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Marcel Rainaud
Question écrite N° 2303 au Ministère de la justice


Premier bilan de la loi sur la récidive

Question soumise le 25 octobre 2007

M. Marcel Rainaud attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur l'application de la loi sur la récidive.

La loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a inscrit dans le droit français les peines planchers pour les récidivistes.

Lors de l'examen de ce texte, le principe de l'automaticité de la peine a été contesté, en ce qu'il nie certains principes du droit français et européen tels que l'individualisation de la peine, la prise en compte du parcours du délinquant et l'équilibre entre les circonstances de l'infraction et la personnalité de l'individu.

Le droit pénal procédant par grandes infractions, le vol avec effraction peut aussi bien qualifier un braquage important d'une bijouterie comme le fait de fracturer un distributeur de boissons. De même, la cession de stupéfiants s'applique-t-elle autant à un trafic à grande échelle de stupéfiants portant sur plusieurs tonnes qu'à la vente d'une barrette de cannabis dans la rue.

Ainsi, parmi les premiers jugements prononcés en application de la loi du 10 août, peut-on relever qu'une personne d'une vingtaine d'années, qui avait acquis 2 grammes de cannabis pour sa consommation personnelle encourait lors de sa comparution immédiate, une peine de 4 années de prison.

De la même façon, une personne sans domicile fixe, arrêtée pour avoir volé un parapluie dans un véhicule, tombant sous le coup de récidive pour vol avec effraction, encourait une peine de deux ans de prison ferme.

Il lui demande de préciser si ces premiers exemples d'application de la loi du 10 août 2007, s'inscrivent dans sa conception d'une justice équitable.

Réponse émise le 20 mars 2008

La loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 prévoit, pour les crimes et pour les délits, que ne peut être prononcée une peine privative de liberté inférieure à des seuils correspondant à des fractions déterminées des peines encourues dès lors que les auteurs commettent les infractions en état de récidive légale. Pour les délits, les peines minimales ont été fixées à : un an si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ou de quatre ans d'emprisonnement ; deux ans, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement ou de six ans d'emprisonnement ; trois ans, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ; quatre ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement. Si le prononcé d'une peine minimale constitue la règle, il convient de rappeler que ces peines minimales peuvent toujours faire l'objet, selon les antécédents du condamné, partiellement ou en totalité, d'un sursis, d'un sursis avec une mise à l'épreuve ou d'un sursis assorti d'un travail d'intérêt général ; la peine peut également toujours faire l'objet d'une mesure d'aménagement ab initio, de semi-liberté, de placement extérieur ou de placement sous surveillance électronique, dès lors que la partie ferme est inférieure à un an. Outre ces possibilités d'aménagement, le tribunal correctionnel conserve dans tous les cas, la possibilité de prononcer une peine inférieure à la peine plancher prévue, selon des conditions qui varient effectivement en fonction des types de récidive et des actes commis. En cas de récidive dite simple ou de première récidive, la juridiction peut par décision spécialement motivée, en raison des circonstances de l'infraction, de la personnalité de l'auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par le prévenu : soit prononcer une peine d'emprisonnement inférieure aux seuils prévus, le cas échéant en l'assortissant totalement ou partiellement du sursis, simple, avec mise à l'épreuve ou avec l'obligation d'effectuer un TIG ou en prononçant un aménagement de peine ; soit prononcer une peine autre que l'emprisonnement comme une peine alternative, une peine d'amende ou une peine complémentaire à titre de peine principale. Par conséquent, la faculté pour la juridiction d'individualiser la peine reste large. La loi du 10 avril 2007 n'a en aucune manière institué un régime d'automaticité des peines. À cet égard, les exemples cités d'un individu poursuivi en récidive légale pour avoir détenu deux grammes de résine de cannabis et d'un autre individu poursuivi en récidive suite à un vol de parapluie ont généralement conduit, dans la pratique juridictionnelle, à ce que les magistrats adaptent la peine finalement prononcée aux circonstances de l'espèce et à la personnalité de l'auteur, en écartant l'application de la peine plancher. En cas de récidive aggravée, c'est-à-dire, de deuxième récidive d'un délit de violences volontaires, d'un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, d'agression ou d'atteinte sexuelle, ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, la juridiction ne peut prononcer une peine autre que l'emprisonnement. Toutefois, par décision spécialement motivée, la juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement inférieure au seuil fixé si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. Cette faculté de déroger au prononcé de la peine plancher est naturellement plus réduite puisqu'elle s'applique à des prévenus déjà condamnés et qui réitèrent un comportement considéré comme causant un trouble grave à l'ordre public. La circulaire d'application de la loi (circulaire Crim-07-10-E8 du 13 août 2007) précise que la notion de garanties exceptionnelles recouvre de façon très concrète tous les facteurs de stabilisation sociale auxquels on peut songer : la situation professionnelle, économique mais aussi l'environnement social, familial, affectif, psychologique, moral... Il s'agit donc d'une conception suffisamment large pour permettre aux juridictions de prendre en compte toutes les situations. Le taux d'application des peines planchers est actuellement de l'ordre de 54,2 %, ce qui est révélateur d'un réel pouvoir d'appréciation des juridictions.

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