M. Philippe Adnot attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique s'agissant des deniers publics, sur la nécessité impérieuse pour l'État de recouvrer les dettes qu'ont sur lui les fonctionnaires et hauts-fonctionnaires qui ont bénéficié de sa protection juridique pendant de nombreuses années de procédure judiciaire.
Il lui rappelle l'importance des frais de justice exposés par l'État dans certaines affaires, comme par exemple l'affaire dite des « écoutes téléphoniques de l'Elysée », pour assurer la défense de fonctionnaires finalement reconnus en dernier ressort responsables de fautes détachables du service par la chambre criminelle de la Cour de Cassation.
Il lui demande s'il estime qu'il appartient au contribuable d'assumer financièrement le coût de la mise en responsabilité personnelle de ces fonctionnaires ou, au contraire, s'il juge équitable que ces frais soient restitués à l'État, dans la mesure où la responsabilité de ce dernier n'est pas engagée.
Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a pris connaissance avec intérêt de la question relative au remboursement à l'État des frais de justice engagés au nom de la protection statutaire des fonctionnaires responsables de fautes détachables du service. Le premier alinéa de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que « les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales ». Le quatrième alinéa de l'article 11 précité ajoute que la collectivité est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle ». La jurisprudence administrative récente précise ce dispositif législatif. Ainsi, a-t-il été jugé que l'administration ne peut s'exonérer de l'obligation mise à sa charge qu'en établissant, « au vu des éléments dont elle dispose à la date de sa décision, le cas échéant, sur ceux recueillis dans le cadre de la procédure pénale », l'existence d'une faute personnelle (CE 12 février 2003, n° 238969). Par ailleurs, la décision accordant le bénéfice de la protection juridique est une décision créatrice de droits qui ne peut être retirée que si elle est illégale et dans le délai de quatre mois à compter de son édiction (CE 22 janvier 2007, n° 285710). Les dispositions de l'article 11 font en outre obstacle à ce que l'autorité administrative assortisse la décision accordant le bénéfice de la protection d'une mention selon laquelle l'État serait fondé à demander à l'intéressé le remboursement des sommes engagées par l'administration pour sa défense si, par une décision devenue définitive, une juridiction pénale venait à établir une faute personnelle dans les faits qui ont motivé sa mise en examen (CE 14 mars 2008, n° 283943). Le ministre qui a accordé la protection juridique peut seulement mettre fin à celle-ci pour l'avenir s'il constate postérieurement, sous le contrôle du juge, l'existence d'une faute personnelle (CE 14 mars 2008, n° 283943). Autrement dit, en l'état actuel du droit, et alors que, dans l'immense majorité des cas, l'administration doit prendre sa décision d'accorder ou de ne pas accorder la protection juridique en début de procédure, soit à un moment où il est difficile pour elle d'établir l'existence ou l'absence de faute personnelle, la collectivité publique qui a accordé le bénéfice de la protection juridique ne peut pas recouvrer les sommes qu'elles a engagées si, par une décision devenue définitive, le juge pénal établit l'existence d'une faute personnelle dans les faits qui ont motivé les poursuites. Néanmoins, sensible aux difficultés découlant de cet état du droit, notamment en termes d'équité, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique prépare actuellement des évolutions législatives tendant à permettre le remboursement des sommes indûment exposées par l'administration à l'occasion d'une procédure pénale qui a révélé, par une décision de justice devenue définitive, une faute personnelle commise par un agent public auquel cette protection a été octroyée.
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