Mme Joëlle Garriaud-Maylam attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur les graves conséquences qu'entraînerait l'utilisation des médicaments à base d'isotrétinoïne et visant à traiter l'acné. Elle lui rappelle que dès 2001 la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) dénonçait une grande insuffisance dans l'application des règles de prescription de cette spécialité pharmaceutique. De graves effets secondaires avaient déjà été notés chez certains patients, notamment chez les femmes enceintes, avec par exemple des malformations du fœtus.
Il semble également que ce médicament pourrait être lié à la recrudescence des suicides d'adolescents, beaucoup de ces jeunes gens ayant été traités avec le roaccutane ou autres génériques à base d'isotrétinoïne. Des changements très importants de comportement ont été signalés à plusieurs reprises après la prise de ces médicaments. Ne serait-il pas important dans ces conditions, de procéder à une étude approfondie des liens entre ce produit et l'apparition de comportements de type psychotique, dépressif ou schizophrénique ? Ne devrait-on pas également adopter un principe de précaution et réfléchir à une interdiction de ces produits ? Et au minimum, engager une campagne systématique d'information et de prévention auprès des médecins et du grand public, notamment auprès des adolescents ?
La surveillance du risque d'effets indésirables, dont les effets indésirables psychiatriques, résultant de l'utilisation des médicaments, est une des préoccupations constantes des autorités sanitaires, et plus précisément de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), conformément à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique. Cette mission de surveillance est assurée par le système national de pharmacovigilance défini aux articles R. 5121-150 et suivants du même code, qui comprend trente et un centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) répartis en France et dont l'agence assure la mise en oeuvre. Ce système recueille les déclarations d'effets indésirables ou inattendus des médicaments, effectue les enquêtes et études qui s'avèrent nécessaires et propose, le cas échéant, les mesures appropriées pour assurer la sécurité d'emploi de ces produits. Cette déclaration des effets indésirables est obligatoire lorsqu'un médecin constate un tel effet, afin que les symptômes présentés par le patient puissent faire l'objet d'une analyse rigoureuse et qu'ils soient pris en compte par le système national de pharmacovigilance. Les spécialités à base d'isotrétinoïne administrés par voie orale sont indiquées dans le traitement de l'acné sévère. Il faut noter qu'il s'agit du seul traitement antiacnéique ayant montré une efficacité rémanente, avec un bénéfice persistant après l'arrêt pour un certain nombre de patients. Toutefois, le suivi de pharmacovigilance de ces spécialités a conduit à ajouter la dépression mais également les tentatives de suicide et le suicide dans la liste des effets indésirables signalés dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) et la notice patient, respectivement en 1989, 1997 et 1998. Un nouveau bilan de pharmacovigilance a été réalisé en 2004 dans le cadre d'une procédure d'arbitrage européen visant à harmoniser au sein de l'Union européenne les AMM du Roaccutane et ses génériques, en particulier les indications, les contre-indications, les effets indésirables et les précautions d'emploi. Ont également été ajoutés les effets indésirables suivants : dépressions aggravées, anxiété, changements de l'humeur, troubles du comportement et manifestations psychotiques. La rubrique « Mise en garde et précaution d'emploi » du RCP a été également renforcée, soulignant la nécessité de surveiller étroitement les patients pendant le traitement, en particulier en cas d'antécédents de dépression, afin de rechercher d'éventuels signes de dépression et d'avoir recours à un traitement approprié si nécessaire. Parallèlement à l'analyse des cas de pharmacovigilance, une analyse du risque de troubles psychiatriques a été faite à partir des données précliniques et cliniques. La conclusion de cette évaluation a fait apparaître que l'ensemble des données disponibles ne démontre pas d'association entre l'isotrétinoïne et la dépression et ne permettent pas de conclure à l'existence d'un lien entre isotrétinoïne et conduite suicidaire. Il a été néanmoins décidé de poursuivre la surveillance de ce risque. Par ailleurs, il existe un certain nombre de notifications spontanées ou publiées de dépressions et de conduites suicidaires chez des patients traités par isotrétinoïne. Dans tous les cas de tentatives de suicide notifiés aux CRPV, le notificateur a signalé des prodromes (agressivité, troubles de la personnalité, etc.) ou un facteur déclenchant (rupture, tentative de suicide d'un proche, etc.). En revanche, aucune des neuf études publiées n'a démontré ni suggéré une augmentation du risque de dépression sous isotrétinoïne, certaines études suggérant au contraire une amélioration des symptômes dépressifs. En ce qui concerne le risque de conduite suicidaire, une seule étude est disponible et ne conclut pas à une augmentation du risque de suicide et/ou de tentative de suicide avec isotrétinoïne, comparé aux antibiotiques oraux. En outre, l'évaluation de ce risque est rendue difficile dans le contexte de la pathologie traitée, car l'acné s'accompagne souvent d'altérations de l'humeur et d'anxiété. De plus, dans cette population jeune, les conduites suicidaires ne sont pas exceptionnelles. En effet les tentatives de suicide et les suicides à l'adolescence surviennent souvent en dehors de tout contexte dépressif identifié. La notification en juillet 2007 d'un nouveau cas de suicide très médiatisé a conduit l'AFSSAPS à faire un nouveau bilan des cas de conduites suicidaires avec isotrétinoïne. Depuis sa commercialisation et jusqu'au 1er novembre 2007, environ 32 millions de boîtes contentant cette molécule ont été vendues, une quinzaine de suicides et une vingtaine de tentatives de suicide ont été rapportés en France avec Roaccutane ou un de ses génériques. Ces cas ont été notifiés spontanément aux CRPV et/ou aux laboratoires. Ainsi, un communiqué de presse publié sur le site internet de l'AFSSAPS en novembre 2007 reprend les résultats de ce bilan et rappelle qu'une vigilance particulière est recommandée chez les patients traités par isotrétinoïne s'ils ont des antécédents psychiatriques et qu'il convient d'arrêter le traitement en cas de signes évoquant une dépression. Par ailleurs, des recommandations de bonne pratique (RBP) sur le traitement de l'acné par voie locale et générale sont disponibles sur le site www.afssaps.sante.fr. Enfin, depuis la publication de ces informations, un certain nombre de témoignages de patients ou de proches de patients ont amené l'AFSSAPS à mettre en place un groupe d'experts pluridisciplinaire ayant pour mission de procéder à un état des lieux exhaustif du risque de conduites suicidaires avec isotrétinoïne, de proposer des recommandations pour la prise en charge des patients si nécessaire, et d'évaluer la pertinence de conduire de nouvelles études. Les travaux de ce groupe d'experts sont actuellement toujours en cours.
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