M. Jean-Paul Émin appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sur l'impossibilité pour les communes ou les établissements publics bénéficiaires du droit de préemption urbain de l'exercer efficacement.
L'interprétation parfois trop rigoureuse des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme tend à exiger fréquemment que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain justifient de l'existence, à la date à laquelle elles l'exercent, d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement suffisamment certain et élaboré.
Les juridictions exigent ainsi que le projet en question soit précisément défini dans la décision de préemption.
Dans la plupart des cas, cette rigueur d'interprétation empêche les collectivités publiques à la recherche de sites susceptibles d'accueillir des équipement publics indispensables au service des usagers de se porter acquéreurs de biens faisant l'objet de déclaration d'intention d'aliéner.
Faute de connaître en effet suffisamment à l'avance l'intention d'un propriétaire de céder son tènement soumis au droit de préemption urbain, la collectivité publique se trouve dans l'impossibilité de justifier au moment de la préemption d'un projet suffisamment précis, c'est-à-dire inadapté au bien en question dont on ne pouvait par avance imaginer la cession.
Il lui demande quels sont, dans ces conditions, les moyens dont disposent les collectivités publiques concernées pour démontrer qu'à la date de l'exercice de leur droit de préemption, elles disposaient bien d'un projet suffisamment précis et certain par application de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme?
Les collectivités locales peuvent acquérir par voie de préemption des biens fonciers ou immobiliers pour permettre la réalisation, dans l'intérêt général, d'actions ou d'opérations d'aménagement. Ces actions ou opérations doivent avoir pour objet de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti. Lorsqu'une collectivité locale exerce un droit de préemption, elle doit motiver de manière effective sa décision. Pour cela, elle doit mentionner précisément l'objet pour lequel le droit est exercé, c'est-à-dire qu'elle doit viser une des opérations ou actions d'aménagement citées précédemment, mais elle doit aussi en détailler le but poursuivi en justifiant, à la date de la décision de préemption, de l'existence de projets ou d'actions d'aménagement suffisamment précis et certains. Il ressort de nombreux arrêts du Conseil d'État que le non-respect de ces obligations entache d'illégalité l'exercice du droit de préemption. L'obligation de mentionner l'objet pour lequel la préemption s'exerce ne pose pas de difficulté d'interprétation au titulaire du droit de préemption dans la mesure où les actions ou opérations d'aménagement à viser sont précisées à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. En revanche, la motivation par référence à l'existence d'un projet oblige la collectivité locale à définir de manière très précise celui-ci. La collectivité doit justifier, avant toute chose, qu'une action ou une opération d'aménagement, suffisamment précise et certaine, préexistait à la préemption et que ce n'est pas l'opportunité d'acquérir le bien qui génère le projet. Pour ce faire, elle doit faire référence, dans la décision de préemption, par exemple, à une précédente délibération approuvant le projet, à une récente étude de faisabilité ou à la signature d'une concession d'aménagement. La décision doit ensuite renvoyer à un projet réel et suffisamment abouti. La décision doit indiquer que le bien acquis permet la mise en oeuvre du programme et répond à des besoins réels, recensés, quantifiés et localisés. La collectivité peut le justifier en faisant référence, dans la décision de préemption, à des études de définition, à des délibérations précédentes ou à des objectifs d'aménagement précis et localisés dans les documents de planification. La jurisprudence rejette, a contrario, de manière systématique toute motivation trop globale, c'est-à-dire faisant uniquement référence à un schéma de cohérence territorial, à un programme local de l'habitat, à un plan local d'urbanisme ou, plus généralement, à une opération d'aménagement mais sans préciser l'objet exact du projet. Enfin, la décision de préemption doit indiquer que les caractéristiques du bien acquis sont en rapport avec l'opération projetée.
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