M. Yves Krattinger appelle l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les inquiétudes des départements concernant le financement du RMI dans le contexte de la baisse du produit de la TIPP.
Quatre ans après la décentralisation du RMI, l'État n'a toujours pas trouvé les moyens d'assurer la compensation intégrale du transfert de sa gestion aux départements. Alors que les principes budgétaires applicables aux collectivités locales impliquent que cette charge soit financée par une recette permanente d'un montant sensiblement égal, la part de la TIPP attribuée aux départements en compensation (fixée en 2003 à la somme de 4,941 milliards d'euros) ne couvre que 82 % des dépenses engagées au titre du RMI. Assis sur la quantité de carburant consommée et non sur son prix, le produit de la TIPP pâtit directement de la diminution régulière de la consommation de carburant due à la flambée des prix du pétrole et accentuée par les politiques en faveur des transports en commun, la répression accrue des excès de vitesse, la diésélisation du parc automobile et l'apparition de moteurs moins polluants.
Les conséquences pour les collectivités territoriales sont très inquiétantes et la situation est déséquilibrée. Alors que le produit de la TIPP décroît, les allocations de RMI ont été revalorisées par le Gouvernement de façon unilatérale, sans aucune association des exécutifs départementaux. Si le droit à compensation avait été indexé sur le niveau de la prestation, il aurait été plus élevé de 350 millions d'euros au 1er janvier 2007 (soit un droit à compensation théorique de 5 291,7 millions d'euros). Parallèlement, le nombre de bénéficiaires du RMI a cru de près de 200 000 personnes entre décembre 2002 (1,069 million) et juin 2007 (1,19 million), du fait notamment de la réforme de l'assurance chômage qui, en diminuant la période d'indemnisation, a fait basculer nombre de demandeurs d'emploi vers le RMI.
Le problème de la compensation offerte par l'État aux départements demeure donc entier, malgré le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI) porté à 500 millions d'euros pour chaque année entre 2006 et 2008. Aucune amélioration de la part de la TIPP attribuée aux départements n'est envisagée à court terme alors même que le coût du RMI est actuellement supérieur d'un milliard d'euros au produit de la TIPP. Face à cette situation, les conseils généraux disposent de marges de manoeuvre quasi nulles.
Compte tenu du fait que la TIPP ne permettra pas d'assurer à long terme l'équilibre du financement du RMI par les départements, il conviendrait, comme l'a souligné l'Observatoire de la décentralisation dans son rapport d'information du 1er février 2007, que le niveau du droit à compensation soit indexé sur celui de l'allocation et que les exécutifs départementaux soient étroitement associés aux décisions relatives au niveau du RMI et à ses conditions d'attribution.
Il lui demande donc de lui indiquer les dispositions correctives qu'elle entend mettre en oeuvre afin de compenser intégralement les dépenses liées au versement du RMI en prévoyant des recettes propres à régulariser la situation pour 2007 et les années antérieures, mais aussi pour les années à venir.
La loi du 18 décembre 2003 a transféré aux départements, à compter du 1er janvier 2004, le RMI, renforçant ainsi la cohérence d'un dispositif dont la gestion était partagée jusqu'alors entre l'État, au titre de l'allocation, et les départements, au titre de l'insertion. Au plan financier, et en matière de compensation des charges transférées, l'État a respecté ses obligations constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel n'aurait pas manqué de censurer l'action gouvernementale si cette affirmation avait été inexacte. Éclairé par le travail mené par la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC), l'État a transféré avec exactitude le montant correspondant à ses propres dépenses de l'année 2003, soit près de 5 milliards d'euros. Il a veillé à compenser la création du RMA. Les difficultés afférentes au RMI ne sont donc pas liées à un défaut de compensation. Elles résultent d'un effet de ciseau entre les dépenses transférées qui ont augmenté à un rythme élevé et les ressources de TIPP, allouées aux départements en compensation, qui ont crû à un rythme plus faible. Afin de répondre à cet effet de ciseau, le Gouvernement a pris deux mesures exceptionnelles, alors même qu'aucune obligation législative ne s'imposait à lui. En outre cet effet de ciseau est atténué par l'évolution des autres ressources départementales, notamment celle des droits de mutation dont le produit a connu une croissance particulièrement rapide depuis le milieu des années 90 pour atteindre 7,4 milliards d'euros fin 2006 (augmentation de 104 % de 2000 à 2006 soit + 815 millions d'euros en 2004, + 840 millions d'euros en 2005 et + 911 millions d'euros en 2006). Tout d'abord, pour tenir compte de la croissance des dépenses de RMI en 2004, l'État a décidé de verser une subvention exceptionnelle de 457 millions d'euros afin que, pour la première année du transfert, le total des ressources soit égal aux dépenses effectivement supportées par les départements. Cet abondement a été voté en LFR pour 2005 et versé au tout début de l'année 2006. Ensuite, la dépense afférente au RMI ayant continué d'augmenter en 2005 - quoique de manière plus modérée -, le Gouvernement a accepté, lors de l'examen de la loi de finances pour 2006, la création pour deux ans d'un fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI) doté de 100 millions d'euros en 2006 et de 80 millions d'euros en 2007. Le Premier ministre a annoncé le 9 février 2006, à l'issue d'une réunion avec l'assemblée des départements de France, une amélioration du dispositif sur deux points : le FMDI est créé non plus pour deux ans mais pour trois ans (de 2006 à 2008) ; le fonds dispose annuellement de ressources qui ont quintuplé et qui atteignent donc 500 millions d'euros par an. Au total, et si l'on tient compte de l'abondement pour 2004 de 457 millions d'euros, ce sont presque 2 milliards d'euros supplémentaires qui ont été dégagés pour financer les dépenses de RMI. Si l'on prend en compte les aides exceptionnelles de 2004 et du FMDI, le droit à compensation ainsi augmenté couvre 100 % de la dépense réelle du RMI en 2004 ; pour les années ultérieures, le taux de couverture approche les 94 % (au titre de la dépense 2005) et 90 % (dépense 2006). De plus, on constate en 2007 une baisse du nombre de bénéficiaires du RMI. C'est un signe encourageant qui traduit les premiers résultats des actions menées par les départements en faveur de l'insertion. En outre, le PLF 2008 supprime l'assiette de carburant la moins dynamique. Les départements devraient ainsi bénéficier de bases de TIPP plus favorables. Le Gouvernement a ainsi démontré qu'il savait accompagner les difficultés rencontrées par les départements. En revanche, il est impossible de proposer la compensation intégrale du transfert du RMI avec une révision chaque année en fonction du niveau de la dépense. À l'opposé de l'objectif de responsabilisation des élus locaux dans la gestion de leurs politiques, cela consisterait à demander à l'État de régler, année après année, les factures que leur présenteraient les départements. Ce n'est pas la conception de la décentralisation défendue par le Gouvernement. À côté de l'accompagnement financier, il convient de redonner aux départements de véritables marges de manoeuvre dans la gestion du RMI. Tel est l'objet de l'expérimentation ouverte sur le revenu de solidarité active (RSA) qui donnera une plus grande liberté de gestion aux départements expérimentateurs et leur permettra d'améliorer les incitations financières associées à la reprise d'un emploi. Il n'est en revanche pas envisageable de s'engager dans la logique inverse de déresponsabilisation financière des départements.
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