucléaires atmosphériques réalisés par la France en Polynésie française et le risque ultérieur de cancer de la thyroïde diagnostiqué entre 1985 et 2002 ». L'exploitation politique des déclarations de M. Florent de Vathaire a été de nature à semer le trouble dans les esprits et à discréditer les travaux du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense. La ministre de la défense a donc saisi, dès le début du mois de septembre, les académies des sciences et de médecine pour qu'elles émettent un avis scientifique et motivé sur les travaux de M. de Vathaire. Ces conclusions seront bien évidemment prises en compte par le CSSEN. D'ores et déjà, le ministère de la défense a proposé au Gouvernement du territoire trois mesures concrètes à destination des populations du « triangle » Mururoa, Mangareva et Tureia, ayant été exposées aux retombées les plus significatives survenues dans ce secteur géographique. Il s'agit, en premier lieu, d'établir un bilan de santé initial à conduire dans un partenariat entre l'Institut national de veille sanitaire (InVS) et le ministère de la santé de la Polynésie française, puis de mettre en place un suivi médical annuel ou biannuel en recourrant aux moyens de transport logistique des armées en Polynésie française. Enfin, une étude épidémiologique sera réalisée en partenariat avec l'InVS. Dans ce cadre, la ministre de la défense a accepté que les experts, dûment habilités, chargés de conduire les études épidémiologiques, puissent consulter les archives du service mixte de sécurité radiologique (SMSR) et du service mixte de contrôle biologique (SMCB). Enfin, l'observatoire de la santé des vétérans, rattaché à la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale du département ministériel, diligentera, à partir de 2007, une étude de santé concernant les vétérans des essais nucléaires ayant travaillé au centre d'expérimentation du Pacifique.
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