M. Georges Mouly attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les réserves que suscite, dans le cadre de l'application de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 relative à l'actionnariat salarié, le projet de décret concernant l'indemnisation des conseillers prud'hommes. Selon ces derniers, en effet, limiter à trois heures le temps qui leur serait imparti pour rédiger un jugement ne constitue pas un délai suffisant pour maintenir la qualité des décisions rendues et, de ce fait, risque d'engorger les cours d'appel. Il le remercie donc de bien vouloir lui faire savoir de quelle manière il est encore possible de donner satisfaction aux conseillers prud'hommes.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le régime juridique de l'indemnisation des conseillers prud'hommes reposait sur des textes anciens dont l'interprétation a conduit à des pratiques hétérogènes sur l'ensemble du territoire et à une évolution des dépenses difficilement maîtrisable. Plusieurs missions ont abordé les difficultés soulevées par le régime actuellement applicable à l'indemnisation des conseillers prud'hommes. Ainsi le procureur général honoraire Henri Desclaux dans un rapport du 5 octobre 2005 a mis en exergue des durées moyennes résultant de rencontres et d'échanges avec toutes les parties prenantes à l'activité des conseils de prud'hommes. Dans le prolongement de ce rapport, qui a été bien accueilli par les organisations syndicales, les dispositions législatives correspondantes, qui avaient été insérées dans la loi relative au développement de la participation et de l'actionnariat salarié, ont été promulguées le 31 décembre dernier après la reconnaissance de leur validité par le Conseil constitutionnel. Il appartient maintenant au Gouvernement de prendre les modalités d'application de ces dispositions. Deux projets de décret, l'un en Conseil d'Etat et l'autre simple, ont été rédigés et soumis à la concertation. Ils prévoient un système d'indemnisation reposant sur l'activité réelle des conseillers en matière de temps de rédaction des décisions. Le projet de décret qui s'est appuyé sur le rapport précité pour déterminer les durées moyennes de rédaction des décisions rendues par les conseillers prud'hommes (trente minutes pour un procès-verbal, une heure pour une ordonnance et trois heures pour un jugement) précise néanmoins qu'un dépassement de ces durées est possible lorsque la complexité du dossier, le nombre de parties à l'audience et la multiplicité des chefs de demande le justifient. Ainsi il a été tenu compte des observations formulées par les partenaires sociaux à l'occasion du Conseil supérieur de la prud'homie du 5 mai 2006, et le caractère « exceptionnel » des dépassements a été supprimé. Sauf à ne pas résoudre les difficultés mises en évidence par le rapport Desclaux, le projet de décret privilégie la seule solution juridiquement incontestable qui est de confier à la formation de jugement la détermination du temps de rédaction lorsque les temps communément nécessaires sont insuffisants. Dès lors, deux modes d'indemnisation se superposent selon le temps de rédaction nécessaire : un mode déclaratif reposant sur le seul conseiller rédacteur jusqu'à un certain seuil ; un mode délibératif reposant sur la formation de jugement au-delà de ce seuil. Par ailleurs, outre la question des durées de rédaction, les projets de textes réglementaires permettent l'indemnisation d'un plus grand nombre d'activités, autorisent la rédaction des décisions à l'extérieur des conseils de prud'hommes, augmentent de 15 % le taux de vacation et améliorent la prise en charge des frais de déplacements. Cependant, malgré la concertation qui a eu lieu et les importantes modifications qui en ont résulté, ces textes d'application suscitent encore des réactions d'incompréhension et de doute, en particulier sur la capacité des formations de jugement à s'entendre pour autoriser les dépassements justifiés par la complexité de certaines affaires. Aussi, les deux ministres concernés se sont accordés pour demander au directeur général du travail et au directeur des services judiciaires de poursuivre la réflexion avec le Conseil supérieur de la prud'homie et proposer des solutions pour que la réforme soit effective rapidement.
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