M. Roland Courteau. Les syndicats de journalistes se mobilisent, aujourd'hui même, pour défendre l'indépendance des rédactions, menacées, à leurs yeux, par la « mainmise » du pouvoir sur les grands médias.
(Exclamations et rires sur les travées de l'UMP.)
Ils ont ainsi déclaré : « Rarement l'indépendance des journalistes n'avait été autant bafouée. Rarement l'un des droits fondamentaux du citoyen, à savoir l'accès à une information honnête, complète et indépendante des pressions politiques [...] n'avait été autant menacé ». Pour les syndicats, cette situation, « inédite en France », est le symbole de la « dérive actuelle » où « une majorité des organes de presse sont détenus par des industriels, qui ont des liens très étroits avec le pouvoir ».
M. Jacques Valade. Vous parlez de Libération ?
M. Roland Courteau. Dans ce contexte, les syndicats demandent, à juste raison, la mise en oeuvre de mesures garantissant non seulement l'indépendance juridique des rédactions, mais aussi le respect de l'éthique professionnelle. Il s'agit là d'une question de démocratie.
Mais il est une autre question, et non des moindres : c'est le déséquilibre qui règne dans l'expression des grands courants politiques, à la suite des interventions répétées du Président de la République dans les médias.
M. Robert Bret. Que fait le CSA ?
M. Alain Gournac. C'est le Président de tous les Français !
M. Roland Courteau. D'autres ont même évoqué l'« accaparement » des médias. Nous considérons donc que le temps d'exposition médiatique du Président de la République doit désormais être décompté par le CSA, au même titre que celui du Gouvernement.
En effet, force est de constater que l'évolution institutionnelle, voulue et revendiquée par le Président lui-même, rend sans objet la règle dite « des trois tiers », destinée à assurer l'équilibre des temps de parole.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sûr !
M. Roland Courteau. Je le rappelle, cette règle réserve un tiers au Gouvernement, un tiers à la majorité et un tiers à l'opposition.
Aujourd'hui, le Président « conduit la politique de la nation », qu'il commente d'ailleurs plus qu'abondamment. Aujourd'hui, c'est le Président « qui gouverne », selon les propres termes de M. Sarkozy lui-même. Aujourd'hui, le Président est omniprésent dans les médias.
M. René-Pierre Signé. Et omnipotent !
M. Roland Courteau. Dès lors, nous semble-t-il, la règle sur laquelle s'appuie le CSA, autorité certes indépendante, doit être reconsidérée, et ce pour imposer un minimum d'équité.
M. Ladislas Poniatowski. Il faut un quatrième tiers !
(Sourires.)
M. Roland Courteau. Il s'agit, là encore, d'une question de démocratie.
Par conséquent, nous souhaiterions connaître le sentiment de M. le Premier ministre sur ces deux questions essentielles au regard de la démocratie.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Courteau, il vous suffit d'analyser les différents médias et de lire tous les jours la presse pour être pleinement rassuré sur le degré d'indépendance des journalistes !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est facile !
M. Yannick Bodin. Paris-Match, par exemple ?
M. Didier Boulaud. Ou La Pravda ?
Mme Christine Albanel, ministre. Il n'est donc point besoin, à mon sens, de légiférer en la matière.
S'agissant du temps de parole du chef de l'Etat, vous avez souligné, évidemment pour le déplorer, qu'il n'était pas pris en compte par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, lequel a en effet considéré que le Président de la République ne pouvait être assimilé à l'une ou l'autre des catégories dont les interventions donnent lieu à des temps d'antenne (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), qu'il s'agisse du Gouvernement, de la majorité présidentielle, de l'opposition ou d'autres formations.
(Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Yannick Bodin. Quelle nouvelle !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La donne va sûrement changer avec la révision constitutionnelle !
Mme Christine Albanel, ministre. Ce faisant, le CSA ne fait qu'appliquer une jurisprudence du Conseil d'État. Se référant à nos institutions, ce dernier a ainsi estimé : « Considérant qu'en raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le Président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti ou d'un groupement politique ».
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est extraordinaire !
M. Yannick Bodin. Rappelez-vous ce qui s'est passé hier soir !
Mme Christine Albanel, ministre. À l'évidence, en l'état actuel, le CSA est tenu de se conformer à cette jurisprudence et ne peut la modifier sans manquer à celle-ci.
Enfin, je le rappelle, le Conseil supérieur de l'audiovisuel est une instance indépendante, et il n'appartient pas au Gouvernement d'interférer dans ses réglementations.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.)
M. Roland Courteau. Ce n'est pas une réponse, monsieur le président !
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