M. Roland Courteau appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'extrême gravité de la crise qui frappe la viticulture et notamment la viticulture languedocienne.
Il lui indique que cette situation nécessite, en tout premier lieu, que soient prises des mesures d'urgence adaptées à l'ampleur de la détresse matérielle et morale des vignerons.
Par ailleurs, il est tout aussi impératif que soient traitées les causes structurelles d'une crise qui perdure depuis des années et s'amplifie davantage, au fil du temps.
Les difficultés actuelles sont la conséquence, en effet, de plusieurs facteurs dont, notamment, le recul en volume et en valeur des exportations françaises et plus particulièrement encore, la baisse importante et constante de la consommation intérieure.
Au gonflement des stocks qui écrasent les prix, s'ajoute une augmentation des importations de vins, tandis que les pressions à la baisse de la grande distribution aggravent une situation déjà désastreuse, que les mesures successives annoncées par les pouvoirs publics ne sont pas à même de rétablir.
Dans un tel contexte, il lui demande, d'une part, si elle entend prendre des dispositions d'une toute autre envergure que celles récemment prises et qui soient à la mesure de la gravité de la situation matérielle des vignerons et si il entend, d'autre part, proposer des perspectives claires susceptibles de restaurer la confiance et de redonner vigueur à un secteur, fleuron de notre agriculture, dont l'impact économique et social pour notre pays est de première importance.
En effet, un véritable soutien des pouvoirs publics s'avère donc indispensable pour conforter la filière, relancer la demande intérieure et renforcer la promotion de nos vins sur le marché extérieur.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 2, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, avec mon collègue Marcel Rainaud, je souhaite alerter une fois de plus le ministre de l'agriculture sur l'une des crises viticoles les plus graves que nous ayons connues.
Nous avons eu l'occasion d'indiquer ici même à plusieurs reprises que les mesures proposées par les gouvernements précédents n'étaient pas, et de loin, à la hauteur de la gravité de la crise et de la détresse matérielle et morale des vignerons.
Aujourd'hui, force est de le constater, les dégâts sont immenses. Des exploitations sont en perdition ; des revenus sont en chute de 40 % à 50 % ; des pans entiers de l'économie sont frappés de plein fouet. En prime, si j'ose dire, une nouvelle vague d'arrachage s'annonce, succédant à la précédente, laquelle a porté sur 12 000 hectares !
Quel gâchis pour une région comme le Languedoc-Roussillon, dont nous persistons à dire qu'elle a, toujours et encore, les moyens de ses ambitions ! En effet, la diversité et la complémentarité de ses vins, son image d'authenticité et la qualité de ses produits comptent parmi ses meilleurs atouts.
Pourtant, des drames humains sont en train de se nouer.
Un vigneron des Corbières faisait remarquer à Marcel Rainaud et à moi-même qu'il vendait l'hectolitre 524 francs, soit 80 euros, en 1995, contre 54 euros douze ans plus tard ! Quelle profession supporterait une telle chute de revenus ?
Sachez que ceux qu'un grand journal du soir qualifiait de « smicards de la vigne » en sont, pour beaucoup, à solliciter aujourd'hui le RMI. Le président du conseil général de l'Aude, M. Marcel Rainaud, qui est à mes côtés, ne me démentira pas !
(M. Marcel Rainaud fait un signe d'assentiment.)
Bref, il règne une situation de précarité importante chez nombre de nos viticulteurs.
Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir fait ici même des propositions, et ce dès 2002, pour éviter que la crise n'éclate. Malheureusement, ces propositions sont restées lettre morte, et l'on connaît la suite...
Quelles sont les causes principales de la crise de la viticulture française ? La baisse de la consommation en France, la diminution de nos exportations et, enfin, l'affaiblissement des mécanismes de régulation du marché de l'actuelle Organisation commune de marché vitivinicole, appelée aussi OCM Vin.
Un jour prochain, j'aurai l'occasion de revenir sur le projet de réforme de l'OCM Vin. Je m'en tiendrai aujourd'hui sur ce point à une seule remarque, pour mieux faire constater que la stratégie proposée par la Commission européenne n'est pas la bonne.
En effet, l'économie viticole mondiale paraît être entrée dans une nouvelle phase. Alors que la production diminue sous l'effet des changements climatiques, notamment la sécheresse, et de la crise, avec l'arrachage de vignes et l'arrêt des investissements, on note dans le même temps une augmentation de la consommation dans le monde. Il semble donc que la donne ait changé.
Bref, au moment où se négocie la réforme de l'OCM, cette question est stratégique : faut-il arracher des vignes, en Europe, alors que la consommation mondiale va dépasser la production ? À mon avis, la copie présentée par la Commission doit être revue et corrigée. À moins que la nouvelle OCM, dans sa version ultralibérale, n'ait qu'un unique objectif : arracher aujourd'hui pour mieux laisser la place en 2013 à de grands groupes financiers. Mais alors ce serait un comble !
J'en terminerai, monsieur le président, en exposant ce que nous attendons de M. le ministre de l'agriculture.
Nous attendons d'abord des dispositions d'une tout autre envergure que celles qui ont été prises voilà quelques mois.
M. Marcel Rainaud. Très bien !
M. Roland Courteau. Je crois me souvenir que, sur ce point, le Président de la République avait pris des engagements durant la campagne électorale.
Dès lors, un plan de relance important s'impose, avec la mise en oeuvre en urgence de mesures de soutien social pour les viticulteurs les plus en difficulté.
Pour les plus âgés d'entre eux, il faut proposer un nouveau dispositif de préretraites. Je rappelle les propositions de l'Union européenne fixant à 18 000 euros le montant de ces dernières, avec un financement provenant pour 50 % de l'Europe et pour 50 % de l'État membre.
Par ailleurs, alors que la consommation mondiale augmente, il importe de renforcer la promotion de nos vins sur les marchés extérieurs.
Concernant la demande intérieure, il doit certainement être possible, plutôt que de diaboliser le vin, de le valoriser tout en respectant les exigences de santé publique.
Il faut aussi aider et encourager les acteurs de la filière à se regrouper et à investir, afin de mieux équilibrer l'évolution de l'offre et celle de la demande, et acquérir un poids et une visibilité réels à l'exportation.
Marcel Rainaud et moi-même ne sommes pas certains que les 29 millions d'euros annoncés pour la France dans le cadre de la nouvelle OCM seront suffisants, même si nous reconnaissons que c'est là un premier pas.
En outre, nous proposons qu'une table ronde soit organisée chaque année avec la grande distribution. À propos de cette dernière, permettez-moi une remarque : pendant que les prix baissaient à la production, on ne retrouvait pas cette baisse sur les rayons des grandes surfaces !
Enfin, pourquoi ne pas organiser également des Assises de la viticulture ? La viticulture est un secteur qui, en France, génère quelque 800 000 emplois directs et indirects, et qui constitue le premier poste de nos exportations agroalimentaires. Il mérite donc la plus grande attention.
En conclusion, madame la ministre, nous attendons des perspectives claires, susceptibles de redonner confiance aux viticulteurs et vigueur à un secteur fleuron de notre agriculture, dont l'impact économique et social est de première importance pour la France, pour notre région Languedoc-Roussillon et pour l'Aude en particulier.
M. Marcel Rainaud. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, ministre de la santé et élue de la troisième région viticole française, je suis très heureuse de répondre à une question sur la viticulture !
Vous avez appelé l'attention du ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation préoccupante de la filière viticole languedocienne et vous sollicitez notamment la mise en place de mesures d'urgence dans les meilleurs délais.
La situation du marché du vin apparaît aujourd'hui contrastée, et tant Michel Barnier que moi-même connaissons les difficultés rencontrées par certains de nos viticulteurs. Toutefois, la faible récolte de l'année 2007 et les mesures de distillation de 2006 ont permis une nette diminution des stocks, et l'on enregistre actuellement quelques signes encourageants d'une reprise des cours des vins.
Diverses mesures ont déjà été engagées pour répondre aux difficultés de certains vignerons.
S'agissant du paiement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, Michel Barnier a demandé à notre collègue ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique de donner des instructions aux comptables du Trésor, afin qu'ils examinent avec la plus grande bienveillance les demandes de délais de paiement ou de remises des pénalités formulées par les contribuables connaissant de graves difficultés.
Face aux difficultés sociales rencontrées, un nouveau dispositif de préretraite sera opérationnel très prochainement. Les allocations prévues pourront être cumulées avec le dispositif d'aide d'arrachage définitif des vignobles.
Enfin, dans le cadre de la réforme de l'Organisation commune de marché vitivinicole, diverses mesures sont prévues pour redonner de la compétitivité à la filière et reconquérir des parts de marché. Ces orientations sont partagées par le Gouvernement et, si les instruments proposés nécessitent encore d'être amendés, le dispositif final devra permettre à la filière viticole de retrouver un nouveau souffle.
Enfin, monsieur le sénateur, vous connaissez la place que tient la question viticole dans la lettre de mission que le Président de la République a adressée à Michel Barnier. Ce dernier a donc ouvert la discussion sur le plan de modernisation sur cinq ans voulu par le chef de l'État, afin de définir un programme d'actions qui permette à la viticulture française de conforter sa place dans le monde. Les travaux seront organisés autour de trois thèmes : la recherche-développement et le transfert de connaissance, la compétitivité des exploitations viticoles et des entreprises d'aval, la gouvernance de la filière viticole, chacun sous le pilotage d'un responsable professionnel.
Ces travaux seront engagés très rapidement. Michel Barnier a demandé que des premières propositions lui soient adressées d'ici à la fin de l'année et qu'un plan complet, intégrant notamment les orientations de la réforme de l'OCM vin réformée, lui parvienne au plus tard à la fin mars.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la ministre, permettez-moi d'indiquer tout d'abord que, comme le démontrent vingt années de recherche et de travaux scientifiques, le vin consommé modérément et régulièrement est bénéfique à la santé.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pasteur disait que « le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons. » !
(Sourires.)
M. Roland Courteau. Je vous remercie de le souligner !
Il n'est donc pas anormal que Mme la ministre de la santé se sente concernée par les problèmes de la viticulture, ce dont je la remercie.
Cela dit, nous ne percevons pas dans la réponse du ministre de l'agriculture et de la pêche tous les engagements que nous espérions y trouver. Certes, un certain nombre de propositions y sont avancées. Mais Marcel Rainaud et moi-même ne sommes pas certains que celles-ci soient à la hauteur de la gravité de la crise et de ses effets dévastateurs. Quoi qu'il en soit, nous jugerons aux actes.
Notez simplement, madame la ministre, qu'il est extrêmement urgent de traiter ce problème gravissime sur les plans social et économique, car il y va de la vie ou de la mort d'un grand nombre d'exploitations et de l'avenir de zones entières !
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