M. Marcel Rainaud appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la nécessité de mieux définir le statut administratif de la kafala.
Les services départementaux procèdent à l'information, à l'instruction des dossiers, ainsi qu'à l'évaluation et au suivi des personnes engagées dans une démarche d'adoption.
Les agents concernés sont régulièrement confrontés à des difficultés en matière d'information et de suivi des adoptants qui se tournent vers la kafala.
Ce mode d'adoption fait l'objet d'appréciations différentes selon les administrations ou les tribunaux, lorsque ceux-ci sont saisis.
Il lui demande donc de préciser les mesures qu'elle entend mettre en œuvre afin d'uniformiser cette appréciation, et de permettre la reconnaissance d'un statut d'adoptants aux personnes ayant choisi la kafala.
La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la kafala est une forme de protection de l'enfant, qui permet son éducation et sa prise en charge matérielle durant sa minorité, par une famille musulmane. La kafala ne créant pas de lien de filiation, elle ne peut en aucun cas être assimilée à une adoption en France. Le droit de la plupart des pays musulmans interdit d'ailleurs formellement cette institution. Toutefois, comme toute décision relative à l'état des personnes, la kafala, lorsqu'elle est judiciaire, a vocation à être reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, et permet donc à l'enfant de bénéficier d'un statut de protection. Cependant, les effets qu'elle produit sont plus ou moins étendus et dépendent à la fois de la législation du pays d'origine, du contenu de la décision et de la situation de l'enfant recueilli. Ainsi, dans le cas d'enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins, la kafala peut être assimilée en France à une tutelle. Lorsque les attributs de l'autorité parentale ont été transférés au kafil, sans renoncement définitif des parents à les exercer, la kafala produit les effets d'une délégation d'autorité parentale. En raison de cette relative complexité juridique, la kafala est encore mal connue des administrations. Il en résulte parfois des difficultés pour les familles, notamment auprès des services consulaires, sociaux, fiscaux ou éducatifs. Pour y remédier, une circulaire interministérielle viendra prochainement rappeler à ces services le régime et les effets de la kafala en France. Enfin, s'agissant de la possibilité de prononcer en France l'adoption d'un mineur recueilli dans le cadre d'une kafala, il convient d'observer que la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale a introduit, à l'article 370-3 alinéa 2 du code civil, des dispositions interdisant le prononcé en France de l'adoption d'un mineur étranger dont la loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce dernier est né et réside habituellement en France. Cet article a vocation à s'appliquer aux mineurs recueillis par kafala dont la loi nationale ne reconnaît pas l'adoption, notamment l'Algérie et le Maroc. La Cour de cassation l'a d'ailleurs rappelé dans deux arrêts de principe du 10 octobre 2006 (n° 1486 et 1487). Ces dispositions sont conformes aux engagements internationaux de la France, notamment la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, qui imposent de s'assurer de l'adoptabilité d'un enfant au regard de sa loi personnelle, avant le prononcé d'une adoption. Toutefois, dès lors que l'enfant a été élevé pendant cinq ans en France par des Français, la nationalité française peut lui être accordée, selon les conditions fixées par l'article 21-12 du code civil. La loi française lui étant alors applicable, l'enfant devient adoptable. Ce dispositif, qui garantit le respect du statut personnel de l'enfant et des droits qui en découlent, ne paraît pas devoir être remis en cause. Le rapport sur l'adoption remis au Président de la République le 19 mars 2008 par M. Colombani ne propose d'ailleurs aucune modification législative sur ce point. Il préconise en revanche de s'orienter vers des mécanismes de coopération avec les pays d'origine, et en particulier le Maroc, notamment en vue de faciliter la délivrance de visas au profit des enfants concernés. Ces conclusions rejoignent celles formulées par le groupe de travail chargé de réfléchir au statut des enfants recueillis par kafala, mis en place par le ministère de la justice en février 2007, en lien avec les autre ministères concernés. Ces préconisations font actuellement l'objet d'une concertation interministérielle.
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