M. Adrien Gouteyron attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur le terrible fléau du suicide des jeunes. En France, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-25 ans : tous les ans, environ 40 000 adolescents attentent à leurs jours. Près de 15 % des 11-18 ans sont dans une situation de grande souffrance psychique (addictions, troubles du sommeil) sur laquelle se greffent l'absentéisme, la montée de la violence sur soi (scarification) ou les autres (comme le happy slapping). Il apparaît, hélas, que l'adolescent demeure pourtant « le grand oublié des politiques publiques ». Selon le rapport que Mme la défenseure des enfants a remis au Président de la République, le jeune, entre deux âges, est encore trop rarement le destinataire de récents programmes spécifiques de prévention. De plus, le dispositif psychiatrique et médico-social étant complètement saturé, il faut ainsi attendre de trois mois à un an avant d'obtenir un rendez-vous dans un centre. Face à cette situation préoccupante, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend mettre en place afin de lutter contre cette tragédie.
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, auteur de la question n° 121, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
M. Adrien Gouteyron. C'est aujourd'hui la journée nationale pour la prévention du suicide et ma question va traiter de ce grave et très douloureux sujet.
Mme Bachelot-Narquin participe ce matin même à un colloque sur ce problème et je comprends donc tout à fait qu'elle ne soit pas là. Mais vous avez qualité pour la remplacer, monsieur le secrétaire d'État, et vos responsabilités peuvent vous permettre, me semble-t-il, de me fournir quelques réponses.
Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de quinze à vingt-cinq ans : tous les ans - les chiffres sont dramatiques -, 40 000 adolescents attentent à leurs jours, soit 800 à 900 décès par an.
L'augmentation des tentatives de suicide authentifiées comme telles est très inquiétante. Selon une psychologue, sur une période de six à sept ans, chaque adolescent connaîtra un copain de son âge qui aura fait une tentative de suicide et parfois, hélas ! cette tentative aura abouti.
Près de 15 % des onze à dix-huit ans sont dans une situation de grande souffrance psychique, souffrance qui se manifeste par des addictions, des troubles du sommeil, l'absentéisme en milieu scolaire, la montée de la violence sur soi. Et pourtant, trop souvent, l'adolescent demeure « le grand oublié des politiques publiques ».
Le jeune entre deux âges est, en effet, trop rarement le destinataire de récents programmes spécifiques de prévention. Le dispositif psychiatrique et médico-social est souvent saturé et n'est pas en état de répondre à la demande.
Combien de parents sont habités par l'idée effroyable que leur enfant adolescent ou jeune adulte peut décider de mettre fin à ses jours ? Nous ne pouvons les laisser seuls avec leurs interrogations ou leur angoisse et dans le cas, hélas ! où l'irréparable a été accompli, avec leur terrible sentiment de culpabilité.
Face à ce fléau, quelles réponses donner à ces parents ? Quelles réponses peut apporter notre société au désarroi de ces jeunes ?
Trop souvent, le suicide ou les tentatives de suicide sont des sujets tabous ; ce fait est souvent dénoncé par les spécialistes.
En 2000, et pour cinq ans, la France s'est dotée d'un programme national de prévention du suicide mobilisant les centres hospitaliers et les associations. Les actions visent un dépistage des facteurs de risque et une meilleure connaissance des facteurs précurseurs de la crise suicidaire et de ses facteurs déclenchant. Pouvez-vous dresser un bilan de leur effet ?
Il est évidemment très important de renforcer la prise en charge des jeunes suicidaires ou en désarroi. On le sait, un jeune qui a tenté de se suicider répète parfois son geste, et cela aboutit trop souvent.
Pour ma part, j'ai eu l'occasion de connaître le désarroi de certains parents. Leur douleur est indescriptible. C'est ce qui m'a poussé à poser cette question, monsieur le secrétaire d'État. J'espère que la réponse sera à la hauteur de la gravité du sujet.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur la douloureuse question du suicide chez les jeunes. Elle m'a chargé de vous répondre.
À un âge où la mortalité pour des raisons de maladie est très faible, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de quinze à vingt-quatre ans, après les accidents de la circulation.
Selon les dernières évaluations publiées par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, en 2005, 567 jeunes sont morts par suicide. Ces chiffres sont à mettre en relation avec ceux de l'année 1993, au cours de laquelle 1 030 jeunes s'étaient suicidés.
Pour autant, on ne le redira jamais assez, le suicide des jeunes est inacceptable. De plus, le grand nombre de tentatives de suicide, notamment chez les jeunes filles, reste très préoccupant.
Le suicide est une cause de décès évitable.
Depuis 1998, les pouvoirs publics ont mis en place une politique de prévention du suicide. Plusieurs axes forts sont privilégiés.
Favoriser le dépistage de la crise suicidaire au travers d'action d'informations et de formation des professionnels en contact avec les jeunes, en particulier les enseignants.
Diminuer l'accès aux moyens létaux.
Améliorer la prise en charge des suicidants en développant des protocoles de prise en charge dans les établissements de santé.
Approfondir la connaissance épidémiologique du phénomène.
S'agissant plus particulièrement des jeunes, la stratégie nationale d'actions face au suicide a permis de développer des lieux d'accueil et d'écoute et de former différents intervenants auprès des jeunes, en particulier en milieu scolaire, pour le repérage et la prise en charge de la crise suicidaire.
Le ministère chargé de la santé a consacré près de 1,5 million d'euros au financement de cette stratégie entre 2000 et 2005, tandis que près de 20 millions d'euros ont été dépensés en région sur la période 2000-2004.
Par ailleurs, le plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 prévoit la création de lits d'hospitalisation à temps complet en psychiatrie infanto-juvénile. Les efforts en la matière seront poursuivis cette année. Ainsi, 21 millions d'euros seront affectés à l'amélioration des structures hospitalières et 46 millions d'euros de crédits supplémentaires seront destinés à la création de postes, en particulier en pédopsychiatrie.
Ils permettront notamment de développer des structures spécialisées dans la prise en charge des enfants et des adolescents.
Un nouveau plan national d'action face au suicide 2008-2012 sera présenté en 2008. Dans les prochaines semaines, Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports installera un comité de pilotage présidé par une personnalité reconnue, et ce afin d'élaborer, dans un cadre pluridisciplinaire, des axes et des mesures prioritaires sur le repérage, la prise en charge et la prévention du suicide, en particulier en faveur des jeunes.
Le rôle des maisons des adolescents est également important dans les dispositifs destinés aux jeunes les plus en difficulté. De telles structures permettent d'apporter des réponses adaptées à la situation de ces publics en mettant en place un espace qui leur est dédié, pour leur accueil, pour leur écoute et pour leur apporter des réponses de santé diversifiées et adaptées à leurs besoins et attentes. C'est pourquoi l'objectif d'au moins une maison des adolescents par département doit être mené à son terme.
Roselyne Bachelot-Narquin a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du rapport de la défenseure des enfants. Ses recommandations, notamment s'agissant de développement des maisons des adolescents et de la place des parents, sont examinées avec toute l'attention nécessaire à l'action publique en matière de santé des jeunes.
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. J'ai noté avec satisfaction la volonté affirmée par le Gouvernement de lutter contre ce fléau. Je souhaite simplement que les crédits annoncés soient effectivement mobilisés et que les mesures envisagées soient réellement mises en oeuvre.
Je profite de l'occasion pour rendre hommage à l'action des élus locaux, en particulier des conseils généraux et des municipalités, qui prennent souvent en charge un tel problème en instituant des lieux d'écoute, car les jeunes ont besoin d'être écoutés. Je salue également le rôle important joué par les associations.
Pour que l'action publique soit réellement efficace, il est nécessaire que ces différents acteurs travaillent de manière coordonnée.
Le sujet est d'importance et il est normal que le Parlement en débatte de temps en temps.
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