M. Alex Türk attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes sur le fait que la Commission européenne a décidé de mettre en place un « groupe d'experts » chargé d'engager la réflexion sur la révision de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, relative à la protection des données personnelles.
La mission de ce groupe est à la fois large et délicate puisque ces experts auront à faire des propositions à la Commission européenne visant à répondre aux nouveaux défis de la protection des données personnelles en Europe, au regard du développement des nouvelles technologies et de la globalisation. Ce groupe devrait ainsi, aux termes de « l'appel à expression d'intérêts » émis par la Commission européenne, « assister la Commission dans sa réflexion sur la nécessité de faire de nouvelles propositions législatives et de faire une contribution pratique pour leur préparation ». Ce groupe serait également amené à aborder la question de la protection des données dans les matières régaliennes relevant du « 3ème pilier ».
Or le profil des membres de ce groupe d'experts suscite de très lourdes interrogations. Il est en effet composé de cinq personnes qui, pour quatre d'entre elles, sont issues, soit de sociétés américaines : Google, Intel (Californie), soit de cabinets d'avocats dont les principaux établissements sont également basés aux Etats-Unis : Covington & Burling LLP (Washington DC), Hunton et Williams (Virginie).
Un seul membre est originaire d'Europe. Il s'agit du président de l'autorité néerlandaise qui, en tant que vice-président, représente le groupe de l'article 29 (regroupant les 27 autorités de l'Union européenne).
Or la directive de 1995, qui serait éventuellement modifiée, constitue le cadre juridique protecteur des droits individuels des citoyens européens en matière de données personnelles. De plus, il est inconcevable qu'un groupe d'experts chargés de réfléchir sur les pouvoirs touchant au « 3ème pilier », et donc au domaine de la souveraineté, puisse être composé aux quatre cinquièmes de personnalités représentant les intérêts privés américains.
Il souhaite attirer solennellement son attention sur une telle situation. Il lui demande de bien vouloir lui préciser sa position sur ce point et les initiatives qu'il compte engager sur cette question.
Le 12 juin 2008, la Commission avait en effet lancé un appel à manifestation d'intérêt en vue de la création d'un « groupe d'experts pour la protection des données dans l'Union européenne », destiné à l'assister dans sa réflexion sur l'opportunité de nouvelles propositions législatives. Les informations concernant la composition de ce groupe ont légitimement suscité des interrogations dont la Commission n'a pas manqué d'avoir connaissance. C'est donc avec intérêt que les autorités françaises ont relevé les déclarations récentes du vice-président Jacques Barrot et son intention, exprimée encore récemment dans l'intervention prononcée le 28 janvier 2009 pour la « troisième journée de la protection des données », de lancer plutôt une « large consultation » afin de renforcer la protection des données et de réfléchir à l'éventuelle nécessité de moderniser le cadre juridique existant. Il est donc désormais prévu que la réflexion sur une révision de la directive de 1995 soit conduite dans le cadre d'une consultation plus large, selon des modalités qui sont encore à définir et sur lesquelles nous devrons naturellement rester vigilants.
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