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Jean-Marc Pastor
Question écrite N° 24774 au Premier Ministre


Sécurité juridique et complexité du droit

Question soumise le 12 octobre 2006

M. Jean-Marc Pastor appelle l'attention de M. le Premier ministre sur la sécurité juridique et la complexité du droit. « Malgré la détermination politique affichée par les circulaires successives des Premiers ministres appelant, depuis trois décennies, à l'évaluation rigoureuse, ex ante, des réformes législatives et à un effort de sobriété, et malgré les observations sans cesse réitérées du Conseil d'Etat, les trente dernières années se caractérisent par une accélération du rythme normatif, sous le regard désabusé du citoyen, et résigné de la doctrine ainsi que des praticiens. » Ce constat figurant dans le dernier rapport du Conseil d'Etat, s'appuyant sur l'analyse rigoureuse dont le Premier ministre a pu prendre connaissance, devrait donner matière à réflexion et à l'action au plus haut niveau de l'Etat. Les effets de ce phénomène sont en tout cas loin d'être neutres, notamment pour le législateur, à la fois contraint, submergé et contourné. La complexité du droit est un phénomène connu de la plupart des pays développés mais il existe des facteurs pathogènes parmi lesquels la haute juridiction identifie la gesticulation médiatique et la précipitation du politique. Dans la mesure où les exigences de sécurité juridique et d'efficacité économique rendent nécessaire l'élimination des dérives qui disqualifient la loi et le législateur, et menacent la cohésion sociale, le Conseil d'Etat affirme qu'il faut remédier aux désordres constatés pour, d'une part, concilier l'impératif d'innovation ou d'adaptation et, d'autre part, la stabilité, la prévisibilité et le consensus minimum indispensables à la sécurité juridique ainsi qu'à l'efficacité de toute réforme. Devant ce que les hauts magistrats administratifs qualifient d'obligation de résultat, à peine de paralysie des institutions et de la société, il lui demande comment et quand il envisage de suivre leurs recommandations en simplifiant la procédure législative, renforçant le rôle du Parlement dans l'évaluation des politiques normatives, organisant un nouveau rapport du législateur au citoyen via une meilleure information sur les réformes en préparation et les modalités d'application des lois, un accès au droit plus sûr. Il l'interroge également afin de connaître son sentiment sur l'usage de la voie constitutionnelle pour énoncer solennellement une volonté qui, sinon, restera voeu pieux et lettre morte.

Réponse émise le 15 février 2007

Il entre parmi les devoirs de l'Etat envers les citoyens de veiller à la sécurité juridique et à la qualité du droit. La recherche de l'efficacité économique ne se conçoit pas sans prise en compte de ces exigences. Le constat des dérives de la production normative que dresse le rapport public 2006 du Conseil d'Etat rejoint un diagnostic que le Président de la République, les présidents des assemblées et le président du Conseil constitutionnel ont publiquement exposé au cours des dernières années. Le défi que constitue la lutte contre l'inflation normative et la dégradation de la qualité de la norme appelle, pour une part, une action concertée à l'échelle internationale et plus particulièrement dans le cadre communautaire. Dans le cadre national, le Gouvernement a entrepris de le relever de plusieurs manières. Il rend publics sur le site Internet Légifrance des indicateurs de l'évolution du volume des textes actualisés à un rythme trimestriel. Un réseau interministériel de hauts fonctionnaires chargés de la qualité de la réglementation est animé depuis 2003 par le secrétariat général du Gouvernement. L'un des objectifs assignés à ce réseau est de veiller à l'application des lois, de même qu'en liaison avec le secrétariat général des affaires européennes, il doit veiller à la transposition des directives. Sur ces deux terrains, des améliorations tangibles sont aujourd'hui perceptibles, contribuant au renforcement de la sécurité juridique. Cette action quotidienne se double d'actions de moyen et de long terme. Le Gouvernement déploie ainsi un vaste programme de simplification du droit. Afin de favoriser l'intégration des préoccupations de qualité du droit dès le stade de la conception de la norme, le secrétariat général du Gouvernement promeut, en concertation avec le Conseil d'Etat, un guide pour l'élaboration des textes législatifs et réglementaires dont le succès est avéré. Afin de mieux ancrer la pratique des évaluations préalables à l'élaboration des réformes les plus significatives, instruction a été donnée aux ministères d'accompagner tout avant-projet de loi d'une étude d'impact. Par la modernisation du dialogue social, il entend permettre une meilleure association des partenaires sociaux aux réformes qui les concerne. Enfin, sur la base du rapport public de 2006 du Conseil d'Etat, le Gouvernement a mené une réflexion circonstanciée sur les modalités des réformes d'ordre institutionnel ou constitutionnel que pourrait justifier l'objectif d'amélioration de la qualité du droit. Un rapport recensant différentes options de réforme et leurs incidences prévisibles a été rendu public, notamment sur le site Internet de la Documentation française et sur Légifrance, de manière à nourrir une réflexion à laquelle ont leur part tant le Gouvernement que le Parlement et la société civile.

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